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Après m'être enfuie aux toilettes alors que Riki commençait subitement à tenter des approches, j'en ressortis calmée, après avoir réfléchi. J'avais réagi ainsi seulement par surprise. Mon corps m'envoyait de sérieux signaux pour m'indiquer que je ne pouvais pas supporter plus. Il m'avait prise de cours.

Cela dit, peut-être m'étais-je emportée, peut-être que ce n'était qu'amical. Bien sûr que ça l'était. Pourquoi commencerait-il subitement à s'intéresser à moi ? Je me trouvais tellement stupide, je voulus me frapper. J'étais tout aussi honteuse de ma réaction, qui avait dû surprendre Riki et le mettre mal à l'aise.

En sortant des toilettes, je rejoignis les garçons. Riki affichait un rictus sérieux, il semblait frustré ou désemparé. Je tentai à plusieurs reprises de lui parler, mais il ne me regardait jamais dans les yeux, souriant une demi-seconde par politesse avant de me tourner le dos. Son sourire n'était rien de ce que je connaissais. Cette situation me fit mal au cœur. L'avais-je à ce point mis mal à l'aise ? Avait-il compris que je l'aimais ? Il ne m'adressa pas la moindre parole, pas le moindre regard.

Jay et Jake continuaient de s'amuser, parlant de temps en temps à Riki. Nous étions tous les deux côte à côte derrière eux, suivant les deux garçons. Mon cerveau fusait, essayant de comprendre ce qu'il se passait, et je sentais que de son côté, il était comme vide, comme s'il était redevenu un inconnu.

J'avais l'impression d'être invisible, comme si la chaleur et la légèreté de nos échanges s'étaient dissipées, laissant place à un vide glacial. Je cherchais son regard, désespérément, mais il ne me l'offrait jamais. Il n'y avait plus de sourire en coin, plus de taquineries, plus de cette étincelle dans ses yeux qui me rappelait à quel point nous étions connectés. C'est vrai, notre relation était la plus belle chose qui me soit arrivée.

Les jours qui suivirent furent pires. Je tentai de faire la conversation par message, lui envoyant des photos de ce que je faisais, des messages qui le faisaient habituellement rire, mais il ne répondait que toutes les dix heures par un seul mot. J'avais l'impression que je ne comptais plus pour lui. Il agissait comme lorsque quelqu'un que l'on n'aime pas nous parle, pour lui faire comprendre doucement qu'on s'en fiche de lui ou d'elle. Mon cœur voulait s'accrocher, mais chaque réponse engendrait un frisson. Je relisais les anciennes conversations que nous avions eues, essayant de retrouver cette complicité, ce lien que je sentais m'échapper. Mais les mots sur l'écran semblaient désormais si durs, forcés.

Au fil du temps, il ne répondait que tous les deux jours. Mes jambes tremblaient lorsque je voyais qu'il avait ouvert mes messages, me demandant s'il allait répondre. C'est lors du cinquième jour, alors que j'attendais sa réponse, que j'arrêtai d'attendre. Je le voyais écrire son message, puis il arrêtait, me laissant sur "vu". Mes jambes cessèrent de trembler lorsque je m'en rendis compte. Je ne bougeai pas pendant une heure, les yeux fixés sur mon téléphone. Je ne voulais plus attendre, je voulais le voir, lui parler et, par-dessus tout, comprendre. Ce n'était pas une simple froideur ou une indifférence, mais une absence, un retrait tellement silencieux qu'il creusait comme un gouffre chez moi.

Ainsi, je pris mon manteau et sortis de chez moi. Sur la route jusqu'à son terrain de basket, je réfléchis. Ce vide m'avait épuisée. Je restais assise sur mon lit, envoyant désespérément des messages à Riki. Je ne mangeais que lorsque mon ventre me faisait mal au point de me tordre dans tous les sens. Je ne comprenais pas. N'ayant pas les coordonnées de Jake ni de Jay, je ne pouvais pas leur demander ce qu'il se passait réellement.

Tout semblait se passer si rapidement et pourtant, seulement six jours étaient passés depuis ce soir-là. J'avais constamment froid, même lorsque le chauffage était au maximum. Ce froid n'apparaît que lorsque l'on perd quelqu'un, que l'on se sent impuissant face à une situation que l'on essaie désespérément de changer. Ma vie semblait prendre un tournant silencieux et tendu. Je ne voulais pas demander d'aide à Julie.

En arrivant sur le terrain de basket, il n'y avait personne. J'aurais dû m'y attendre. Je m'assis près de ce même arbre qui marqua le début de notre relation, attendant qu'il arrive, même si cela devait prendre plusieurs jours. Le soleil se coucha alors que je guettais encore l'entrée du terrain, espérant le voir arriver. Mes pensées me conduisirent jusqu'à lui. Je pensais à son rire, à la manière dont il passait sa main dans ses cheveux lorsqu'il réfléchissait, à son souffle chaud contre mes cheveux cette nuit-là. Mais ces souvenirs, au lieu de me réconforter, me hantaient. Ils n'étaient plus qu'un écho d'une proximité que j'avais détruite. Finalement, les larmes que j'avais tant essayé de retenir coulèrent alors que je cachais mon visage entre mes bras, posés sur mes genoux. J'avais froid, je me sentais vide et, surtout, je me sentais si faible.

Je ressentais une douleur sourde dans ma poitrine, si forte qu'elle me coupait le souffle alors que je sanglotais en me remémorant son sourire.

En me réveillant, mon crâne me faisait mal. Je sentais que mes yeux avaient triplé de volume. Je me sentais bête et, pourtant, j'avais encore envie de pleurer. Mais le silence prit la relève. Assise contre cet arbre, les genoux ramenés vers moi, mes bras croisés sur mes genoux, ma tête posée au-dessus d'eux, j'observais l'entrée du terrain. Plus aucune pensée ne me vint.

Soudain, je le vis arriver, habillé d'un sweat à capuche noir et d'un jogging gris, le ballon sous le bras. Il ne m'avait pas vue, commençant à s'entraîner. Je ne bougeai pas d'un poil, je n'avais plus de force ; le regarder me suffisait. Je sentais cette distance qui me séparait de lui s'agrandir chaque minute.

Quelques instants plus tard, Jay et Jake arrivèrent, jouant ensemble. Je remarquai que Riki ne parlait plus beaucoup. Ses amis essayaient de l'amuser, mais il n'était pas réceptif. Peut-être n'étais-je pas la seule dans cet état, pensais-je.

À la fin de leur match, je me relevai et commençai à m'avancer vers eux. Riki m'aperçut et partit aussitôt. À cet instant, mon souffle se coupa, je ressentis une douleur si forte que je fis un pas en arrière.

Jay et Jake regardèrent Riki partir avant de me rejoindre. Ils me regardèrent comme désolés. Je voulais partir, mais leur présence était plus réconfortante que la solitude et la froideur de mon appartement.

- Désolé qu'il réagisse comme ça, me dit Jay avec un sourire sincère.

Jake hocha la tête avant de s'avancer vers moi.

- Il lui faut simplement du temps pour s'y faire. Mais s'il ne peut pas s'y faire alors... répondit-il.

Aucune pensée ne traversa mon esprit.

- Se faire à quoi ? demandai-je, un peu perdue.

Jake regarda Jay, surpris.

- Eh bien, au fait que tu aies rejeté ses tentatives. Il n'est pas très doué, mais ce soir-là, il comptait te montrer son amour, continua Jake.

Ses mots me surprirent tellement que la tension de ma mâchoire se détendit, entrouvrant mes lèvres.

- Son amour ?

- Il ne voulait pas utiliser les mots par peur d'être maladroit. Il ne savait pas comment s'y prendre.

J'aurais voulu sortir tous les gros mots du monde. Il avait bien voulu me montrer qu'il m'aimait. Je ne rêvais pas. J'étais vraiment stupide de l'avoir laissé comme ça. Bien sûr qu'il l'avait mal pris.

- En fait, c'était la première fois qu'il s'ouvrait à quelqu'un, dit Jay.

Si seulement il savait à quel point je l'aime. Tout devint si silencieux, et pourtant, Jay et Jake continuaient à me parler. Tout s'assembla dans ma tête. Il fallait que je lui parle. Que je lui explique.

- Mais je l'aime ! dis-je en coupant la parole aux garçons, qui me regardèrent surpris.

Le vide devint si oppressant que j'avais du mal à me concentrer sur autre chose. Je voulais lui parler, m'excuser, réparer ce qui avait été brisé. Mais chaque fois que je trouvais le courage de l'approcher, il s'éloignait, comme si la simple idée d'être près de moi lui faisait trop mal.

Les jours passaient, et avec eux, le poids du silence grandissait. Je me sentais comme une étrangère dans ma propre vie, mes moments de bonheur et de légèreté ayant disparu avec lui. Ce vide qu'il laissait derrière lui, c'était bien plus que l'absence d'un ami. C'était l'absence de lui, de tout ce qu'il représentait pour moi. Et cette perte me rongeait un peu plus chaque jour.

Je devais le voir, lui parler, lui expliquer.

can't say goodbye [ni-ki] frOù les histoires vivent. Découvrez maintenant