Elle.

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Elle était là, perchée sur le toit de l'immeuble le plus haut de la ville d'où elle avait une vue imprenable sur l'ensemble de la métropole dans laquelle elle vivait ainsi que quelques kilomètres aux alentours.

Elle réfléchissait à sa vie, à ce qu'elle avait bien pu rater pour en arriver là où elle en était aujourd'hui.
Elle rêvait de représenter le monde aux yeux de quelqu'un, d'être la seule et unique personne à qui ce quelqu'un penserait jour et nuit.

C'était une jeune femme aux apparences trompeuses, elle avait le pouvoir de vous charmer de par sa beauté et son élégance, elle pouvait vous soumettre à la moindre de ses envies rien qu'en vous lançant un de ces regards, vous savez, ceux qui en disent long sur la nuit que vous vous apprêtez à passer avec la jeune femme en question.

Elle était pourvue d'un charme, d'une élégance et d'une sensibilité que personne n'avait encore jamais découvert dans un seul et même corps fin et frêle comme le sien. Et pourtant, elle ne s'en servait que pour arrondir ses fins de mois, comme elle le disait. Mais nombreux sont ceux qui savaient qu'elle n'avait aucun travail donc aucun salaire, elle ne faisait pas ça pour ses fins de mois douloureuses, non, elle le faisait tout au long du mois, même tout au long de l'année.
C'était une habitude qu'elle avait prise il y a quelques années déjà, tous les soirs elle se préparait, tous les soirs elle sortait, tous les soirs elle savait qu'elle faisait une connerie, une énorme connerie mais pourtant, tous les soirs elle empochait une petite soixantaine d'euros.
Ce n'est pas grand chose, c'est vrai, mais lorsque l'on a un passé aussi douloureux que le sien, lorsque la seule et unique solution est la prostitution, soixante euros ou pas, vous le faites sans vous poser de questions. Et puis après tout, c'est comme cela qu'elle a pu acheter un appartement, personne d'autre n'aurait acheté un taudis pareil c'est vrai, mais au moins elle avait son chez soi.

Elle n'avait pas beaucoup d'amis, elle n'en avait même pas du tout, et c'est avec cette question existentielle, pour elle du moins, que le barman du bar le plus miteux de la ville aurait du se poser des questions, "Si je disparaissais, qui le remarquerait ?". Elle lui avait posé cette question avec un sérieux jamais porté par une personne aussi soûl qu'elle, c'est sûrement pour ça que le barman, le seul homme qui la connaisse réellement, ne s'était pas posé de questions, personne n'est cohérent et je n'ai jamais vu quelqu'un réfléchir lorsqu'il est soûl, voilà ce qu'il s'était dis ce soir là.

Ce n'est que lorsqu'il ne l'a vis pas pousser la porte du bar le lendemain et le surlendemain qu'il se rendit compte qu'elle avait bel et bien disparue.

Personne n'eut plus jamais de ses nouvelles et ce n'est que quelques mois plus tard que l'on découvrit son corps dans la partie la plus reculée de la forêt. Elle s'était suicidée, de toute évidence.
Elle s'était suicidée sans savoir qu'une personne remarquerai son absence, sans savoir que pour cette personne, elle représentait l'univers et bien plus.

Fly Away. ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant