Chapitre 1

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L'histoire se répète. Je me réveille en sursaut, la sueur dégouline dans mon dos, sur mes tempes... ça paraît tellement réel. Tout ce scénario inventé par mon inconscient semblait réel. Mon réveil indique 6:47. Toutes les nuits, les cauchemars récurrents me terrifient.
Je suis prête à parier que l'homme de mon cauchemar se tenait vraiment debout devant moi. J'ai vu de nombreux psychologues, ils m'ont tous dit la même chose. Ça me passera. J'attends ce jour depuis quelques années. Deux ans, à vrai dire. Mes démons intérieurs ne cessent jamais de me tourmenter, à chaque fois ils reviennent. Ne sont-ils jamais rassasiés de ma peur ? Ils n'en n'ont jamais assez. Ils leur en faut toujours plus. Alors ils me terrifient dans mes sommeils les plus profonds.

Je me prépare pour aller travailler. Je n'ai pas tenté de me rendormir, j'ai bien trop peur de croiser à nouveau la route de cet homme dans mon sommeil. Il me fait peur. J'ai peur de lui à un point inimaginable. J'avale une gorgée de café en regardant le panorama de Montréal. La ville se réveille doucement sous le ciel maussade et gris. Les bus commencent à circuler pour emmener les travailleurs au métro. J'aime Montréal, la nuit. C'est si... calme. Il y a énormément moins de bruits qu'en journée.

J'arrive au cabinet Droit Inc. à côté de la basilique Notre-Dame de Montréal. Je suis légèrement stressée. Je suis secrétaire ici, et d'après la direction l'avocat le plus réputé du Canada, Arthur Green, vient travailler ici. Pourquoi suis-je autant stressée ? Je côtoie des avocats plus ou moins importants depuis 3 ans et demi, à peu près. J'ai l'habitude, enfin, j'imagine. Mais là, ça me fait un drôle d'effet. Pourtant, je ne l'ai jamais rencontré. Mais tout le monde en parle. Cet homme est connu mondialement, mais surtout au Canada, au Québec. Il a une sacrée carrière.

Je m'avance doucement jusqu'à la direction où j'ai été convoqué il y a quelques minutes. Horton veut me parler. Je prie pour ne pas être virée. Dieu sait ce qu'il me passe par la tête par moment pour imaginer quelques secondes me faire virer. Je ne me permets même pas d'imaginer une augmentation. Ce serait insensé. J'entre discrètement car il tient le téléphone à son oreille. Il me fait un signe poli de la tête pour s'excuser. Je lui chuchote quelques mots.
- Prenez votre temps.
Avant de lui lâcher un sourire poli quelques peu forcé. Je tente de cacher que je m'ennuie de patienter en me demandant si son coup de fil va se terminer un jour.
- Bien. Je comprends. Tenez-moi au courant, je ne veux pas avoir l'air con devant M. Green à tout à l'heure.
Il raccroche, les sourcils froncés. Quelques chose l'embête. Mais quoi ? Je croise mes cuisses sous ma jupe tailleur beige. Je ne suis pas à mon aise.
- Bien. À nous. Il fronce les sourcils à nouveau.
- Je vous écoute Horton.
- Vous devez sûrement être au courant de la venue de M. Green, si je ne m'abuse.
Il semble que la chose qui l'agace vient de refaire surface. Est-ce le jeune M. Green, Arthur Green, qui lui pose soucis ? J'aimerais bien connaître la réponse.
- Oui, bien sûr. Dis-je calmement.
- J'ai l'honneur de vous annoncer que vous êtes sa secrétaire. J'ai pensé qu'un petit boost dans votre carrière avec M. Green ne vous ferais pas de mal. Ça peut être un plus dans votre parcours.
Je chute d'un immeuble. A t-il vraiment dit que je suis à présent la secrétaire de M. Green ? Je débute dans le secrétariat, je n'ai aucune expérience. Si. Enfin... comparé à l'expérience professionnelle de M. Green, je ne suis rien. Et si je ne suis pas assez expérimentée pour être sa secrétaire ? Horton me dévisage comme si il pouvait lire dans mes pensées.
- Vous pensez y arriver ? Il ne faut pas faire trente ans d'études pour être secrétaire dans un cabinet d'avocats. N'est-ce pas ?
- Oui. Oui, bien sûr. Je pense pouvoir m'en sortir.
- Je n'en doute pas là-dessus, Mïa. Vous n'auriez pas vos pieds dans mon bureau si l'ombre d'un doute aurait traversé mon esprit.
- Bien évidemment.
- Bien. Je vous tiens au courant de son arrivé. Grogne-t-il.
- Bien. D'accord.

Je sors de son bureau haletante. Je crois rêver. Je ne peux pas croire ce que Horton vient de m'annoncer. D'ailleurs, je crois que l'arrivée de M. Green l'agace. Je ne pense pas que ça soit lui en lui-même qui agace Horton. Mais quelque chose concernant M. Green plutôt. Il était mécontent au téléphone. Je chasse cette nouvelle de mon esprit et commence à chercher le carnet de rendez-vous qui est à Maitre Davidson. Bordel. Qu'est-ce que j'en ai fait ? Une panique naissante me submerge. Je retourne mon bureau, fouille dans la poubelle, à côté... rien. Sylvie fait intrusion dans mon bureau.
- Que cherches-tu Mïa ? Tu fais un bordel pas possible. Je t'entends depuis mon bureau.
- Excuse-moi, Sylvie. Tu n'aurais pas vu le carnet de rendez-vous de Maître Davidson ? Je suis persuadée qu'il était dans mon bureau mais je ne le retrouve pas. Je suis foutue... Dis-je paniquée.
- Tu en fais une tête, Mïa, voyons ! Ricane-t-elle. Horton veut que je m'occupe de Maître Davidson car il t'a trouvé quelqu'un d'autre, apparemment. M'annonce t-elle agacée.
- Green... dis-je à voix basse.
- Qu'est-ce que tu dis ?
- Rien d'important. Horton m'a convoqué pour m'annoncer le changement. Mais il a dû oublier certains détails. Je grimace.
- Il t'a refilé quels avocats ?
- Arthur Green. Lui dis-je timidement.
- Ce n'est pas vrai ! Qui aurait cru que Mïa Jones serait un jour la secrétaire de Arthur Green !
- Je n'y crois pas moi-même.
- Sans se mentir, il est vraiment pas mal ce type ! Sourit-elle.
- Je suis ici pour travailler, non pas pour flirter. Je tiens à ma place. Je fronce les sourcils.
- Baiser. C'est ça dont tu as besoin. Tu as besoin qu'on s'occupe de toi, Mïa. Elle rit.
- Je n'en reviens pas que tu es osée dire que j'avais besoin de... Elle me coupe la parole.
- Oui, tu as besoin de baiser. Rit-elle à nouveau.
- Je n'ai rien entendu, Sylvie. Je retourne à mes occupations. Elle rit de plus bel.

De baiser ? Moi, j'ai besoin de ça ? N'importe quoi. J'enlève cette image de ma tête. Je n'y ai jamais pensé, et je n'y pense pas. Est-elle sérieuse lorsqu'elle dit ça ? Et de quel droit se permet-elle de dire ça ? Offusquée, je ne veux plus y penser.

Je m'assoie derrière le iMac. Je regarde discrètement vers la porte pour regarder si quelqu'un se promène dans les environs. Il n'y a personne. J'ai l'impression d'être une gamine qui enfreint les règles. Je tape sur Google images " Arthur Green ". Je reste bloquée devant les photos. Sylvie n'a pas menti, il est vraiment bel homme. Mïa stop. Tu n'as pas le droit.
- Mïa, Maître Green est arrivé. Venez, on va faire les présentations.
Je bondis sur mon fauteuil. Je ferme la page internet, paniquée, tremblante et relève la tête. Horton se tient devant moi, mains sur les hanches.
- Dois-je vous attendre, Mïa ?
- Non, bien sûr que non.
Je me lève maladroitement et suit Horton. Il m'a sorti de ma rêverie de la pire façon qu'il soit. Avec l'acteur du rêve lui-même.

Tu ne peux pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant