VI-

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Elle a attendu cinq heures dans le hall de l'hôpital, cinq longues heures pour qu'on lui annonce qu'ils n'avaient rien pu faire, que la douleur était trop importante et le cancer beaucoup trop fort pour les doses de médicaments. Neus les soupçonnait de l'avoir tué, de l'avoir « fini » à coup de médicaments et de doses trop forte pour le corps beaucoup trop frêle de son arrière grand-mère. Neus s'écroula au milieu du hall.

Il l'avait vu de loin, il avait vu sa chute au ralenti, il aurait aimé empêcher ses genoux de cogner le sol, mais lorsqu'il arrive, Neus pleurait déjà sur le sol de l'hôpital San Joan de Deu. Il la souleva, elle ne pesait presque rien. Marc aurait aimé prendre de sa douleur, alléger sa peine, sauf qu'il n'avait aucune idée de la douleur de Neus.

Elle s'accrocha à lui, elle ne voulait pas retomber, et elle ne voulait pas couler. Il était sa bouée, une bouée percée qui pourrait la couler au fond de l'océan mais pour le moment il était le seul être humain capable de la maintenir encore en vie.

- Elle est morte, bafouilla-t-elle à travers ses sanglots.

Marc eut du mal à comprendre, il sut juste qu'il devait poser Neus dans un coin et appeler sa famille. Il prit le portable de la jeune femme, et appuya sur la touche 'appel' au numéro de sa mère. Avant, il eut le temps de voir les quatre messages reçus d'Alvaro.

- Vous êtes la mère de Neus ? Demanda-t-il lorsqu'on décrocha à l'autre bout.

- Oui, elle a eu un problème ?

- Elle est en pleurs à l'hôpital et...

Txell Perez Costa, la mère de Neus, le coupa au milieu de sa phrase, elle lui demandait de ne pas bouger et de rester avec sa fille. Cinq minutes plus tard, les parents de Neus arrivèrent. Un médecin les interpella. Marc entendit seulement les mots : décès, arrêt cardiaque, morte en paix à 140 ans.

- Ça va aller, murmura-t-il en embrassant les cheveux de sa catalane.

- Non, couina-t-elle, non ça ne va pas aller.

Sa voix partait dans les aigus. Il la serra encore plus contre lui.

- C'est vous qui avez appelé ? Demanda une femme d'une quarantaine d'années, les yeux sombres de tristesse.

- Oui, je suis un camarade de classe de Neus.

- Merci, répondit l'homme à ses côtés, le portrait craché de Neus.

Il lut la tristesse dans les yeux de la jeune catalane quand elle releva la tête, il eut mal au cœur pour elle. Marc lui tendit son téléphone et la regarda s'éloigner. Avant qu'une infirmière l'appelle, il avait oublié le but de sa visite à l'hôpital.

Neus ne parlait plus, elle ne répondait que par monosyllabe et restait au lit. Non, elle n'avait pas faim. Non, elle n'avait envie de rien. Non, elle n'allait pas bien ! Elle avait vu son cousin aussi affecté qu'elle, sa meilleure amie Elisa, Alvaro était passé pour rester une après-midi entière avec elle. Neus Tello Perez mit une semaine entière à se faire à l'idée qu'elle venait de perdre celle qui lui avait tout appris en dix-huit ans.

- Joyeux anniversaire amour, lui souffla Alvaro lorsqu'elle retourna enfin en cours.

- Je suis pas vraiment d'humeur.

- Je sais, c'est pour ça que tu vas rester avec moi, qu'on va sortir pour te changer les idées.

- Je pense que ce qu'elle voudrait c'est te voir heureuse, elle n'aimait pas te voir triste. Et puis tu sais qu'elle a toujours été fière de toi, c'est pas en pleurant qu'elle continuera, ajouta Cristian au cours du déjeuner.

- Bon d'accord, capitula Neus.

Ils étaient vendredi, les profs n'avaient rien dit sur l'absence de Neus, et avaient été plus ou moins compatissants.

- Je les déteste tous, lâcha Neus en arrivant à la fête.

- Mais moi je t'aime, comme un fou d'ailleurs, alors ignore-les.

Alvaro leur servit deux verres, ils étaient dans un coin, à danser tous les deux, tellement serrés que les personnes autour de la piste improvisée auraient pu les prendre pour des siamois.

Neus buvait, Alvaro buvait pour l'accompagner. Elle noyait sa tristesse, il l'accompagnait. Lorsqu'elle allait se servir un nouveau verre, quelqu'un l'empêcha.

- Arrête Tello. J'ai pas envie que tu vomisses partout chez moi.

Bartra. Ils étaient chez Marc Bartra et personne ne lui avait rien dit ! Neus tituba vers Alvaro en grande discussion avec un eucalyptus.

- Laisse ta copine la plante verte, on rentre.

- Mais elle était coooooleuuuh.

Neus eut encore le courage d'appeler un taxi et de donner l'adresse de chez elle. Alvaro s'endormait à côté d'elle. Une fois dans son lit, les légers ronflements d'Alvaro la bercèrent. Et puis elle tomba dans une nouvelle nuit de rêves sombres, noires, et peuplés de blouse blanches, avec comme seul espoir attendre le petit ange lumineux au bout du couloir. Marc.

C'était écrit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant