Chapitre Septième

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             Etrangement, elle ne rechigna pas. Elle ne sembla pas particulièrement enthousiaste non plus mais, au moins, elle était dans mon salon. Pour éviter toute tentative de fuite intempestive, je fermai à clé la porte. Ensuite, je lui pris les mains et la guidai dans ma chambre. Puis je fermai les volets, branchai la veilleuse qu'il m'arrivait encore d'utiliser et la regardai. Elle était complètement décontenancée et, malheureusement pour elle, ça ne risquait pas d'aller en s'arrangeant. Elle ouvrit grand la bouche quand je passai mon sweat par-dessus ma tête puis mon tee-shirt, me retrouvant de fait torse-nu. J'attaquai ensuite ma ceinture, abaissant mon pantalon et le jetant dans un coin de la chambre. Je n'étais sûr de rien et essayai de me répéter que tout aller bien se passer. Ainsi, en caleçon et en chaussettes, je m'approchai d'elle. Elle semblait complètement paralysée et n'eut même pas un mouvement de recul.

-Est-ce que tu me fais confiance Paula ? M'assurai-je néanmoins.

Au début, elle mordilla son pouce puis braqua ses yeux dans les miens puis acquiesça. Parfait. Je fis un nouveau pas vers elle et, là encore, elle ne bougea pas. Ce qui se passait dans sa tête à cet instant, j'aurais tout donné pour le savoir. Je m'accroupis à ses pieds et tirai sur sa jupe d'un coup sec de sorte qu'elle se retrouve directement au sol. Paula ne réagit pas. Je tirai sur ses collants et elle m'aida même à retirer ses pieds. Me redressant, j'ôtai son pull et son sous pull à col roulé, dévoilant la peau laiteuse de ses bras et de son ventre. Je lui laissai son soutien-gorge mais avançai le bras vers son élastique à cheveux. Je tirai dessus et ses mèches glissèrent le long de ses pommettes. Elle secoua légèrement la tête et ils tombèrent sur ses épaules si frêles. J'allai ensuite à ma commode, en sorti une paire de socquettes et lui donnai de sorte à ce qu'elle n'ait pas froid aux pieds. Le temps qu'elle les enfile, je repêchai mon téléphone dans la poche de mon pantalon et cherchai la musique qui allait faire vibrer ce moment. Paula attendait sagement. Les premières notes de piano inondèrent la salle puis se déclara le maigre sifflement d'un instrument, certainement à vent, dont j'ignorai le nom. C'était très doux mais pourtant d'une force que je n'expliquai pas. Puis le violon et une profonde résonnance de fond qui firent tressauter mon cœur se lièrent. Au bout de deux minutes, la puissance et l'envol de la musique nous placèrent dans l'ambiance que j'attendais. Paula n'avait pas bougé, elle fermait même les yeux et semblait se figer pour s'implanter quelque part au sein même de cette musique qui nous consumait entièrement. Après quatre minutes, le silence revint le temps d'un instant. Connaissant la musique par cœur, je m'approchai rapidement de Paula et me saisis de ses mains. Elle n'ouvrit pas les yeux, envoutée par la musique. Je lui indiquai qu'elle devait s'asseoir et c'est ce qu'elle fit. Elle m'écoutait sans broncher, docile et soumise, comme une bête blessée qui savait qu'on allait la soigner. La musique tournait en boucle, enivrant nos esprits, entournant nos cervelles de pauvres humains. Nous étions donc assis en tailleur dans cette chambre, face à face, la musique nous déchiquetant les entrailles. Paula ne le saurait jamais mais c'était la musique préférée de Violette. On l'avait passée à son enterrement et depuis je n'avais pas osé l'écouter. Pourtant, dans cette semi pénombre, face aux brisures de Paula aussi intenses que les miennes, je me sentais prêt. Je savais que j'allais pleurer mais je m'en foutais, je n'étais plus à ça prêt. Mon but actuel était d'extérioriser tout ce qui n'allait pas chez cette jeune femme, lui donner vie verbalement pour mieux l'anéantir physiquement.

Au moment où la musique recommença pour la troisième fois, j'entamai mon récit :

-Je suis un gosse de riche. Pile comme tu l'as dit. J'ai reçu une éducation classique mais j'ai toujours été gâté, ce qui fait de moi un homme plutôt capricieux. Par « éducation classique », j'entends que mes parents m'inculquaient leurs valeurs et ne me forçaient pas trop la main. J'avais des limites mais j'étais surtout autorisé à beaucoup de choses. J'étais très sportif et comme quatre-vingt-dix pourcent des gamins, j'ai fait du foot. Mon rêve était évidemment de devenir joueur pro. Mon père faisait donc en sorte de me trouver les meilleurs entraineurs. J'avais trois à cinq entrainements intensifs par semaine et je jouais tout le temps à la maison. J'avais aussi des matchs tous les week end. Seulement, il est arrivé un jour où je me suis tout pris dans la gueule. Je n'avais pas le cran, pas les bonnes piles. J'étais trop faiblard. Volontaire mais faible. Je perdais facilement mes moyens. Je jouais bien mais, du jour au lendemain, une fois cette révélation prise en compte, j'ai tout arrêté. Je n'ai jamais retouché un ballon, d'ailleurs. Je me suis donc plongé dans mes études, ce qui n'était pas plus mal. J'avais décidé que je voulais être chirurgien mais, là encore, je me suis pris la réalité dans la poire. J'étais nul. Vraiment. Je me suis donc redirigé en études de droit pour devenir avocat. J'étais une épave à cette époque. Puis j'ai rencontré Mathilde et tout a changé. Elle est très certainement la femme de ma vie. Quand on a eu Violette, ça a été le plus beau jour de notre vie. Mais... Je n'ai pas su la protéger. Ils lui ont découvert une leucémie. Et maintenant... Elle n'est plus là. Je suis divorcé. J'ai encore foiré. Pendant un temps j'ai cru être fort, que j'avais un but, quelque chose d'important à faire. Aimer ma femme et ma fille, les protéger, les rendre heureuses. Mais je n'ai tenu aucune de ces choses. Il n'y a pas longtemps, Mathilde a appelé. Elle voulait qu'on se revoie. J'ai... J'ai refusé. J'ai pensé qu'elle n'avait pas besoin de moi dans sa vie. Mais c'est égoïste parce que c'est peut-être faux. Je l'ai rendue malheureuse. Elle a pleuré et ce n'est pas digne de ma part.

Le Jardin aux Escargots | l.t |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant