Nous étions mardi soir, encore en repas de famille. On doit sérieusement être la seule famille au monde qui organise ses longs dîners en pleine semaine.
Ma mère s'obstinait à faire des allers-retours entre la terrasse et la cuisine.
Mon oncle et ma grand-mère parlait politique, encore.
Ma tante était dans ses pensées en train de fumer, ça devait être son deuxième paquet aujourd'hui. Elle fumait comme un pompier, et le plus enrageant, c'est qu'elle était en parfaite santé, contrairement à lui.
Mon petit-cousin s'énervait sur sa console, et mon grand-père essayait tant bien que mal de lui faire la conversation.Et moi, je rigolais avec mon père, Jérémie, comme d'habitude. On était les deux seuls qui ne se battaient pas pour savoir qui était le pire entre Hollande et Sarkozy. On se défilait pas en passant notre temps à cuisiner, pour fuir les conversations. On fumait pas afin de se donner cet air détaché du monde. Et on avait autre chose à faire que de perdre notre calme en jouant au dernier Fifa, ou encore de parler tout seul parce que le destinataire n'était nul autre qu'un enfant, perdant son calme en jouant au dernier Fifa.
On était juste, les deux seuls qui se comprenaient. Parfois, mes grands-parents demandaient comment allait mon père, mais ça ne faisait qu'apporter un froid, alors ils changeaient vite de sujet. Parler de son cancer était devenu complètement tabou. Encore plus depuis qu'il est en phase terminale.
Vous devez penser que je parle du cancer de mon père comme si je m'en fichais royalement. C'est tout le contraire, je me demande sincèrement comment tournera ma vie le jour où il disparaîtra pour de bon, et je me demande aussi comment je ferai pendant ces ennuyeux dîners de famille et à qui je parlerai. Entre ma mère, Élodie, et moi, c'était plus que tendu. Et j'ai bien peur que ce ne soit pire le jour où il ne sera plus là.
Mais des millions d'enfants ont perdu un parent, alors je suppose que je peux y survivre.
Mon grand-père sembla changer de cible, sûrement lassé de la mauvaise humeur de mon cousin. Il se dirigeait maintenant vers moi, décidé à entamer une vraie discussion.
-Alors, bientôt le grand jour ? Dit-il en faisait allusion à ma prochaine rentrée en faculté de droit.
-Ouais, après-demain ! Ça passe vite ! Lui répondis-je en esquissant un sourire.
-Pas trop stressée ?
-Si, mais bon, il y aura Gabrielle et Eva alors ça devrait bien se passer !
-Je l'espère pour toi.
Nous continuions, accompagnés de mon père, la discussion sur mes futurs études, ma très prochaine rentrée et mes appréhensions. C'est vrai que l'idée de rentrer en faculté de droit me rendait anxieuse. C'est pas tellement l'intégration qui me gênait, mais la réussite. Ces études étaient réputées pour être plutôt dures et j'avais peur de ne pas y arriver. Mais comme me le répétait mon père, ça ne servait à rien de m'inquiéter pour quelque chose qui n'est pas encore arrivé.
Aux alentours d'une heure du matin, je disais au revoir à toute ma famille, excepté mon cousin qui s'était endormi devant son écran.
Le lendemain je me réveillais, plus qu'un jour avant la rentrée. C'est complètement idiot, mais une boule commençait à se former dans mon ventre. Je passai ma journée avec mon père, je lui avais promis. Et je savais pertinemment que se serait l'une des dernières.
Le soir, je décidai tout de même de rejoindre des amis pour ma dernière soirée de vacances. Je sais, sortir la veille d'une rentrée c'est pas très sérieux. Mais je préfère profiter de mes moments de liberté jusqu'à la dernière seconde.
Je sortis habillée simplement, d'une paire de jeans et d'un haut court. Puis j'attendis que Gabrielle - qui avait eu son permis cet été - vienne me chercher. Quelques minutes après elle arriva.
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Jusqu'aux étoiles
RomanceTout a commencé quelques années auparavant, il était âgé de deux ans de plus qu'elle. C'est comme si l'une des règles les plus importantes de la physique agissait entre eux deux. Ils étaient incontestablement attirés l'un par l'autre sans rien y c...