One Last Dance

18

"Le deuil n'existe pas. On se souvient. On se souviendra toujours de tout. Dans les moindres détails." 

Alba

Je ne sais pas comment réagir, je sens mon cœur se briser pour lui un million de fois. Je crois qu'aucun de mes mots ne sera capable d'apaiser la douleur qui stagne dans sa poitrine quotidiennement malgré ma forte volonté de l'aider et de prendre sa douleur sur mes épaules. Je préférerais mille fois avoir le cœur brisé en sachant que le sien est réparé qu'avoir mon cœur intact. Je réfléchis à quelle réponse lui apporter, une réponse qui soit assez satisfaisante pour exprimer à quel point je suis désolée pour lui et que je suis là pour lui mais je ne trouve pas mes mots. Je panique me demandant ce qu'il pense de mon silence, putain il va croire que j'ai pris peur ou que je ne prend pas en considération ce qu'il me dit alors que ce n'est pas du tout ça.

Cette déclaration me permet de mieux comprendre certaines de ses réactions notamment pendant notre sortie au musée, quand j'ai appris qu'il avait un frère et qu'après cela, il se sentait très mal. Ou encore le fait qu'il n'en parle quasiment jamais. Je suis coupée dans mes réflexions par la sonnerie de mon téléphone qui retentit dans ma chambre, surprise, je regarde qui peut m'appeler à cette heure-ci et je m'immobilise quand je lis le prénom de Caleb sur mon écran. Je-pourquoi m'appelle t'il d'un coup? Je décroche sans réfléchir et j'entends son souffle saccadé.

- Je-je suis désolé de t'avoir balancé ça comme ça mais je-j'avais besoin d'en parler et t'étais là et...je suis désolé.. bafouille t'il, je peux ressentir son angoisse à travers le téléphone et ça me fait de la peine de l'entendre dans cet état.

- Non, Caleb ne t'excuse pas! je te l'ai déjà dit, ne t'excuse jamais de ressentir quelque chose et de l'exprimer, surtout pas avec moi. C'est moi qui suis désolée pour toi, je suis désolée que tu ai eu à subir ça, que tu ai à affronter un deuil et que tu ne puisses pas profiter de sa présence. Personne ne devrait vivre ça.

Je l'entends soupirer derrière le combiné, et je me demande ce qui se passe dans sa tête en ce moment, si il pense aux bons moments qu'il a passé avec son frère ou si au contraire c'est la douleur de sa mort qui l'emporte dans son esprit. Même si je me doute de la réponse,  j'aimerais croire qu'il arrive à penser à son frère de manière positive, à tous les bons moments qu'ils ont partagés ensemble. Je ne peux qu'imaginer la douleur qu'il doit ressentir à la perte de son frère, je suis fille unique, je ne sais donc pas ce qu'est un lien fraternel mais j'ai des proches et je me doute de ce que leur mort engendrerait sur moi et je suis tellement triste qu'il doive vivre avec cette douleur.

- Merci Alba de ne pas me juger et d'être là, j'en ai vraiment besoin.. dit-il d'une voix traînante et je vois bien que la nuit risque d'être longue pour lui et peuplée de mauvaises pensées. J'aimerais lui changer les idées, être auprès de lui pour le prendre dans mes bras, pouvoir faire quelque chose qui lui ôterait définitivement sa douleur mais la seule solution c'est que son frère revienne à la vie et ce n'est pas possible.

- C'est normal Caleb! je suis ton amie et je suis là pour que tu puisses te reposer sur mes épaules quand le monde devient trop dur à affronter seul! Déclaré-je d'un ton rassurant

- Tu peux le faire aussi Alba, quand le monde devient trop dur à affronter seule, repose toi sur mes épaules. Je serais là moi aussi.

Son affirmation me fait frissonner de la tête aux pieds, Personne ne s'est jamais dévoué autant pour moi, personne ne m'a tendu son épaule aussi ouvertement que Caleb et je crois que pour la première fois de ma vie,  je serais capable de me reposer sur les épaules de quelqu'un alors que je déteste ça. Je déteste exprimer ce qui me touche, me fait de la peine, me met en colère, je préfère garder toutes ces émotions négatives enfouies au plus profond de moi. Je ne veux pas que mes proches me voient autrement que comme la fille qui sourit tout le temps, qui est un peu (beaucoup) aigrie et qui râle tout le temps. Je ne veux pas qu'ils comprennent qu'en réalité je souffre énormément, je perds de ma joie de vivre avec le temps qui passe, l'anxiété et le stress ont pris une place dominante dans ma vie et mes pensées sont si déchaînées que je ne sais plus comment les réguler. Mais savoir que quelque part dans ce monde, quelqu'un est comme moi, à ne jamais se reposer sur les épaules des autres, est prêt à se laisser aller sur les miennes et à me laisser aller sur les siennes me donne envie d'essayer. De ne plus tout garder pour moi et d'essayer de me reposer sur les personnes qui comptent pour moi et qui sont là pour m'aider comme Caleb.