Hilaria me prit la main et m'ordonna dans un chuchotement de la suivre en silence. Je lui obéis, plus parce que j'étais bien trop estomaqué pour faire grand-chose d'autre que par réel respect, et nous traversâmes la majestueuse porte sous les regards suspicieux des gardes.
Je dois sembler me répéter, encore et encore, mais rien n'aurait pu me préparer à ce que j'ai trouvé à l'intérieur ; les murs étaient peints de milles couleurs, toutes plus vives et profondes les unes que les autres. La pièce était arrondie et très haute de plafond, savamment décorée par des grandioses armoires de bois sculpté, et peuplée de dizaines de sujets vêtus de robes d'or et d'argent, d'ocre et de bordeaux. Je ne saurais trouver les mots pour décrire ce qui rendait la beauté de ce palais si singulière, mais il m'a effleuré plusieurs fois qu'elle était plus due à la magie qu'à la beauté pure et simple.
Hilaria m'entraîna dans un couloir et se glissa par une petite porte violette.
- Attends ici ! me dit-elle en referment la cloison.
Je restais donc seul dans ce corridor, un peu sonné, étrangement sans réaction. Sans doute le choc était-il trop grand, incommensurable, pour que je puisse paniquer et crier, sauter et hurler, comme on aurait pu s'attendre à ce que je le fasse - sans doute ne réalisais-je pas la réalité de ce nouveau monde qui venait de s'ouvrir devant mes yeux.
Lorsqu'elle ressortit de la pièce mystérieuse, Hilaria avait troqué ses vieilles loques déchirées contre une grandiose robe pourpre et or, très imposante tout en restant très gracieuse ; et juste comme ça, je fus capable de l'imaginer comme une reine. Même l'expression de son visage avait changé - elle était plus sombre, plus hautaine ; l'air farouche d'une femme décidée avait remplacé la douce détermination de l'enfant qui habitait le visage que j'avais observé jusqu'alors.
- Maintenant, écoute-moi bien. Dans quelques minutes, nous allons rencontrer le Conseil. Il est constitué des quatorze hommes et femmes les plus sages et les plus puissants du pays et eux-mêmes ont été incapable d'empêcher la guerre qui ravage à présent Hélios. Ils te parleront plus en détail de ce conflit, et crois-moi, tu ne vas pas aimer cela. Ce qu'ils vont te dire va te marquer à jamais, et ce que tu vas être obligé de voir dans le futur bien plus encore. Le Conseil semble nourrir l'espoir que tu sois notre salut. Ils pensent avoir compris que tu étais l'objet d'une prophétie qui indique très clairement que tu es l'unique chance de sauver cette planète de la destruction. Bon, je crois t'en avoir assez dit... Une dernière chose : ne parle pas à moins d'y avoir été invité.
J'hochais la tête en signe d'obéissance, en me demandant si j'arriverais à répondre aux questions que l'ont me poserait ou si cette étrange impression que mon cerveau était compressé se renforcerait et que je demeurerais immobile, sans voix.
Nous parcourûmes le couloir jusqu'à la dernière porte, une immense porte en bois clair. Alors même qu'Hilaria leva la main pour y frapper, elle s'ouvrit sur un homme aux cheveux poivre et sel et à l'air sévère et solennel - quelqu'un dont il aurait mieux valu rester dans les bonnes grâces.
Elle m'entraîna à l'intérieur de la pièce, qui était immense et pourtant seulement meublée d'une grande table noire autour de laquelle treize personnes étaient assises. L'homme qui nous avait ouvert se dirigea vers l'un des trois sièges vides et s'y installa. Hilaria s'assis sur une autre et je compris alors que je devais faire de même.
- Nous sommes aujourd'hui rassemblés pour la 572ème réunion du Conseil Royal d'Etherna. J'ai le plaisir de vous présenter notre invité, Devin Argan de Thornwoods, deuxième fils d'Argan de Thornwoods, dit le Gardien. Très bien, je vais maintenant laisser la parole à notre historien ici présent, Sha.
Un homme d'une cinquantaine d'années se leva alors, tenant un rouleau de parchemin dans ses mains calleuses.
- La planète d'Hélios est divisée en quatre continents et 42 pays. Elle comporte en tout un milliard six cent douze habitants, commença Sha. Nous nous trouvons ici dans sa nation la plus grande et la plus singulière : Etherna, le seul pays situé au fond de l'océan. La population d'Etherna est constituée non-seulement des enfants de l'océan, les poissons, dauphins, requins, et tant d'autres, mais aussi des descendants des premiers hommes qui sont descendus ici ; qu'ils soient restés des humains ou qu'ils aient évolués en sirènes ou nymphes, ils sont tous bienvenus ici.
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Hilaria
FantasyTrois-cent soixante cinq jours, un couteau de cuisine et un courage indestructible - voilà tout ce dont dispose Devin pour sauver le monde.