Entre Deux Feux

79.

PDV Milia

J'étais fatiguée.

Physiquement, mentalement, émotionnellement.

Tout semblait s'effondrer autour de moi, et moi, je restais là, debout au milieu des ruines, incapable de reconstruire quoi que ce soit.

J'avais cru que j'étais arrivée au fond du gouffre.

Mais non.

Je n'avais jamais cessé de tomber.

Quand j'étais entrée en cours de français ce matin-là, j'avais su, immédiatement, que quelque chose clochait. L'absence de Clémence était une chose, mais le vide qu'elle laissait derrière elle était bien pire.

L'homme qui se tenait devant la classe, un professeur que je n'avais jamais vu auparavant, avait pris un ton neutre en expliquant :

— Madame Mahieur ne reviendra pas. Elle est partie pour raisons médicales graves.

Mensonge.

Je savais très bien la vérité.

Clémence n'aurait pas dû partir si tôt.

Pas comme ça.

Je sentais mon cœur battre trop vite, mes doigts se crisper contre ma table, mon souffle devenir court.

La journée s'était poursuivie comme un cauchemar dont je ne parvenais pas à me réveiller.

Je n'entendais plus rien.

Je ne voyais plus rien.

Tout ce qui comptait, c'était elle.

Clémence.

Clémence qui avait disparu.

Clémence qui m'avait abandonnée.

À la fin des cours, je n'avais pas réfléchi.

Mes jambes s'étaient mises à courir d'elles-mêmes.

Direction son appartement.

Je ne savais même pas si j'espérais la voir, l'entendre, comprendre...

Tout ce que je savais, c'était que j'avais besoin de réponses.

Mais ce que je trouvai là-bas me fit l'effet d'un poignard en plein cœur.

Lucas et Juline, en train de ranger ses affaires dans des cartons.

Comme si elle n'existait plus.

— Que faites-vous ? Ma voix tremblait. Juline, répond-moi. Pourquoi elle est partie ? Elle est où ?

Juline s'approcha, le regard empli de pitié, mais je fis un pas en arrière.

Non.

Je ne voulais pas voir cette expression sur son visage.

Je ne voulais pas entendre ce qu'elle avait à dire.

Je me précipitai à l'intérieur, fouillant chaque pièce, ouvrant chaque porte, chaque placard, cherchant un signe, un indice, quelque chose...

Mais il n'y avait rien.

Juste du vide.

Juste son absence.

Puis Juline lâcha ces mots, d'une voix douce mais tranchante comme une lame :

— Ça ne sert à rien, Milia. Elle est déjà partie... Loin d'ici.

Tout s'écroula autour de moi.

Mon souffle se coupa.

Mes jambes tremblèrent.