Milkshake

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Le lendemain matin, Isaac était déjà là lorsque je sortis de chez moi. Il se tenait appuyé contre la voiture, les bras croisés et le regard distant, comme s'il observait quelque chose de bien au-delà du paysage familier de mon quartier. Mais dès que je fus en vue, il se redressa, ouvrant la portière avec cette même attention professionnelle qui le caractérisait.


Je m'installai dans la voiture et le remerciai d'un murmure, n'étant pas encore totalement habituée à sa présence. Pourtant, quelque chose avait changé. Aujourd'hui, il me semblait moins distant, presque... 

Le trajet jusqu'au lycée se déroula en silence, mais cette fois-ci, ce silence était étrangement confortable. Isaac semblait plus détendu, ses traits légèrement adoucis. Une ou deux fois, je l'aperçus esquisser un sourire, comme s'il avait remarqué mon regard curieux. Cela me surprenait à chaque fois, mais il restait toujours professionnel, se contentant de m'adresser quelques regards polis, sans jamais en faire trop.

Arrivés devant le lycée, il me fit un signe de tête habituel. "À ce soir," dit-il simplement, mais avec une chaleur nouvelle dans la voix.

Je lui souris timidement en descendant de la voiture, cette chaleur persistant en moi pendant les premières heures de cours.

À la pause, alors que j'échangeais avec Claire à propos de mon "nouveau quotidien" sous la surveillance d'Isaac, je sentis soudain un bras passer autour de mes épaules. Je sursautai avant de réaliser que c'était Mat. Il se pencha pour m'embrasser, mais je pus percevoir une certaine tension dans son regard.

- Alors comme ça, tu as un garde du corps maintenant ? demanda-t-il, son ton plus grave que d'habitude.

Je sentis mes joues s'enflammer, et jeta un regard à claire. 

- Désolé, j'ai du lui en parler, il t'as vue partir avec lui hier, me dit-elle.

- Euh, oui, répondais-je en m'adressant a nouveau a Mat. Mes parents ont un peu paniqué après... enfin, après tout ce qui s'est passé. Ils voulaient être sûrs que je sois en sécurité.

Il hocha la tête, les lèvres serrées. 

- Ouais, j'imagine. Et ce... Isaac, il est comment ?

Je restai silencieuse un instant, cherchant mes mots. 

- Alors elle t'as tout raconter a ce que je vois. 

- Oui j'ai du un peu insister mais j'ai réussi a la faire parler. Il adressa un clin d'oeil à Claire, puis se retourna vers moi. Alors ? Il est comment ? 

-  Il est... pro. Sérieux. Il fait juste son travail.

Claire tenta de détendre l'atmosphère avec une plaisanterie, mais je sentis la main de Mat se crisper sur mon épaule.

- Ça ne te gêne pas de passer tout ton temps avec un autre gars ? demanda-t-il, la voix sourde.

- Mat, ce n'est pas... il ne fait que m'accompagner et me surveiller, c'est tout, tentai-je de le rassurer.

Mais ses yeux s'étaient durcis. 

- Tu te rends compte de ce que ça fait pour moi, Harper ? Tu es avec quelqu'un d'autre en permanence, quelqu'un que je ne connais même pas.

Il relâcha finalement mon épaule et s'éloigna, visiblement agacé. Mon cœur se serra en le voyant partir, mais j'étais aussi en colère. La situation était déjà compliquée, je n'avais pas besoin qu'il me fasse une crise de jalousie par-dessus tout.

Les cours de l'après-midi passèrent au ralenti. J'avais tenté de me concentrer, mais les mots de Mat tournaient dans ma tête. À la sortie, je retrouvai Isaac au même endroit que le matin. Il m'ouvrit la porte comme d'habitude, mais dès que je fus installée, il posa un regard attentif sur moi.

- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il calmement.

Je soupirai, posant mon sac à mes pieds. 

- Rien de grave... juste une dispute avec mon copain.

Il hocha la tête, visiblement compréhensif. 

- C'est fréquent, ce genre de chose, quand... des changements arrivent.

Je fronçai les sourcils, surprise par sa remarque. Il m'adressa un regard presque réconfortant.

- Est-ce que tu veux te changer les idées avant de rentrer ? proposa-t-il, hésitant. Un milkshake, peut-être ?

L'idée me fit sourire malgré moi. J'avais besoin de décompresser, et l'idée de partager un moment léger, même avec Isaac, me plaisait. "Oui, pourquoi pas."

Nous nous arrêtâmes dans un petit diner en périphérie de la ville. Je commandai un milkshake à la fraise, et lui, au chocolat. Pendant un instant, le sérieux d'Isaac disparut, laissant place à un air plus détendu alors qu'il remuait sa boisson avec une paille.

- Je sais que ce n'est pas facile de s'adapter à tout ça, finit-il par dire doucement, brisant le silence.

Je levai les yeux vers lui, surprise par cette empathie inattendue. 

- Ça ne l'est vraiment pas. Je n'ai pas demandé tout ça, tu sais. Mes parents... ils s'inquiètent, mais parfois j'ai l'impression qu'ils ne me laissent même plus respirer.

Il hocha la tête en silence, comme s'il comprenait parfaitement. 

- Tu as encore le contrôle de ta vie, même si ça n'en a pas l'air.

Je restai un moment silencieuse, réfléchissant à ses paroles. Peut-être que ce que je vivais était temporaire, peut-être que cette protection finirait par disparaître. Mais en attendant, j'avais besoin de trouver un équilibre, et ce n'était pas une tâche facile.

De retour dans la voiture, l'atmosphère était plus légère. Nous bavardions de choses et d'autres, rien de très personnel, mais suffisamment pour que le trajet paraisse plus court. Je remarquai avec amusement qu'Isaac, malgré son côté sérieux, avait un humour discret, subtil. Parfois, un sourire en coin éclairait son visage, et j'étais presque tentée d'en savoir plus sur lui.

Nous arrivâmes finalement devant chez moi, et il coupa le moteur. Alors que je m'apprêtais à descendre, il se pencha légèrement vers moi.

- Je te revois demain... madame, dit-il avec un sourire taquin.

Je roulai des yeux, amusée malgré moi. 

- Ne m'appelle pas comme ça, s'il te plaît.

- Oui, madame, répondit-il d'un ton faussement sérieux, ses yeux pétillants de malice.

Je ris malgré moi, et quittai la voiture en refermant la portière. Tandis que je m'éloignais vers la maison, un sourire persistait sur mes lèvres. Ce moment passé avec Isaac avait adouci ma journée, et je n'étais pas sûre de savoir ce que cela signifiait.

En fermant la porte derrière moi, je posai mon sac dans l'entrée et soupirai. La journée avait été longue, et entre ma dispute avec Mat et ce moment inattendu passé avec Isaac, mes émotions étaient dans tous les sens. Alors que je me dirigeais vers ma chambre, mon téléphone vibra dans ma poche. En le sortant, je vis le nom de Mat s'afficher à l'écran.

"Hey... Je suis désolé pour tout à l'heure. J'ai agi comme un idiot, c'est juste que cette situation me rend fou. Je n'aime pas l'idée que quelqu'un d'autre soit constamment avec toi, mais je sais que ce n'est pas ta faute. Tu sais combien je tiens à toi, Harper. J'espère qu'on pourra se voir demain pour en parler. Je t'aime."

Un sourire doux se dessina sur mes lèvres en lisant son message. Malgré sa jalousie et sa réaction un peu excessive, je savais que ses intentions étaient sincères. Il tenait à moi et, d'une certaine manière, sa réaction venait de là.

Je m'assis sur le bord de mon lit et tapai une réponse.

"Moi aussi, je t'aime, Mat. Et je suis désolée pour cette situation, je sais que ce n'est pas simple à gérer. Demain, on pourra en discuter. Je ne veux pas que ça nous éloigne. "

J'envoyai le message, puis reposai mon téléphone sur la table de chevet. Tout en me préparant à me coucher, une pensée fugitive de mon après-midi avec Isaac me traversa l'esprit, mais je la chassai rapidement. Après tout, Mat était celui que j'aimais, et c'était avec lui que je voulais être.

Mais en me glissant sous les couvertures, je ne pus m'empêcher de repenser au sourire discret d'Isaac, et à ce moment léger partagé autour d'un milkshake.

Yes, MissesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant