Devant ce désastre, on commence à s'organiser et des chasses générales ont lieu. Celle du 28 octobre va rassembler 10000 rabatteurs (!), sans succès.
Le roi Louis XV apprend le 1er novembre les ravages de la Bête.
Se propose alors (à moins qu'on ne l'ait mandé) pour tenter de détruire la Bête un militaire, le capitaine Duhamel, avec l'assentiment et l'appui du comte de Moncan, gouverneur de la province du Languedoc.
Il arrive le 5 novembre à Saint-Chély d'Apcher avec un détachement de soldats (malhabilement nommés « dragons » puisqu'il ne s'agit pas des tristement célèbres dragons du roi ayant participé aux persécutions des protestants sous Louis XIV mais de cavaliers du régiment des volontaires de Clermont-Prince).
Duhamel et ses hommes ne vont pas ménager leur peine, organisant chasses, affûts et battues alors que le temps est devenu affreux.
Il faut avoir vu une fois ces contrées, même à la belle saison, pour comprendre l'incommensurable difficulté qu'il y a à vouloir y traquer un animal mobile, rusé, et qui de toute évidence, au regard de la totale imprévisibilité de ses attaques, n'est pas guidé par la faim.
Pendant ce temps là, les attaques continuent, mais une seule mort est à déplorer durant le mois de novembre. Il s'agit cette fois d'une femme de 60 ans, qu'on surnommait « La Sabrande ». Son corps est retrouvé à moitié dévoré, décapité, et la tête ne sera découverte que le surlendemain, fracassée en plusieurs morceaux et toute rognée.
Duhamel est méthodique et entreprend de battre les bois un à un, avant de s'apercevoir que face à un adversaire aussi mobile, cette méthode ne peut aboutir qu'au prix d'une chance incroyable. D'autant qu'il est mal secondé par les paysans qui, recrutés de force pour les battues, ne font preuve que de fort peu de zèle (je devrais dire de très mauvaise volonté, même) et que par ailleurs la Bête semble étrangement douée de perspicacité pour deviner ses projets !
D'ailleurs, les bruits les plus insensés commencent à courir sur elle : c'est un léopard, un lion croisé avec un ours, un chat-tigre, une hyène, un glouton, un loup-cervier, un loup-garou, un lycaon, un singe, etc.
Certains l'ont vu courir sur ses pattes arrière sur des distances considérables, « badinant et faisant de petites singeries avec ses pattes avant », d'autres l'ont vu exécuter des bonds prodigieux, l'ont entendue parler, et enfin on la dit insensible aux coups de fusil.
Duhamel divise donc sa troupe en 4 groupes stationnés à des points stratégiques, prêts à intervenir aussitôt lorsqu'une attaque est rapportée.
Et il donne des instructions très sévères : on est prié de l'instruire sur le champ et par tout moyen dès qu'une attaque a lieu. Il emprisonne ceux qui contreviennent à ces ordres, ce qui ne va pas contribuer à sa popularité.
Le mois de décembre sera terrible : 12 attaques, dont 6 mortelles et 1 blessé.
Mais le 22 décembre, il voit enfin la Bête de près, et a sa chance : à la suite d'une battue organisée après la mort d'une fillette en plein village le 20 décembre (décapitée elle aussi), il est posté en affût et la Bête lui arrive droit dessus. Elle ne l'a pas vu et il s'apprête à la tirer de tout près mais surviennent soudain 2 de ses cavaliers poursuivant la Bête. Il ne peut tirer sans risquer de les blesser. La Bête saute un grand mur et s'enfuit.
La récompense offerte pour la tête de la Bête a considérablement augmenté.
Le maintien de la troupe sur place coûte cher : Duhamel, qui à mon avis et comme on le verra aura été le seul dans toute cette histoire à avoir eu une chance raisonnable de tuer la Bête, reçoit l'ordre de rentrer provisoirement à Langogne avec sa troupe...
Le Gévaudan est-il donc abandonné à son triste sort, livré au monstre ?
Non, qu'on se rassure : le 31 décembre de cette année 1764, l'évêque de Mende croit expédient de rédiger un mandement dans lequel, en substance, il explique que la Bête est un fléau envoyé par Dieu pour punir les hommes de leurs fautes.
Ce texte, qui ordonne des prières publiques, est lu et commenté dans toutes les églises.
Cela ne met pas fin aux attaques, loin de là.
Le glas et le tocsin rythment la vie des pauvres paysans, les pantres comme on les appelle.
Le 10 janvier 1765, le capitaine Duhamel et sa troupe sont rappelés, de retour à Saint Chély pour reprendre les chasses.
Mais la Bête n'en a cure.
C'est l'horreur : dans le seul mois de janvier, elle se déchaîne, perpétrant 30 attaques, dont 11 mortelles et 8 blessés...
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La Bête du Gévaudan, une histoire vraie
Non-FictionL'histoire de la Bête du Gévaudan n'est ni un mythe ni une légende. C'est une histoire vraie, à vous donner la chair de poule... Cover by OrezzaDantes