La nuit semblait avaler tout ce qu'elle touchait. Les ruelles de la ville étaient silencieuses, à l'exception du murmure constant de la pluie contre les toits métalliques. Dans une petite pièce éclairée par une simple ampoule suspendue, une main gantée parcourait lentement une table encombrée d'outils.Un scalpel, une lame rouillée, un pinceau usé. L'homme s'arrêta sur le pinceau, le soulevant avec une précision presque cérémonielle. Sa main tremblait légèrement, mais ce n'était pas de peur. C'était d'excitation.
Sur le mur face à lui, une toile inhabituelle : des photos, des articles de journaux, des croquis à moitié effacés. Tous avaient un point commun. Une femme.
Grace Rooney.
Un léger sourire effleura ses lèvres alors qu'il fixait son visage sur une photographie en noir et blanc, prise probablement à son insu. Ses yeux étaient baissés, concentrés, comme si elle lisait quelque chose d'important. C'était cela qui l'avait d'abord attiré : son sérieux, son intensité. Elle était différente des autres. Elle voyait les choses que personne d'autre ne voyait.
Il pivota légèrement, posant le pinceau sur la table avant de saisir une petite boîte métallique. Il l'ouvrit, révélant une pile de coupures de presse soigneusement pliées. Des titres comme « Un tueur insaisissable », « L'Artisan frappe à nouveau », ou encore « La police démunie face à l'œuvre macabre du meurtrier » défilaient sous ses doigts.
Il s'arrêta sur une coupure particulière. Un article où une photo de Grace figurait. Elle se tenait devant une scène de crime, son visage fermé, ses yeux perçants comme une lame. Sous l'image, le titre Disais:
« L'inspectrice Grace Rooney promet justice : 'Nous le trouverons.' »
— Promesses, murmura-t-il, sa voix douce résonnant dans la pièce vide. Des mots si creux.
Il épingla la coupure au centre de son mur, déplaçant quelques autres éléments pour qu'elle occupe la place d'honneur. Puis il recula, admirant son travail comme un artiste devant une toile presque achevée.
— Tu veux me trouver, Grace, dit-il doucement, presque affectueusement. Mais c'est moi qui t'ai trouvée en premier.
Il tourna les yeux vers une autre partie de la pièce, où une caméra ancienne était installée sur un trépied. Elle pointait vers une chaise en métal au centre, sous une lumière crue. Sur la chaise, une silhouette était attachée, immobile. Une femme. Ses vêtements étaient trempés de sueur et de sang, ses lèvres bleuies par le froid.
— Je suis désolé, chuchota-t-il, comme s'il s'adressait à elle. Ce n'est pas toi que je veux.
Il s'approcha lentement, sa silhouette se reflétant dans le regard terrorisé de la victime. Il s'accroupit devant elle, posant une main froide sur son genou.
— Mais tu comprends, n'est-ce pas ? Chaque chef-d'œuvre nécessite un sacrifice.
Il se releva et se dirigea vers la caméra. En ajustant l'objectif, il lança un dernier regard vers sa victime.
— Merci pour ton service, murmura-t-il.
Un clic résonna, suivi par le clignotement de la lumière rouge de la caméra.
Et dans cette pièce isolée, où les murs semblaient eux-mêmes retenir leur souffle, l'Artisan commença son travail.
La pluie continuait de tomber, et quelque part dans cette même ville, Grace Rooney était assise à son bureau, ignorant qu'à cet instant précis, une nouvelle pièce de son pire cauchemar prenait forme.
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L'Artisan
Misteri / ThrillerDans les rues sombres et pluvieuses de New York, un tueur en série connu sous le nom d'Alyster "l'Artisan" joue un jeu cruel avec la police. Ses crimes ne sont pas de simples meurtres : ce sont des œuvres, minutieusement conçues pour transmettre un...