Chapitre III - Robin

261 47 8
                                    

Quelle plus belle journée qu'un vendredi ensoleillé en compagnie de son meilleur ami au Boston Public Garden ?

Je remercie silencieusement le professeur de sport, qui a eu la bonne idée d'être absent. Cette après-midi de libre est une bénédiction. Toutes les possibilités s'offrent subitement à moi.

Pourtant, quand je jette un regard à Jack, je pense que toute liberté n'est pas bonne à prendre.

Il déambule tranquillement à mon côté, de sa démarche légère. Il a toujours eu cette facilité déconcertante à plaire, par des détails qui paraîtraient insignifiants chez un autre. En l'occurrence, il possède cette grâce toute masculine qui attire les regards.

Sous le soleil, ses cils blondissent, comme s'ils aspiraient la lumière. Presqu'instinctivement, mes yeux se posent sur les siens. Bizarrement, c'est ce que j'ai toujours préféré chez lui. Ils sont si apaisants, de la teinte d'une mer calme et lisse.

Brusquement, ses pupilles se déportent vers moi, sans toutefois qu'il tourne la tête.

- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il de cette voix aux sonorités douces.

- R-Rien, je balbutie avant de reporter précipitamment mon regard vers mes chaussures.

J'avoue que ma manière de le dévisager n'était pas très discrète. Je n'y peux rien. L'attirance ne se contrôle pas.

Dans une autre vie, ce serait le moment idéal pour lui dire. Je laisserais mon coeur prendre le contrôle.

Je lui dirais.

Tout.

Ce que je ressens.

Mais il y a un problème.

Je ne peux pas.

- Eh, Robin, t'es vraiment hyper étrange aujourd'hui, mec, lance Jack, désinvolte.

Il n'a pas conscience de ce que je ressens pour lui. Normal. C'est un homme. Je suis un homme. Et il aime les filles. Point final. Il n'y a rien d'autre à ajouter. Je n'ai aucune chance avec lui.

- Quoi ? Pourquoi tu dis ça ?

Je regrette immédiatement d'avoir dit ça. Je m'aventure sur un terrain glissant. De nouveau, il me lance un regard en biais.

- Je sais pas, mec, t'arrêtais pas de me...

Dévisager ?

Je mets un moment à comprendre qu'il n'a pas fini sa phrase, et que nous nous sommes arrêtés.

- Ja...

- Chut, m'intime-t-il en posant une main sur mon épaule.

Un début de panique germe en moi. Est-ce qu'il a deviné ? Non, ce n'est pas possible... Ne me dites pas que...

- Regarde, murmure-t-il en pointant du doigt un parterre de fleurs.

Parmi le rouge des tulipes, le blanc des pensées et le violet de la lavande, trois petites tâches rousses. Un vent de soulagement souffle sur moi.

- Ce sont des...

- Écureuils, complète Jack en souriant. Ils sont tellement rares maintenant !

Il commence à se diriger à pas décidés vers le gazon vert et luxuriant. J'écarquille les yeux.

- Jack, qu'est-ce que tu fais ?

Il se tourne vers moi, le même sourire aux lèvres, mais une lueur agacée assombrit ses yeux bleus.

AnomaliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant