Le 10 décembre 1765, la Bête, ressuscitée, attaque deux femmes à La Champ.
Puis, le 21, elle tue, décapite et dévore Agnès Mourgues, 12 ans.
Le 23, c'est au tour d'une fille de 13 ans d'être dévorée à Julianges. On retrouvera si peu de restes de son corps que le curé jugera impossible d'en dresser un acte de sépulture.
C'est la consternation générale.
Sauf à la Cour.
Pour le roi, la Bête est morte et l'affaire est réglée.
Selon ses royales conclusions, s'il subsiste quelques attaques en Gévaudan, ce ne peut être que l'oeuvre de quelques loups qu'il faut détruire mais les chasseurs locaux peuvent s'en charger : nul besoin de déployer d'autres moyens.
Le ministre adresse des conseils aux intendants des provinces sur les méthodes à mettre en oeuvre pour les éradiquer.
Les autorités locales, notamment et surtout M. Lafont, vont tenter une à une d'avertir la Cour que la Bête a repris ses ravages, en vain. On fait la sourde oreille.
La Gazette de France, qui avait fait ses choux gras de l'affaire, cesse totalement d'en parler.
On comprend en Gévaudan qu'il n'y a plus d'aide à espérer du côté du pouvoir royal.
Le mois de janvier 1766 ne verra que deux attaques, mais sans dommages. En février aussi, deux attaques seulement dont une, le 14, occasionnant des blessures graves à une femme. En mars trois attaques dont deux mortelles (des enfants âgés de 8 ans). Avril verra quatre attaques dont une mortelle.
La Bête, qui ne sort plus de la région des trois Monts, semble toutefois être devenue moins active que pendant certaines des périodes terribles de 1764 et 1765 : du 25 avril au 30 mai 1766, on ne la voit pas. Au mois de mai, on ne déplore qu'une attaque, le 31, lors de laquelle Pierre Teissèdre, âgé de 10 ans, perd la vie. Puis, à compter de cette date jusqu'au 1er novembre 1766, elle n'attaquera officiellement « que » 19 personnes en tout, avec 8 décès et 3 blessés.
Bien évidemment, si ses attaques deviennent un peu moins nombreuses et restent assez localisées, elles sont toujours aussi horribles et suffisent à maintenir un climat de terreur perturbant toute la vie locale.
On continue à demander du secours à Versailles, ce qui n'a d'autre effet que d'irriter le roi. Les réponses feignent toujours d'ignorer que la Bête n'est pas morte et arguent que les éventuels ravages sont l'oeuvre de « loups carnassiers » !
Conformément aux instructions du ministre de l'Averdy, M. Lafont a mandé depuis le mois de mars plusieurs personnes pour exposer près des lieux des attaques des cadavres de chiens bourrés de poison. Ce sera sans résultat.
Le seul véritable espoir réside dans la lutte que mène avec abnégation le jeune marquis d'Apcher (il a 19 ans au début de l'affaire). Avec l'aide de bons chasseurs, et sans compter ses dépenses ni son temps, il mène des chasses innombrables qu'il organise au préalable dans son château de Besques, près de Saugues.
Une nouvelle fois, de façon singulière, la Bête ne fait plus parler d'elle, très exactement du 2 novembre 1766 à mars 1767.
Où est-elle ? Que mange-t-elle pendant tout ce temps ? Mystère...
Et on se prend, de nouveau, à espérer de cette disparition.
Mais après ces quatre mois de « jeûne » elle reparaît dans les premiers jours de mars.
Comme si elle voulait rattraper le temps perdu, elle va alors se lancer dans une effroyable tuerie : du début mars au 15 juin 1767, elle attaque à 36 reprises, faisant au moins 19 morts et 2 blessés. Je dis « au moins » car il semble que les attaques ayant été si fréquentes pour cette période, un bon nombre d'entre elles n'aient pas été répertoriées.
L'atrocité de ses méfaits est constante. Je cite, au hasard parmi des dizaines d'attaques, un passage de la chronologie d'Alain Bonet (sources vérifiées intégralement) pour en juger :
« 9 avril 1767 (Jeudi). Vers une heure de l'après-midi, la Bête est aperçue par le sieur Chaleil, bourgeois du village de Fraissinet (St.-Privat-du-Fau) dans un de ses champs, et quelques paysans qui travaillent à proximité ; la Bête s'arrête à quelques pas de M. Chaleil. Il l'observe très bien et sans frayeur un long moment : il n'y voit qu'un gros loup, au poil très long, rougeâtre sur les côtés et gris clair au cou et sous le ventre, très grand sur le devant, levretté sur l'arrière, avec une bande noire sur le dos « comme l'ont presque tous les loups. ». Lorsque sa queue pend, elle arrive un peu au-dessous du jarret ; il la relève parfois un peu vers la pointe. D'autres hommes rejoignent M. Chaleil et examinent l'animal d'assez près, avant de le mettre en fuite et de se mettre à sa poursuite. En fuyant, la Bête attaque 2 enfants âgés d'environ 10 ans qui gardent du bétail dans une prairie. La Bête en blesse un à la gorge, passe ensuite à l'autre qu'elle blesse pareillement, revient au premier à qui elle enlève une partie de la peau de derrière la tête. Le second, Estienne Loubat, 9 ans, veut prendre la fuite, tout blessé qu'il est, mais la bête l'égorge. Un homme proche accourt aux cris. A son approche la Bête emporte Estienne à quelques pas ; l'homme court après elle, elle lâche prise, se place à 8 ou 10 pas de lui, et ne s'éloigne que lorsque les autres surviennent. Elle prend alors rapidement la fuite, se jette sur un troupeau d'agneaux, en enlève un et gagne une hauteur, se dirigeant vers un bois d'où sort une autre bête qui vient à sa rencontre ; elles se partagent l'agneau. Le propriétaire de l'agneau, témoin de la scène, reconnaît un loup moins grand que l'autre. M. Constand, chirurgien du Malzieu, est appelé par le prieur-curé de St.-Privat- du-Fau, et panse les plaies du survivant, fils de pauvres gens. M. Lafont, qui se trouve à proximité pour les tirages au sort, est informé le soir, mais trop tard pour s'y rendre.
10 avril 1767 (Vendredi) : M. Lafont quitte le Malzieu et se rend sur les lieux; il est guidé par le témoin de l'attaque des 2 enfants. Il trouve beaucoup de sang en différents endroits, des lambeaux des habits des enfants, et le morceau de peau de la tête du survivant, de la grandeur de la main, coupé en forme presque triangulaire comme avec un instrument tranchant, sans aucune déchirure. Les cheveux subsistent sur la peau dans leur état naturel. Il fait appeler tous ceux qui ont vu la bête avant, pendant, ou après l'attaque. Tous s'accordent sur la description. M. Lafont suit avec eux les différents endroits parcourus; ils trouvent plusieurs traces, en particulier à l'endroit où la Bête a partagé l'agneau avec l'animal sorti du bois : plusieurs traces bien marquées du gros et du petit loup, parfaitement arrondies sur le devant, un peu allongée sur le derrière. Les griffes ne sont pas plus longues que ne le sont ordinairement celles d'un loup, et même d'un chien mâtin. L'empreinte du plus gros mesure 4 pouces 9 lignes de longueur sur 4 pouces 3 lignes de largeur [12.6 x 11.4 cm], et celle du plus petit 4 pouces en longueur sur 3 pouces 8 lignes en largeur [10.8 x 9.7 cm]. M. Lafont se rend ensuite au Fraissinet voir le survivant des 2 enfants. De retour au Malzieu M. Lafont prie M. Constand de lui continuer ses soins et se charge de faire pourvoir aux frais. M. Constand promet d'aller voir l'enfant tous les jours. ».
Edifiant...
Le désespoir est immense. On ne sait plus que faire.
Le marquis d'Apcher, malgré tous ses efforts, est tenu en échec par la maudite Bête.
On organise des pélerinages, le dimanche 7 juin à Notre Dame d'Estours et le dimanche 14 juin à Notre Dame de Beaulieu, où une foule immense vient prier et implorer Dieu et la Vierge de faire cesser ce fléau.
Le mercredi 17 juin, vers 17 heures, la Bête égorge Jeanne Bastide, 19 ans, au Sanil près de Lesbinières.
Personne ne le sait encore, mais ce sera sa dernière victime officielle...
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La Bête du Gévaudan, une histoire vraie
Документальная прозаL'histoire de la Bête du Gévaudan n'est ni un mythe ni une légende. C'est une histoire vraie, à vous donner la chair de poule... Cover by OrezzaDantes