Néfertari
Il s'est écoulé deux heures depuis que nous avons passé la frontière.
Sous un ciel étoilé d'une beauté saisissante, la jeep fend les dunes dorées. Les constellations scintillent au-dessus de nous, comme un voile lumineux. Notre petit convoi s'aventure à travers le désert jusqu'à ce qu'une oasis se dessine à l'horizon.
À environ trois cents mètres de cette oasis, nos véhicules s'immobilisent près d'une source d'eau bienfaisante. Chacun de nous descend de sa jeep, soulagé de pouvoir étirer ses jambes après ce long périple.
Avant d'arriver à destination, il nous reste encore quelques kilomètres à faire. En prévision de remplir nos réserves d'eau, les gardes et les deux servantes ont extrait des bidons de plus de cinq litres du coffre d'une des jeeps.
Ils s'attellent avec diligence à leur tâche, remplissant un à un les cinq récipients vides.
Pendant ce temps, Iyad et moi nous nous promenons près de l'oasis illuminé par des lampadaires récemment aménagé, offrant une meilleure visibilité de ce lieu enchanteur. Le murmure de l'eau qui s'écoule, la brise légère qui effleurent le sable et les palmiers environnants, apaise mon esprit troublé.
Je dois avouer que l'angoisse me ronge pour mon père et mes trois sœurs qui se trouvent à Ruwz. Ont-ils réussi à capturer madame Zeyad, Nesayem, Rajiya et Batoul et à les jeter en prison ? Je n'en ai pas la certitude, ou peut-être que c'est effectivement le cas. Tant que je n'aurai pas de nouvelles à ce sujet, je reste dans l'incertitude la plus totale.
Pour l'heure, je vais tenter de chasser ces pensées sombres et me concentrer sur ma nuit de noces qui vient tout juste de commencer. La chaleur réconfortante de la main de mon mari dissipe ma crainte et mon angoisse à peine perceptible. Mon cœur tambourine dans ma poitrine tel un marteau martelant frénétiquement un clou sur l'enclume.
C'est une émotion indéfinissable, qui réchauffe cet organe que j'ai longtemps perçu se fissurer par fragments tel un précieux cristal. Je contemple Iyad Jawahir avec des yeux brûlants, avide de découvrir ce qu'il cache sous son élégant costume qui lui confère une allure à la fois séduisante et virile.
Je fais un mouvement de tête pour enlever ses pensées perverses de mon esprit, en me focalisant sur lui. Il était à portée de main, et je percevais son parfum musqué et épicé qui s'infiltrait dans mes narines. Une senteur captivante et obsédante qui me pousse constamment vers des pensées pas très saines. Je détourne mon regard vers le paysage désertique d'une beauté incomparable.
Seuls, proches l'un de l'autre, à se regarder dans le blanc des yeux, comme si le monde était hors de portée. En étant dans notre bulle, une petite main a giflé la joue d'Iyad, ce qui l'a fait sursauter immédiatement. En se tenant la joue, mon conjoint fusille du regard son neveu de quatre ans, qui est suspendu comme un koala à son père. Afzal esquisse un sourire espiègle à son frère, qui est en train de fulminer seul dans son coin. Le petit Fayçal me tend une main et l'agite avec douceur.
Je craque en prenant le petit bout de chou dans mes bras, avec l'approbation de son père qui est vraiment ravi de me le refourguer. Il attrape le bras de son frère avant de faire volte-face pour me dire, d'une voix plus calme :
- Je te confie mon fils. Lui et moi devons avoir une conversation entre hommes.
- D'accord, dis-je, un peu déboussolée par le déroulement de cette escapade romantique.
Ensuite, les deux frères disparaissent derrière les palmiers, me laissant seul avec le petit, et Hind m'observe avec intérêt.
- Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu vas me bombarder de questions dans les minutes qui suivent ? Je lui demande en fronçant les sourcils.
Ma belle-sœur rétorque avec malice :
- C'est le cas. Je suis vraiment enthousiaste à l'idée de savoir ce qui se passe entre toi et Iyad.
- Rien de remarquable, nous venons tout juste de célébrer notre union.
- Évite de me prendre pour une poire, je perçois bien la connexion qui existe entre vous deux. Viens parler avec Mama Love, je suis là pour t'écouter.
- Très bien, je ressens un fort attachement envers Iyad et je ne sais pas si c'est réciproque de son côté.
- Qu'est-ce qui te pousse à penser ça ?
- Je suis perplexe à ce sujet. Son indécision à approfondir notre relation naissante me pèse énormément. Pourtant, il me montre son affection avec des gestes tendres, et ça me convient pour l'instant.
- Ça prouve à quel point il t'est attaché, ma douce ! Les baisers ne suffisent pas à nourrir une relation. On ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraîche, Néfertari. Tu le sais mieux que quiconque.
- Je suis parfaitement consciente de la réalité de vivre avec la méprise de chacun. C'est douloureux, extrêmement douloureux. Je confie à Hind, avec un goût amer dans la bouche.
- Je suis désolée, je ne te fais aucun reproche, il est tout à fait normal que votre relation soit en suspens. Ce n'est que le début de votre vie à deux. Fais-moi confiance, mon expérience avec mon mari a été parsemée d'obstacles au départ, et aujourd'hui, nous sommes comblés avec notre adorable petit garçon. Se corrige Hind en arrimant son regard au mien.
- Non, non, tu as raison, je m'inquiète pour rien. Ce n'est que le début et il a sûrement besoin de son espace. Surtout que je suis sa quatrième épouse et qu'il a d'autres femmes à gérer. Je ne dois pas être égoïste !
- Tu n'es rien de tout cela ! Néfertari, tu es simplement tombée amoureuse de ton époux. Je dirais même que tu as eu un véritable coup de foudre pour lui, déclare Hind avec malice.
À la suite de sa réponse, mes joues s'embrasent d'un rouge éclatant, tandis que le rire envoûtant du petit Fayçal résonne à mes oreilles tel une douce mélodie.
La petite tête brune arrime son regard bleuté au mien avant de s’exclamer d’une voix juvénile :
- Ne t’en fais pas, tata, tonton est complètement sous ton charme depuis que j’ai tenté de te revendiquer comme mienne. C’est un vrai idiot, pas vraiment doué pour exprimer ses sentiments, toujours à faire le guignol.
Au même moment, Iyad émerge aux côtés d'Afzal qui étreint sa femme part derrière en lui murmurant quelque chose à l'oreille.
Iyad s'immobilise devant moi, saisissant mon menton entre deux doigts tout en ancrant son regard émeraude au mien. Il dépose un doux baiser sur mon front avant de reporter son attention sur le koala agrippé à moi qui lui lance un regard perçant, fronçant ses adorables sourcils.
- Baisse ton regard, Fayçal ! C'est ma femme, va plutôt te cacher sous les jupes de ta mère !
- Non, je suis tout à fait à ma place ici, rétorque avec défi mon neveu à son oncle qui bouillonne de colère.
Courroucé Iyad m'arrache le petit pour le refourguer à sa mère en s'exclamant d'une voix à la fois forte et posée :
- Récupère ton insolent de fils, j'ai une nuit de noces à célébrer !
Il prit ma main avec fermeté et, d'un ton résolu, il déclare :
- Si vous avez besoin de moi, je serai dans le palais Zafiir¹, à quatre cents mètres d'ici ! J'y resterai pendant deux semaines, ne me dérangez qu'en cas d'extrême urgence !
Par la suite, il tire sur ma main et m'éloigne d'eux avec détermination. Nous filons vers l'emplacement des véhicules comme des flèches. Il relâche ma main et, d'un mouvement de tête, m'invite à grimper dans la jeep, ce que je fais sans hésiter.
Il revient à bord de la jeep, accompagné d'un garde, qui dépose dans le coffre deux jerrycans de plus de cinq litres, débordants d'eau fraîche.
Le garde s'incline avec déférence avant de se retirer, tandis qu'Iyad prend place derrière le volant, mettant le cap sur le palais Zafiir, tout proche. Il fait vrombir le moteur de la jeep et nous nous élançons à vive allure, loin de l'oasis verdoyante.
Note :
¹ Qui signifie Saphir en arabe.
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La Favorite De L'Émir [𝐀𝐫𝐚𝐛 𝐊𝐢𝐧𝐠𝐬 ᵗᵒᵐᵉ ³]
RomanceLa septième princesse de Ruwz est livrée en butin de guerre à l'Émir de Jawdat, Iyad Jawahir. Après cette défaite cuissante contre le royaume de Jawdat, le roi de Ruwz voulait solidifier leur relation ainsi que leur pouvoir en lui offrant la princes...