𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝒒𝒖𝒂𝒕𝒓𝒆

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CRYSTAL

La musique enjouée tapissait la grande salle de bal d'une ambiance feutrée. Quelques personnes esquissaient une valse sur la piste, d'autres menaient des conversations polies devant les étalages d'amuse-bouche.

Cachée derrière une des tables drapées de tissus blancs, je scrutais les alentours, à la recherche d'un mouvement furtif. Soudain, une main m'attrapa le coude.

— Trouvée !

Je sursautai. Emrys, une incisive manquante, me souriait d'un air satisfait.

— À toi, maintenant, me dit-il. Compte jusqu'à vingt.

Je cherchai notre mère du regard. Elle discutait avec le roi Oreste, aux côtés de Philéas, notre beau-père, qui tenait notre petite sœur dans les bras. Ismene ne faisait pas attention à nous.

— D'accord, dis-je. Va te cacher.

Je comptai consciencieusement, comme mon frère me l'avait demandé, puis je me retournai pour balayer la pièce du regard. Faisant attention de me déplacer discrètement, je regardai sous les tables situées à gauche. Emrys ne se trouvait nulle part.

Je passai devant ma grande sœur, Anastasie. Elle discutait avec les deux autres héritiers des couronnes : Theodore et Eira.

— Crystal ! me réprimanda-t-elle. Qu'est-ce que tu fais ?

Du haut de ses douze ans, elle maîtrisait déjà parfaitement le ton que notre mère utilisait pour nous gronder.

— Je cherche Emrys, répondis-je.

— Il est derrière cette table, répliqua aussitôt ma sœur.

Une voix fluette s'offusqua derrière ladite table.

— C'est pas cool, Anastasie ! Tu as triché !

Emrys émergea de sa cachette pour fusiller notre sœur du regard.

— Votre comportement est inadapté, Emrys, et il pourrait apporter beaucoup de honte au royaume d'Aderi si on vous voyait agir de la sorte. Tu n'as pas écouté aux cours d'étiquette ?

Emrys leva les yeux au ciel.

— Ne faites pas comme si vous ne vous ennuyiez pas comme des rats morts, dit-il à Eira et Theodore, ignorant le commentaire immédiat d'Anastasie sur son langage. Venez jouer avec nous.

Theodore et Eira échangèrent un regard incertain. Theodore jeta un coup d'œil vers son père, le roi Conrad.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit-il.

Emrys souffla, puis se tourna vers moi et me frappa l'épaule avec un grand sourire.

— À mon tour de chercher. Va te cacher !

Il se mit aussitôt à compter, beaucoup trop vite pour être fairplay. J'échangeai un regard avec Anastasie.

— Je t'aurai prévenue, me dit-elle avant de me tourner le dos.

Emrys était déjà à treize. Je me mis à courir pour trouver une cachette. Je jetai mon dévolu sur une table dont je soulevai le bord de la nappe pour me cacher derrière. Mon pied glissa et je tombai à terre, emportant la nappe avec moi. Le contenu de la table se vida sur le sol dans un grand fracas, les plats se brisèrent et la nourriture tâcha mes vêtements.

La musique s'interrompit. Des exclamations horrifiées firent place aux conversations, et je sentis les centaines de regards posés sur moi. Mais le seul que je retins fut celui, furieux, de ma mère. Je compris que j'allais passer un sale quart d'heure.

Rejoins-moi au crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant