La cinquième journée que j'ai passé à Etherna fut déterminante. Je commençais tout juste à prendre mes marques, à m'habituer à l'étrangeté qu'était pour moi Hélios ; la routine commençait très doucement à s'installer.
Bien entendu, avec mon départ prévu quelques jours plus tard, je savais très bien que cela n'allait pas durer. Je passais de plus en plus de temps à me demander à quoi allait ressembler la quête que nous allions entreprendre - j'espérais que le garde qui vienne avec nous soit sympathique, que nous n'allions pas rencontrer trop d'obstacles, que tout serait plus facile que prévu...
Le stress me nouait le ventre, mais je m'efforçais de ne pas y penser, de profiter de l'instant présent ; c'est pourquoi je m'émerveillais aux plus petits détails : une nouvelle sorte de friandise nous avait été présentée au petit déjeuner, il faisait plus chaud que le jour précédent, ma tenue me plaisait particulièrement...
Ce jour-là, au lieu de suivre un cours habituel dans la petite pièce aux murs saumon, nous visitâmes la ville. Hilaria nous montra les monuments historiques les plus impressionnants. J'ai été marqué par le troisième qu'elle nous a montré, l'Échelle, témoin des tentatives passées de communiquer avec les « Émergés ».
Elle faisait probablement des centaines de kilomètres de haut, était étonnamment bien conservée et délicieusement ouvragée. On pouvait distinguer sur ses branches des sculptures représentant de divers animaux marins et terrestres, vivant ensemble en harmonie.
- L'Échelle a été construite il y a plus de quatre cent ans, commença Hilaria, lorsque mes ancêtres ont voulu savoir ce qu'il y avait hors de l'eau. Il y avait des siècles déjà que notre peuple avait migré au fond des océans, et nous avions oublié d'où nous venions. La seule solution qu'on trouvé les architectes de l'époque a été de construire une échelle qui aurait permis de remonter jusqu'à l'extérieur. Il va sans dire que cette construction n'a jamais été achevée - elle s'est arrêtée lorsque sept des ouvriers qui travaillaient dessus sont mort après en être tombés.
- Comment êtes-vous sortis de l'eau alors ? demanda Isaas.
- Tu verras dans deux jours, quand nous partirons ! C'est à l'autre bout de la ville, on a pas le temps d'y aller maintenant.
Mais c'était sans compter l'arrivée de Mastrafe ; peut-être espérait-il faire rater ma mission en me capturant avant que je ne la commence ?
Je dormais depuis plusieurs heures déjà lorsque je fus réveillée par de l'eau glacée sur le visage.
- Devin, Devin ! Debout ! Il faut partir, maintenant ! me chuchota la voix d'Hilaria.
Ahuri, je lui obéis et me levais précipitamment.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? réussis-je à grommeler.
- Des soldats de Mastrafe se sont infiltrés dans le palais. Nous ne pouvons pas prendre le risque de rester ici. Dépêche-toi !
Les dernières traces de sommeil s'évanouirent instantanément en moi ; tout mes sens en alertes, je saisis un sac de toile qui avait été déposé sur mon lit et y fourrais quelques habits le plus vite possible. J'enfilais une veste chaude, et, ne prenant pas la peine de m'habiller plus que cela, mis rapidement mes chaussures tandis qu'Hilaria s'occupait de réveiller Isaas. À voix basse, je suggérais de passer discrètement aux cuisines pour récupérer quelques provisions.
Arrivés dans la pièce silencieuse, nous saisîmes le plus de choses possibles : des saucissons, du pain, du jambon, du pain d'épices, du fromage... Nous entendîmes des pas dans le couloir et sortîmes hâtivement - j'eus juste le temps d'attraper un couteau de cuisine, me disant que nous aurions peut-être dû passer par la salle des armes.
Cependant, il était trop tard pour cela maintenant. Nous devions sortir, et cela au plus vite. À pas feutrés, Hilaria nous entraîna au cachots où se trouvait un petit couloir étroit menant à une sortie cachée. J'entendais des pieds inconnus marteler le sol au dessus de nous ; terrifiés à l'idée d'être repérés, nous traversâmes ce couloir le plus silencieusement possible.
Lorsque nous fûmes enfin à l'extérieur, Hilaria nous fis traverser le parc jusqu'à une petite clairière où se trouvaient une dizaine de diligences.
- Pourquoi tu nous emmènes là ? murmura Isaas.
- Le départ est avancé, c'est évident, non ? répondit la souveraine.
- Mais si on prend des chevaux, on va se faire repérer, lui expliquais-je.
Elle nous regarda comme si nous étions fous à lier et déclara :
- Nous n'aurons pas besoin de chevaux.
Intrigués, nous la suivîmes jusqu'à la première coche. Hilaria s'installa sur l'une des places de la banquette avant et nous fis signe de la rejoindre. Isaac s'exécuta et je m'assis ensuite à l'arrière ; dès que je refermais la portière, la voiture se mit à avancer toute seule.
- Euh... Qu'est-ce qu'il se passe ? demandais-je alors.
- C'est un enchantement.
L'étrange véhicule nous conduisit jusqu'à un immense rocher de pierre sombre. Hilaria claqua des doigts et il s'engagea sur un chemin sculpté dans le roc. J'eus l'impression de rester des heures dans cette boîte, silencieux ; aucun de nous n'osait parler... Peut-être étions nous trop ébranlés par les émotions qui nous avait assaillis plus tôt dans la nuit.
Après un long trajet, la cariole s'arrêta brusquement sur une sorte de plateau plongé dans le noir. Hilaria descendit tant bien que mal du véhicule et éclaira l'endroit d'une faible lumière orangée - j'essayais de ne pas trop penser au pourquoi du comment et la suivit. Il faisait frais, et une atmosphère peu agréable régnait sur l'endroit, mais nous étions seuls. C'était le plus important.
La pierre ocre se fendait en une grotte ténébreuse quelques mètres plus tard. Avec précaution, Hilaria s'y engouffra en nous faisant signe de nous arrêter. Je vis sa silhouette examiner les lieux pendant quelques instants, puis l'ombre de sa main nous indiquer que le passage était libre.
- Nous avons parcouru le plus gros du trajet, mais ce qui reste va être très pénible, souffla la jeune femme en avertissement.
D'un simple geste, elle nous montra une cage d'escalier non éclairée qui s'étendait vers ce qui était probablement la surface de l'eau.
- Si tu essayes de nous dire qu'on doit monter tout ça... commença Isaas, une certaine anxiété dans la voix.
- Nous n'avons pas le choix, le coupa Hilaria.
Résigné, je me lançais le premier et entreprit de grimper les marches escarpées qui nous mènerait à l'air libre. Je n'ose penser au nombre d'heures de ma vie que j'ai perdues à monter ces foutus escaliers !
Nous étions fatigués, essoufflés, inquiets, mais nous étions libres.
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Hilaria
FantasyTrois-cent soixante cinq jours, un couteau de cuisine et un courage indestructible - voilà tout ce dont dispose Devin pour sauver le monde.