Luke marchait dans la rue. Il regardait ses pieds, pensif. Sa petite amie venait de le quitter. Ça n'avait même pas tenu deux semaines. Il avait pourtant fait de son mieux. Il commençait à penser qu'il n'était peut-être pas fait pour la vie de couple. Il poussa un soupir et redressa la tête.
Un homme marchait dans le sens inverse. Il portait un long manteau noir et un grand chapeau de la même couleur. Luke ne distingua pas bien son visage, mais il croisa son regard.
Un regard gris et froid.
L'homme sembla lui sourire.
Luke détourna le regard et redirigea ses pensées sur son ex-petite amie. C'était vraiment dommage que leur relation se soit terminée si vite. Luke avait vraiment eu l'impression que c'était la bonne, cette fois.
Mais... tout n'était peut-être pas pas perdu. Il pouvait essayer de la récupérer... faire des efforts, lui montrer qu'il pouvait changer pour elle...
Oui. Voilà ce qu'il allait faire.
Le corps sans vie de Luke fut retrouvé par sa mère le lendemain matin. Il gisait sur le sol de sa chambre, les cheveux et les sourcils rasés, la tête dans un sac en plastique, douze dents et sept doigts en moins.
*
Mme Aufrère était assise sur un banc du parc. Elle se sentait plus vieille que jamais. Elle avait fêté ses quatre-vingts quatre ans la veille et tout le monde s'était senti obligé de lui envoyer une carte de voeux pour le lui rappeler. Bande d'imbéciles.
Elle fixait le petit lac lorsque l'homme en noir entra dans son champ de vision. Son regard fut comme attiré par le sien.
Quelle idée de se promener vêtu de cette facon, pensa-t-elle. On dirait un cow-boy.
Ses yeux percants lui donnèrent la chair de poule.
Une fois l'homme en noir parti, Mme Aufrère resta encore un moment dans le parc, à se remémorer son passé. Puis elle rentra chez elle, avala tous les médicaments de son tiroir de secours et s'arracha les yeux avants de mourir d'overdose.
*
- PUTAIN ! hurla Georges.
L'OM venait de marquer un nouveau but. Tout le bistrot râla. OM - PSG, 4 - 2. Malgré les protestations de sa femme, Georges avait parié cinquante euros sur la victoire du PSG, et il était bien parti pour les perdre.
Lorsque la mi-temps arriva, Georges termina son verre - le troisième de la soirée - et sortit fumer une cigarette. Il regarda l'horizon et contempla le coucher de soleil, se sentant soudainement tout poète.
Puis il vit l'homme en noir, sur le trottoir d'en face. Il était relativement loin, mais il croisa toutefois son regard.
Un regard glaçant.
Georges eut un frisson, termina sa cigarette, retourna à l'intérieur, assista à la défaite du PSG et rentra chez lui.
Cette nuit-là, il se réveilla à trois heures du matin, étrangla sa femme et ses enfants puis mit le feu à sa maison avant de se pendre à un arbre du jardin.
*
L'homme en noir rentra chez lui plus tôt que d'habitude, ce soir-là. La journée avait été bonne.
Une fois qu'il eût passé la porte de sa demeure, un chalet reculé dans la forêt, il posa son chapeau sur la table et alla directement se coucher. Il s'endormit le sourire aux lèvres.
Il n'y avait pas le moindre miroir dans sa maison.