Chapitre 2

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Un homme soigneusement vêtu d'un costard noir sur chemise blanche. Une cravate grise est pendue à son cou. Ses cheveux bruns sont ramenés en arrières, ses yeux d'un bleu sombre me regarde. Il me tend sa main. Son poignet est habillé d'une Breitling chornograph automatique en acier. Je lui agrippe la main pour la lui serrer. J'ai l'impression que mes os se fissurent lorsqu'il presse ma main. Il a une bonne poigne. Le contact de sa peau chaude me fait frissonner. Bon sang. C'est un homme comme les autres Mïa, ressaisie-toi.
- Bonjour, Arthur Green. Il pince les lèvres laissant apparaître un petit sourire.
- Mïa Jones.
J'essaye de ne pas trop sourire pour ne pas en faire trop. Je veux avoir une image professionnelle mais je ne peux refouler ma joie intérieur.
- Ma nouvelle secrétaire. S'exclame-t-il avec toujours le même petit sourire.
- C'est ça.
Il finit par desserrer sa main avant de lâcher doucement la mienne.
- Ravi de faire votre connaissance, mademoiselle Jones. Il acquiesce d'un sourire. Nous allons travailler ensemble si l'on peut dire. Je hoche la tête poliment.
- Ravie de faire votre connaissance M. Green.
Horton semble soulagé que tout se passe bien. Était-il nerveux tout à l'heure ? Pas plus que moi en ce moment.
- Pourrions-nous discuter de comment je compte travailler avec vous, mademoiselle Jones ?
- Bien sûr. Dis-je nerveusement.
D'un geste de la main je lui indique mon bureau mais il ne bouge pas. Il me regarde du haut de son un mètre quatre-vingt dix environs, avec ses yeux sombres.
- Après vous, Mïa.
Mïa ? Il m'a appelé par mon prénom, bordel. L'avocat le plus réputé du Canada m'a appelé par mon prénom. Je le sentais froid tout à l'heure, mais il a changé de comportement en quelques secondes. Il est devenu tout à coup plus détendu, ses paroles sont plus douces.

Il s'assoit sur la chaise en face de mon bureau, et lève la tête. Ses yeux rejoignent les miens, comme si de rien n'était. Je tâte mon fauteuil pour m'assurer qu'il est bien là où je compte m'asseoir. Je tire sur ma jupe avant de m'installer.
- Vous ne voulez pas qu'on échange de place ? Vous seriez davantage mieux à ma place que sur la chaise. J'essaye d'être professionnelle. J'essaye.
- Tout va bien, Mïa. Ne vous inquiétez pas pour mon postérieur.
Mes joues deviennent écarlates. Je ne sais plus où me mettre.
- Vous prendrez mes appels, mes rendez-vous, vous prendrez en charge mes clients jusqu'à ce que je sois présent, et je pense que pour un début ce n'est pas mal. Qu'est-ce que vous en dites Mïa ?
- Ça me va. Je pense pouvoir m'en sortir.
- Vous m'avez été conseillé. Je ne mets pas en doute la parole de Horton. Je lui souris.
- Puis-je faire quelque chose pour vous, pour commencer ?
- Oui. Je vais vous donner une liste des affaires qu'on m'a demandé de prendre en charge. Je n'ai pas encore pris la décision de celles dont je vais m'occuper. Vous allez les lire et me suggérer celles qui, pour vous, vaut la peine que je m'en occupe. D'accord ?
- Très bien Maître Green.
- À tout à l'heure.

Il dispose et me laisse dans l'attente des dossiers qu'il va m'apporter. Personne ne m'a jamais demandé de choisir les affaires qui, d'après moi, valent la peine de s'en occuper. Comment je peux le savoir ? Je ne suis que secrétaire. Je sais répondre au téléphone et noter, ou retenir ce qu'on me dit. J'ai l'habitude de la paperasse mais pas ce genre-ci. Il revient avec une pile de dossiers qu'il dépose sur le bureau.
- À quelle heure est votre pause déjeuné ? Me demande t-il gentiment.
Dans sa voix je décèle tout, sauf du professionnalisme. Ce qui m'étonne. Cet homme ne fait que me surprendre et je le connais depuis à peine une heure.
- Vers 12:15. Dis-je naturellement.
- Bien. Je viendrais vous cherchez pour prendre un café.
- Bien, d'accord.
- 12:45 c'est bon pour vous ?
- Oui... oui, bien sûr.
- À tout à l'heure, Mïa.
Je ne fais comme si rien ne s'était passé et m'attaque aux dossiers qui m'attendent depuis cinq minutes au moins. Je m'apprête à lire les dossiers lorsque son invitation me revient en tête au galop. Pourquoi donc le plus gros avocat du Canada veut-il boire un café avec une simple secrétaire ? Je me concentre sur chaque ligne de la page que je suis en train de lire mais je n'y arrive pas. Elles se dérobent sous mes yeux. Ça ne parle que de plainte compliquée, la plus part sont des patrons d'entreprises qui ont eu un problème avec leur assurance. Je ne comprends rien, mais je me force, pour M. Green. Le beau Arthur Green.

L'heure de mon déjeuné arrive à grand pas et l'idée de prendre un café à 12:45 me perturbe. Je n'ai jamais prise de café avec un inconnu. Je n'ai jamais prise de café avec un homme, tout simplement. Cette idée m'angoisse. Je tente de garder mon calme. En plus de cela, je ne lui ai trouvé qu'une seule affaire. M'en voudra t-il ? J'ignore toutes ses réactions. Je me replonge dans ma lecture pour oublier ce fâcheux café de 12:45.

Je sors de mon bureau, il est 12:13. J'ai déjà lu trois dossiers au complet, j'ai l'impression que mes yeux sortent de leurs orbites. Je ne comprends rien au jargon juridique en plus de cela. À l'extérieur du bâtiment, je m'assoie dans les escaliers et allume une cigarette. J'observe la fumée virevolter dans l'air, une petite brise vient caresser mon visage. Le temps est gris, le soleil essaye de percer à travers les nuages. J'écrase ma clope et me rend à Subway, juste en face, prendre un sandwich. J'attends mon tour, puis j'attends qu'on me serve, et j'attends pour payer. Toujours attendre... on passe notre vie à attendre, je crois. On attend dans le métro, dans le train, dans les bouchons, dans les magasins, dans un restaurant, à la pompe à essence, en amour, en espoir... on attend. On attend toujours et encore puisque la satisfaction vient de l'attente. Je prends place sur un tabouret et commence à grignoter.

Tu ne peux pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant