𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝒄𝒊𝒏𝒒

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EMERIA

Même près de vingt-quatre heures après l'annonce du soldat Florimond, la nouvelle tournait toujours en boucle dans mon esprit. Les mariages des souverains étaient censés être des événements rares et joyeux, mais ces enchaînements donnaient la fâcheuse impression que le roi tentait de monter une armée complète. Quel intérêt d'épouser autant de femmes en si peu de temps, des inconnues, qui plus est ? Quand allait-il s'arrêter ?

Quand je me rendis à table pour le petit-déjeuner, j'avais encore la tête pleine de pensées. Crystal sembla s'en rendre compte.

— Est-ce que tout va bien ? me demanda-t-elle.

Avant que je ne puisse lui répondre, la conseillère Féolane fit irruption dans la pièce. Elle était là plus tôt que les autres jours.

— Ah, parfait ! J'arrive juste à temps.

Elle prit place à côté de Ludmylla, qui était occupée à beurrer son toast. La conseillère se tourna vers la garde d'un air sévère.

— Pourquoi diable avez-vous donc quitté votre poste ?

Ludmylla se figea, puis, après un léger regard en direction de Féolane, posa son toast et se releva.

— Pardon, madame.

Et elle alla se poster droite, contre le mur. Après quelques secondes à dévisager la garde, Féolane se tourna vers nous.

— Je suis venue plus tôt pour travailler l'étiquette à table avec vous.

Elle fronça les sourcils en me voyant.

— Emeria, votre diadème.

Je portai la main à mes cheveux. Je ne l'avais pas mis.

— Ah, dis-je.

— Hé bien, qu'attendez-vous ? s'exclama-t-elle. Ne restez pas prostrée là comme une ignorante, allez donc le chercher !

Je retournai dans ma chambre. Le diadème était posé sur ma commode. Je ne l'avais plus porté depuis le jour de mon mariage, et je n'avais aucune envie de le faire.

Le cours d'aujourd'hui me parut terriblement long. Je ne savais pas que je pouvais commettre autant d'erreurs d'étiquette simplement en prenant mon petit-déjeuner. Qui mangeait son toast avec des couverts, sérieusement ?

Je poussai un soupir de soulagement quand la conseillère quitta enfin la pièce. Ludmylla reprit sa place et mordit dans son toast ramolli. Crystal esquissa un léger sourire, avant de se diriger vers le salon.

Rejane arriva quelques minutes plus tard.

— J'apporte le courrier, annonça-t-elle en nous donnant chacune une lettre.

Je regardai le destinataire. C'était Achlys. Je déchirai l'enveloppe, impatiente d'avoir des nouvelles de chez moi. Cela ne faisait que trois jours que j'étais mariée, mais j'avais l'impression qu'une éternité s'était écoulée sans que je ne voie mon frère.

« Chère Emeria, lus-je,

La maison sans toi, c'est définitivement étrange. Je ne suis pas sûr d'aimer cette sensation.

Maman agit comme si tout allait bien, et elle semble très heureuse que tu aies tant évolué, mais je sais qu'au fond d'elle, tu lui manques terriblement. Évidemment, elle ne le laissera jamais paraître.

Freyja est très occupée en ce moment, avec le potager. C'est la saison la plus chargée, et tu sais bien que les bambins sont plus nombreux chaque année !

Rejoins-moi au crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant