Chapitre Troisième

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Drôle de petiote, quand on pensait Paula, c'était faible comme adjectif. A la limite on pouvait dire complètement délurée ou encore bonne à interner. Pour ma part, je m'en tenais à « bien jetée contre un mur ». Elle avait dû en bouffer pas mal, d'ailleurs, la petiote. Je ne me serais jamais permis de la désigner de cette façon si je ne l'avais pas suivie dans son foutu jardin.

Quand Auguste m'a fait un petit signe du cou pour m'autoriser la porte, j'y ai presque sauté. Ouais, sauf que maintenant, alors qu'elle avait son œil d'acariâtre sur moi, je voulais juste prendre mes jambes à mon cou et me barrer. La jupe à terre, le genou au sol, elle s'inclinait face à un bac en plastique. Terre et branches, mousse et écorces. Un morceau de salade et un quartier de pomme dans un coin. Son index de la main gauche tendu droit devant elle, un petit monstre à quatre antennes tendait son cou vers sa tête.

Je pense que tout ce que j'aurais pu imaginer sur cette nana aurait toujours été à des lustres de l'escargot sur son doigt.

Elle prit délicatement la coquille brune entre ses doigts, le pouce et l'index de l'autre main, et reposa la bestiole gluante dans le bac. Puis, brusquement, elle se leva et me fit face. Soudain, je sentis la tempête s'abattre sur moi. Un déluge sans nom qui allait m'achever pour la soirée. Ses lèvres auraient pu devenir bleues tellement elle les serrait entre elles. Ses yeux me balançaient des éclairs menaçants en pleine trogne. Comme elle ne se décida pas à prendre la parole, ça n'aurait pas dû m'étonner, je fis un tour du jardin avec le regard. Un petit carré d'herbe entre quatre pans de murs. Au haut des cloisons, un petit toit permettait d'abriter les cases accrochées dessus. Et dans chacune de ces cases, des bacs en plastique où s'inscrivait des noms. Victor, Elliott, Léa, Clothilde et j'en passe.

-Allez-vous en, maugréa-t-elle.

-Je venais juste voir comment vous vous sentiez.

-Je vais bien, merci.

-Je suis peut-être un con mais je ne suis pas con.

-Vous avez de la logique, au moins, ricana-t-elle.

-Eh bien... Un con est une personne et être con est un état d'esprit, pas vrai ?

Elle me regarda vivement, ses narines se dilatant. Elle frotta ses mains et prit le baquet pour le replacer dans sa case. Ambre était le nom de l'animal visqueux.

Je parcouru son corps du regard. Elle était en collants de coton mais sans jupe ou salopette, c'était nettement plus intéressant. Sous ses habits amples se cachaient de courtes jambes fines et des fesses bien rondes. Le contour de sa culotte m'apparaissait et je me voyais bien tirer dessus.

C'est à cet instant que mon fantasme sur cette fille a commencé.

Elle se retourna et ses joues piquèrent un fard. Apparemment, elle avait oublié dans quelle tenue elle se trouvait. Oh, la vache. Ses joues roses étaient vraiment adorables. Comme si elle se trouvait nue sous mon corps. Exquis.

Finalement ses doigts agrippèrent l'élastique de sa jupe et elle passa les jambes dedans. Bon, eh bien, mon petit loup, dit quelque chose d'intelligent et évite-lui la fuite. Mais elle me devança :

-Partez, maintenant. Je n'ai pas besoin d'un voyeur dans mon jardin.

Si elle m'offrait la porte de ma propre fuite, alors je la fermerais. A clé, à double tours. Je devais réussir à lui parler. Au moins pour lui arracher un « bonsoir » quand je quitterais son jardin.

-Je suis désolé. Ce n'était pas mon intention. Je venais véritablement m'assurer si vous alliez bien. Excusez-moi mais on ne pourrait pas se tutoyer. Ça fait vraiment vieux-jeu, entre nous.

Le Jardin aux Escargots | l.t |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant