We're just broken things

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La maison semble froide sans la bonne humeur des garçons.
Je me sens seule, terriblement seule.
Comme si j'étais revenue dans le passé, il y a quelques jours, où personne ne s'intéressait plus à moi excepté Aglaé, Romain et Laura.

Aux yeux des gens, je n'étais qu'une simple orpheline perdue dans les entrailles du monde, destinée à subir un destin triste et tout tracé.

Aléa n'a pas remarqué que Sam faisait exprès de rentrer tard pour ne pas me voir, ni que je n'étais pas avec lui.

Je suis stupide.

-Lune, à table -marmonne Sam-

Il n'ose même pas me regarder. Je dois lui faire pitié.
C'est vrai que je n'arrive même pas à leur faire comprendre que ce n'est pas moi.

-je n'ai pas faim, Sam.

Je vais m'excuser auprès de sa mère et je monte dans ma chambre.
Le besoin d'écrire ce que je ressens me traverse.
Je cherche partout une feuille.

Rien dans le bureau.
Rien dans les armoires.

Je cherche dans ma table de nuit.
Ma main tombe sur une feuille que je sors.

Celle avec la peinture de la main.

Je prend un stylo et m'assois devant le bureau.

Je me mets à tracer des mots, des lettres, des signes, je ne sais même pas ce que j'écris.

Je finis par laisser la feuille sur mon bureau, exténuée.
Ça ne sert à rien. Tout est fini.

Je m'endors sur mon lit, secouée par des sanglots interminables qui se bloquent dans ma gorge quand j'essaye de respirer.

*

-pour demain, vous me ferez le plaisir d'apprendre cette poésie. Vous passerez seul devant le reste de la classe et vous devrez trahir une émotion en récitant ce tex...

La sonnerie retenti et personne n'attend la fin de la phrase.
Que c'est stupide. On n'est plus des maternels.

Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser.

Je me demande si Baudelaire pensait à la mort quand il a écrit ce poème.
Quand elle a envie de frapper, qu'elle est en colère, elle tue des innocents.
Elle a tué mes parents, et ils n'avaient rien demandé.
Je me suis toujours dit que ça n'arrivait qu'aux autres.
Mais non...

Je sors de la classe en me faisant percuter par des élèves. Les nouvelles vont vite, tout le monde sait que les garçons me détestent, et j'en paye les conséquences.

-dégage Lune, t'es dans le passage.

Ils me poussent, me font des croches-pattes.
Je subis sans rien dire.
Je tombe, je me relève. Je retombe.

-tu me dégoutes.

Moi aussi, je me dégoute.
C'est ça le pire.

*

"Concert des KAES ce soir.
En l'honneur de leur nouveau disque qui sort dans une semaine,
Ils vous présenteront leur nouveau morceau."

La pancarte est accrochée dans tout le lycée.
C'est une véritable torture.
Tout le monde me regarde, et je sais qu'ils se demandent tous si je vais y aller.
Oui. J'irai.

J'irai simplement pour les voir une dernière fois, pour sentir leur musique vibrer au fond de mon être, de danser une dernière fois.

J'irai pour voir Aaron chanter une dernière fois, pour le voir bouger, pour le dévisager une dernière fois.

J'irai pour qu'ils voient que je suis là, même si ça ne sert à rien, pour qu'ils sachent que je suis avec eux, que je les aime, une dernière fois.

J'irai pour crier, pour pleurer, pour hurler une dernière fois.

Et après, ça sera fini. Les souvenirs s'envoleront, et je serais seule.
Terriblement seule.
Mais j'irai, simplement pour eux.

*

Les murs vibrent, la foule danse, les mains se lèvent.
Je reste calme et je regarde Aaron. Il est tellement beau, tellement grand, tellement surprenant, tellement magique.
Sa voix me transporte, me brise et me casse.
Les larmes coulent sur mes joues.
C'est la dernière fois.
La musique s'arrête, tout le monde applaudit.

-et maintenant, on vous présente notre nouvelle chanson "we're just broken things".

Ils s'accordent, prennent leur temps. Sam bat le tempo à la batterie.
C'est doux, mélodieux, transportant.
La voix d'Aaron s'élève, faisant vibrer l'air.

We're just broken things,
Lost in the middle,
Broken in my heart,
Broken in my eyes.

Les paroles me déchirent le cœur et à ce moment, je veux juste mourir.
C'est à moi que cette musique s'adresse.
J'ai trahi leurs confiance et je les ai brisé comme de vulgaires choses sans âmes.

And now i'm crying
You can't stop lying,
And you're standing on my knees,
But you gotta stop please

Je me mets à courir loin du concert et j'espère qu'ils ne m'ont pas vu. Je suis stupide et sans cœur.
Je n'ai pensé qu'à notre amitié et à moi.

À des moments, je perds la tête, j'ai l'impression que c'est moi qui ai cassé la basse d'Evans et qui ai envoyé la photo à Aaron.
Je me sens mal, j'ai envie de vomir. Mes yeux débordent de larmes.

Je suis persuadée de ne pas avoir fait tout ça, pourtant, une part de moi doute.

Unkiss meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant