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"Le deuil n'existe pas. On se souvient. On se souviendra toujours de tout. Dans les moindres détails." 

Caleb

Je suis resté une bonne heure assis seul sur ce banc avant de me décider à rentrer. Je ne savais pas quoi penser de ce qu'il venait de se passer, quelle est la probabilité pour que je retombe sur elle, après cette soirée d'anniversaire. Je pensais que je ne la reverrais jamais mais apparemment, le destin avait d'autres plans pour moi. Elle m'a tellement troublé, je suis perturbé par elle, comment est ce possible que je me sois retrouvé à danser avec elle alors que je ne supporte pas le contact physique des gens et que je ne suis pas à l'aise avec les inconnus? Danser avec elle était comme libérateur..? c'est vraiment étrange et je ne sais pas comment gérer cette amas d'émotions contradictoire qui surgissent à l'intérieur de moi, on ne m'a jamais appris à les gérer et à les interpréter, on m'a seulement appris à les refouler à l'intérieur de moi et c'est ce que je fais ce soir, je fais comme si rien ne s'était passé et comme si je ne ressentais pas des milliards de choses contradictoires.

En arrivant devant la porte de chez moi, enfin si je peux appeler ça un "chez moi" puisque cela fait longtemps que je ne m'y sens plus comme un endroit où je suis légitime d'être, mon père me fait me sentir comme étranger, comme si je n'avais pas le droit d'être ici et il y arrive avec brio. J'ai peur de passer la porte d'entrée et de voir qu'il m'attend de pied ferme pour me frapper, les blessures du début de soirée me brûle toujours et je ne veux pas qu'il aggrave mon cas car aller à l'hôpital est un risque que les gens me questionne et que donc mon père soit accusé de violences ce qui est inconcevable pour moi. Je ne veux pas le dénoncer, tout ça finira par me retomber dessus et puis c'est de ma faute s' il est comme ça, je lui rappelle beaucoup trop ma mère. 

J'ouvre le plus doucement possible la porte en espérant que l'alcool le fait dormir à point fermé, la maison est plongée dans un silence angoissant, le silence n'est synonyme que d'angoisse et de stress pour moi, ce n'est pas du tout reposant. J'avance dans le salon où la télé est allumée sur une chaîne aléatoire, le son au minimum, je la quitte des yeux pour les déposer sur la silhouette de mon père qui semble complètement endormi -vu tout l'alcool et la drogue qu'il a dû prendre en plus cela ne m'étonne pas- je m'approche délicatement et je le recouvre d'une couverture qui traîne sur le canapé, je l'observe rapidement et ses traits marqués par la fatigue me peine, peut être que je ne l'aide pas assez depuis le départ de maman et c'est pour ça qu'il me frappe? il faut que je sois plus là pour lui? que je sois différent? Je n'arrive pas à savoir ce que je fais de mal.. mais je crois que c'est juste moi, ma personne. Je suis une déception ambulante, un échec, je ne veux juste pas me l'avouer mais pourtant tous les signes sont là.

Je quitte le salon les larmes aux yeux, comment je fais pour continuer à vivre dans ces conditions? Je ne crois pas être assez fort pour supporter ça. En arrivant dans ma chambre j'enlève mes chaussures et je les range, mon père ne veut pas que mes affaires soient ailleurs que dans ma chambre, cette maison ne m'appartient pas et s'il voit quelque chose qui m'appartient, il pète un câble et Dieu seul sait de quoi il est capable dans ces moments là. Je me mets rapidement en pyjama et je m'assois sur mon lit en observant la photo de mon frère sur ma table de chevet et je ne peux qu'être triste.. je ne comprends pas pourquoi ce sont les meilleures personnes qui partent le plus tôt et puis.. je ne peux m'empêcher de me dire que j'ai une part de responsabilité dans sa mort, la culpabilité me colle à la peau et je crois que c'est quelque chose qui ne partira jamais. Je dois vivre quotidiennement avec mais ce n'est pas de tout repos.

Je m'allonge même si je n'ai pas grand espoir de dormir ce soir, comme à peu près toutes les nuits depuis assez longtemps pour que j'arrête de les compter. Je me refait le film de cette journée et le résultat est vraiment fou! comment ai-je pu me retrouver à une fête dont je ne connaissais même pas la personne dont c'était l'anniversaire mais le plus improbable c'est quand je me suis retrouvé à danser avec elle, je déteste le contact humain par dessus tout et pourtant avec elle mon corps n'a pas rechigné, je ne sais pas comment comprendre ça et puis le fait de la recroiser cette nuit, c'est comme si c'était écrit qu'on allait se recroiser. D'ailleurs je me demande bien ce qui peut la tenir réveillée si longtemps pour qu'elle veuille courir aussi tard, peut être que sa situation familiale est aussi désastreuse que la mienne, je ne lui souhaite pas en tout cas. Je ne sais pas si je dois en parler avec les garçons, je sais qu'ils ne se moqueront pas de moi -enfin si au début, parce qu'ils adorent me taquiner- mais je sais très bien que ce n'est pas méchant. Mais je ne vois pas l'intérêt d'en parler, je ne crois pas que cela soit quelque chose qui soit important au point de leur en parler, c'est quelque chose d'assez classique pour un ados de mon âge non? Parler avec une fille que je ne connais pas n'est pas quelque chose de bien fou, je n'ai juste pas l'habitude et j'ai donc l'impression que quelque chose qui est banal, est en fait incroyable ou bizarre alors que pas du tout. Je ne vais donc pas leur raconter, c'est le mieux que je puisse faire.

One Last DanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant