MAD MAJESTY

CHAPITRE 2 - DAMIAN

Janvier 2024, Londres

Affalé sur le sofa, un verre de très bon whisky dans la main et les jambes croisées devant moi sur la table basse, j'observe Margot au comble de l'énervement après la parution du dernier article de ce putain de Smith Whitaker.

Cet enfoiré m'a dans le collimateur depuis plusieurs années et ne se prive pas de partager sa haine à mon endroit.

— Combien, le tirage, cette fois ?

Margot, qui enchaîne les cent pas devant moi, s'immobilise aussitôt. Et dans un ralenti sinistre, presque effrayant, elle tourne lentement la tête dans ma direction.

Margot Flemming est ma Pepper Potts** personnelle. Avec quinze années de plus que moi et un franc‐parler qui détonne au palais, elle est mon assistante, ma chargée de relations publiques et parfois un peu ma psy.

Ses tâches consistent à gérer mon image publique, à s'assurer que ma vie privée demeure privée, à me prêter une oreille attentive les jours où je suis à deux doigts de craquer pour tout envoyer balader et à gérer mon agenda, si ce n'est ma vie.

— Tu te fiches de moi, rassure‐moi ?

Je hausse une épaule.

— C'est une question sérieuse. Tu as les chiffres ou pas ?

— C'est ce détail qui te préoccupe ? Est‐ce que tu as conscience du contenu de ce torchon et de ce qu'il implique ? Altesse, c'est quoi ton foutu problème ?

Elle est aussi l'une des rares personnes dans tout ce foutu palais à se permettre de me dire les choses sans langue de bois.

Vu son expression, quelque chose me laisse penser que si elle en avait l'occasion, elle enroulerait ses mains autour de mon cou et serrerait jusqu'à ce que mort s'ensuive.

— Mon nom fait vendre, c'est un fait. Je veux savoir à quel point ces ordures du Tate se gavent sur mon dos.

Margot pousse un profond soupir, puis elle finit par lâcher :

— Le tirage avoisinait les sept millions d'exemplaires. 

Près de moi, Matthew ne masque pas sa surprise. 

— La vache, Dam ! siffle‐t‐il. En fait, avec tes conneries, tu participes activement à l'économie du pays.

J'ouvre les bras en grand et incline la tête comme si je saluais une foule imaginaire.

— Merci, petit frère ! Il y a au moins quelqu'un ici qui le reconnaît.

— Est‐ce que je dois à nouveau vous citer le passage qui explique, à juste titre, que le peuple est mécontent et que la colère gronde parmi tes sujets ? nous admoneste Margot.

Matthew me tape sur l'épaule.

— Tu devrais leur montrer le vrai toi. Ils se rendraient comptent que tu es un monarque qui a du cœur.

— Ton frère a raison, approuve ma secrétaire multi‐tâche. Le seul moyen de redorer ton image est de marcher main dans la main avec la presse.

— Main dans la main avec ces rapaces ? Jamais !

— Pourquoi je m'attendais à cette réponse ? Et si je te présentais les choses autrement ? Vois plutôt ça comme de la manipulation. Sers‐toi d'eux pour construire l'image que tu veux de toi.

Margot sort une pile de feuillets qu'elle pose devant moi.

— Tiens, je t'ai préparé une liste d'associations caritatives qui pourraient te plaire. Choisis‐en une ou deux et j'organiserai un déplacement sur place. Déplacement qui fuitera malencontreusement auprès des médias...