One Last Dance

4

                                       
   "Il y a des silences qui font du bruit jusqu'à s'en briser le cœur"

                                                                                
Caleb

La soirée avait bien commencé pourtant, malgré mes nombreuses angoisses mais j'en ai oublié la réalité et elle est beaucoup moins belle. Parfois je me demande ce que j'ai fait pour mériter ça, est ce que je suis une si mauvaise personne que ça pour endurer ça tous les jours? est ce que l'univers me croit assez fort pour supporter ça car moi je ne m'en sens pas capable et mon envie d'en finir pour de bon grandi quotidiennement au fin fond de mon cœur comme si c'était la solution à suivre pour que tout s'arrange. Mais je me raisonne en me rappelant qu'il faut que je vive pour lui, il ne serait pas fier de me voir vouloir abandonner mais il ne le serait pas non plus des conditions de vie dans lesquelles je beigne.

La chute que je réalise en retournant à la réalité est très rude et je me demande comment est ce que je vais encaisser le choc, j'en ai trop encaissé ces dernières années et je ne suis pas sûr d'en encaisser encore beaucoup d'ailleurs.

Je passe le seuil de la porte d'entrée et mon cœur tambourine dans ma poitrine, mes jambes sont flageolantes, je peux tomber d'une minute à l'autre. Je déteste passer les portes de cette maison qui autrefois a été mon havre de paix, aujourd'hui elle est mon enfer personnel et je ne sais pas comment me sortir de là. Je n'aperçois pas de lumière au bout du tunnel et à force de la chercher cette lumière j'ai peur de me perdre moi-même et de ne jamais en sortir.

Je n'ai pas besoin de dépasser l'entrée pour sentir la forte odeur d'alcool et de drogue qui parfume les murs de cette maison et cela me fait grimacer de dégoût et de peur en sachant pertinemment la suite qui m'attends. Je presse les paupières pour essayer de me donner du courage mais rien y fait je ne suis plus courageux depuis une éternité maintenant. Je n'ose pas avancer plus loin chez moi.

La maison est plongée dans le noir, la seule source de lumière qui se reflètent dans l'entrée est celle de la télé qui est constamment allumée pour rien, j'entends le vieux film qui tourne et je me demande si dans une famille normale, les membres de la famille s'installent tous confortablement sur le canapé pour regarder un film qui passe à la télé. Cela a dû arriver quelques rares fois ici et je ne pensais pas un jour regretter ces moments en me maudissant de ne pas avoir assez profiter de cette époque où mon seul problème était de retrouver mon frère pour qu'il joue avec moi, malheureusement cette époque est révolue et ne risque pas de revenir.

Mon esprit se reconnecte au présent et je l'entends marmonner des choses inintelligibles ainsi que poser une bouteille fortement sur la table basse du salon. Je me demande comment se fait-il qu'elle ne se casse pas. Je sais qu'il faut que j'avance mais mes jambes sont comme paralysées et pourtant je ne pourrais pas y échapper. J'ai peur, j'ai si peur là, seul, dans ce couloir sombre seulement éclairé par les reflets de la télé et mon pire cauchemar m'attendant sur le canapé.

Je veux m'enfuir pour toujours mais je ne peux pas. Je m'en veux tellement d'être aussi faible, une boule d'angoisse se forme au creux de mon ventre et des larmes me montent aux yeux, je suis si impuisant. Mes pas me mènent vers le salon et mon anxiété grandit tandis que j'approche du cauchemar de ma vie. Il est affalé sur le canapé complètement bourré et drogué comme tous les jours depuis une éternité maintenant, mon père n'a plus rien de l'homme qu'il était auparavant, il est encore pire et je ne sais comment me sortir de ces griffes qui me gardent précieusement enfermé dans ce cercle vicieux. Il ne m'a pas encore aperçu mais je sais qu'il m'a entendu, il attend le moment où je m'y attends le moins pour planter ses griffes et me faire le plus mal possible. J'ai l'impression qu'il est heureux en me faisant du mal, que cela lui procure un bien être incommensurable en sachant que je souffre et que je suis terrorisé de lui, je crois ne jamais comprendre la logique de son esprit. J'ai essayé de lui trouver des excuses, tout le temps. Je me suis dis qu'après le départ de ma mère, femme qu'il a énormément aimé, il lui fallait le temps de faire son deuil même si faire le deuil d'une personne vivante est compliqué mais il n'est jamais passé à autre chose et le départ de mon grand frère, sa seule fierté n'a pas arranger les choses. Je subis donc, le départ de ces gens qui le rendaient assez heureux pour que sa mauvaise facette ne se dévoile que face à moi.