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La pause déjeuner était encore loin quand Kevin est entré comme une trombe dans mon bureau. « Mais putain qu'est que tu fous ? » a-t-il crié.

Ca faisait bien deux bonnes heures que je surfais sur internet, à la recherche de toutes les infos disponibles sur le sadomasochisme et – plus généralement - toutes les perversités sexuelles qui pouvaient chatouiller le bas ventre des êtres humains. Je connaissais bien sûr les exhibitionnistes, les fétichistes, les voyeurs et je me souvenais avoir vaguement entendu parler des enclitophiles (qui aiment les criminels) ou des érotophonophiles (qui sont attirés par les tueurs en série). Mais je n'imaginais pas qu'il puisse exister des femmes (ou des hommes) qui rêvaient d'être mangé(e)s. On les appelle des vorarephiles. Je suis resté un instant pantois en lisant le témoignage d'un émétophile (quelqu'un excité par le vomi) et je fus vraiment très impressionné par les lettres d'amour d'une exobiophile (c'est quelqu'un qui fantasme sur les extra-terrestres). C'était comme si je découvrais un écosystème d'une rare diversité. En farfouillant au hasard, je me sentais comme un entomologiste émerveillé devant la variété des comportements animaux. Et je me demandais ce que j'allais encore découvrir...

« Eh, je te parle ! » a continué Kevin, rouge comme une tomate. « Il y a un problème à la compta, ils n'arrivent plus à se connecter. Faut régler ça tout de suite ! ».

« Pas le temps, j'ai répondu. Et ferme la porte, s'il te plait ».

« Mais, la compta... »

« Pas mon boulot. Y a des types pour gérer ça ».

Il m'a regardé, ahuri. Puis a fermé la porte, lentement. Moi, je suis retourné à mes recherches. Internet est un outil vraiment génial. A peine y a-t-on formulé une question à connotation vaguement sexuelle que des millions de réponses sont proposées.

Mais finalement, lassé de visionner des photos cochonnes et de lire sur des forums toutes sortes d'explications psychologiques, souvent contradictoires, je décidais que je passerai dans l'après-midi à la bibliothèque pour voir s'il y avait des informations plus sérieuses. Mais d'abord, je devais me confronter aux questions pratiques.

Dans l'immédiat, j'avais deux problèmes à résoudre : mon apparence et ma voix. Si ma relation avec la beauté masochiste devait se poursuivre, on allait forcément utiliser la Webcam. Et là, elle se rendrait immédiatement compte que je n'étais pas le vieillard pervers qu'elle croyait. Je cherchai donc un déguisement, un masque qui pourrait faire l'affaire. Souvent, dans les vidéos pornos, les acteurs qui jouent le tortionnaire apparaissent masqués. Une simple cagoule pour un violeur, un masque en cuir genre Hanibal Lecter pour un sadique, un loup vénitien pour le porno chic, une cagoule en latex pour les séances BDSM, un accoutrement genre masque à gaz de la première guerre mondiale pour les nostalgiques de la chose militaire... J'avais l'embarras du choix. Mais, honnêtement, je suis très mauvais acteur et j'étais persuadé d'être parfaitement ridicule si je m'affublai d'un tel costume. J'optai donc pour une solution alternative : je couperai ma Webcam. Comme ça, je pourrai la voir mais elle, non. Je lui dirai qu'elle devrait d'abord faire ses preuves si elle voulait gagner l'honneur de poser les yeux sur mon visage. Voilà qui pourra alimenter ses fantasmes un petit moment.

L'autre souci était la voix. La mienne est un peu trop aigüe pour être crédible. Je passais donc le reste de la matinée à faire des essais : foulard devant la bouche, logiciel pour changer le timbre de la voix, parler en se pinçant le nez, en se touchant les lèvres, avec le ventre. Le résultat n'était pas franchement concluant. Finalement, je me dis que j'allais également couper le micro. Comme ça, elle serait obligée d'imaginer aussi ma voix et cela la ferait encore plus entrer dans son fantasme. Et si jamais elle me posait une question, je lui dirais de s'occuper de ses fesses ! Après tout, j'ai pas à me justifier devant mon esclave !

RoxaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant