Chapitre 7 : Une vraie famille

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Les rayons du soleil me firent battre des cils et porter la main devant mon visage. Les contours de mon environnement restèrent flous durant plusieurs secondes. Mes pupilles durent faire plusieurs mises au point avant que la brume ne se lève. Je me redressai sur un coude, bouche bée. Je n'étais plus dans le bureau d'Hathaway.

Le réveil digital posé sur la table de chevet indiquait dix heures cinq en chiffres verts. Je le touchai du bout du doigt pour m'assurer de sa matérialité. Il était dur et fait d'une matière plastique granuleuse. Je relevai les yeux. Le soleil me souhaitait une bonne matinée de l'autre côté de la fenêtre aux rideaux à moitié tirés. Je lui souris béatement, puis repris mes esprits.

Où étais-je ?

Je me levai avec précipitation pour examiner mon nouvel environnement.

C'était une chambre. Une simple chambre de jeune fille aux couleurs apaisantes. Il y avait sur les murs quelques posters de stars de la pop dont j'avais déjà honte. J'ouvris l'armoire pour y découvrir une galerie de vêtements tout à fait à ma taille. Je me mirai dans le miroir clouée à la porte. Je ne portais plus la veste de Hathaway, mais un pyjama rose bonbon qui me donnait l'air cruche. Tout à coup, j'agrippai ma tête des deux mains. Mes cheveux avaient gagné une bonne vingtaine de centimètres et se terminaient pas de jolies boucles.

— D'accord, il y a sûrement une explication à tout cela, comme il y a sûrement une explication à tout le reste. Hathaway ?

Je ne m'attendais pas vraiment à le voir apparaître à côté de moi dans un « pouf » théâtral et, en effet, ça n'arriva pas.

Je tournai la tête de droite à gauche et remarquai enfin le bureau encombré. Ah, ça, c'est tout moi ! pensai-je sur-le-champ.

— Tout moi ?

J'approchai avec la prudence d'un crabe épié par des goélands affamés. Ma main se posa sur un classeur et l'ouvrit d'un geste vif. Mon prénom s'étalait sur le revers de la couverture. Les lettres maladroites étaient typiques de la plume d'une adolescente. Les fautes aussi. Des petites fleurs en bleus et roses égayaient le tout. Dans la marge, j'avais dessiné des choses à quatre pattes qui ressemblaient, avec un effort d'imagination, à des chats noirs. Ils égayaient les cours d'Histoire que j'avais pris d'une oreille.

Je n'avais jamais aimé cette matière.

À bien y réfléchir, je n'aimais aucune matière.

Mes résultats étaient médiocres, ce qui n'alarmait guère mes parents adoptifs. Si je ratais l'école, cela ne signifiait pas que je raterais le reste.

Je me passai plusieurs fois la main dans les cheveux tout en continuant de tourner les pages. Des fragments du miroir de mon existence étaient en train de se recoller à l'aide de gros scotch.

J'étais dans ma maison. Ma seconde maison. Au sein d'une famille qui m'aimait. J'avais commencé à effacer le passé, comme si la jeune Abigail Mallory, qui avait assassiné son père et fui plusieurs fois de l'orphelinat, avait été une autre fille.

J'étais Abigail Fitzgerald. La troisième enfant de Patrick et Sarah Fitzgerald. Sœur de Rachel et...

— Hé ! Quelle surprise Abby de te voir réviser de si bonne heure ! s'écria une voix masculine moqueuse depuis l'entrée de ma chambre.

Je me retournai tout en portant avec nervosité la main à ma taille. Le couteau n'était plus là. Je tentai de sourire, mais je devais surtout avoir l'air d'une grenouille se rendant compte qu'elle traîne dans la même mare qu'un brochet.

Le brochet en question avait une splendide crinière rousse et des yeux verts. Son menton décidé, son nez grec et son sourire narquois faisaient autant fondre les filles que sa taille et ses muscles.

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