Chapitre 11

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Je suis assise à nouveau à côté de Margot sur le canapé, figée. " Une plaisanterie " , effectivement. Je ne dis pas ça pour mentir, c'est à moitié la vérité, c'est une plaisanterie. Je suis étonnée de le voir débarquer chez moi. Me voir est une obsession pour lui, et pourtant il n'a même pas mon numéro de téléphone, il intervient dans ma vie comme bon lui semble. Comment je peux cacher ceci encore longtemps ? Margot est chez moi tout de même, et c'est une plaisanterie. J'ai hâte de retourner au bureaux l'affronter pour savoir ce qu'il mijote. Bon sang. Depuis que nous nous sommes rencontrés nous nous voyons automatiquement en dehors du travail, tous les soirs. Tous les soirs il trouve quelque chose de nouveau. Je me sens étrangement bizarre depuis que je l'ai rencontré. Il semble bousculer ma vie, il arrive même à me faire percevoir une nouvelle pensée. Une pensée qui, je pensais, resterait péjorative à jamais. Il a changé le " jamais " contre " tu verras que j'ai raison ". C'est comme s'il connaissait mes démons intérieur et qu'il essayait de refermer les plaies. J'arrive à me dire, qu'il dit vrai dans ses yeux, je le lis dans ses yeux, qu'il a raison. Je doute sur mes propres pensées. M. Green me montre du doigt la lumière au bout du tunnel et me pousse à y aller. Je ne sais pas, il se montre compréhensif avec moi, mais je ne sais pas pourquoi j'ai cette impression puisqu'il ne me connaît pas. Je ne lui ai jamais de parlé de moi, et pourtant c'est comme s'il savait par coeur le chapitre sombre qui constitue ma vie. J'ai l'impression qu'il a appris par coeur chaque ligne, qu'il pourrait me les réciter à vive voix, mais c'est impossible, au fond.
- Mïa, tu m'écoutes ? M'interpelle Margot.
- Oui. Dis-je sortant dans ma rêverie.
- Non, c'est faux. Tu rêvais.
- Non, je t'assure.
- Qu'est-ce qui te tracasse ?
Si tu savais à quel point M. Green chamboule ma vie, Margot. Mais je ne peux pas te le dire, je devrais te dire tout ce qui me tracasse et je me suis faite la promesse de ne jamais rien dire à personne. Je ne veux pas de votre pitié ni de votre compassion, je veux vivre comme si rien n'avait jamais existé. On ne peut pas toute sa vie vivre avec les douleurs du passé, il faut passer outre. On ne peut pas oublier, mais l'oubli est inévitable. On apprend à vivre avec, de façon à ce que notre passé n'assassine pas notre futur. Il est possible de vivre avec une souffrance psychologique, même si elle nous emprisonne, c'est possible. Je le fais, et je le ferais encore. Cacher son jeu est bien plus facile que ça ne paraît. Il ne suffit pas d'être bon comédien. Un secret n'est bien gardé que par celui qui sait se taire. Le silence est un bruit sourd qui pourtant, hurle de tout de ce qu'il est, mais on ne peut pas l'entendre, pas même le percevoir. À quoi bon vouloir soigner quelque chose d'incurable ? Si on sait que ça ne partira jamais, pourquoi vouloir essayer puisqu'on sait pertinemment que c'est une cause perdue. C'est une des raisons de mon silence. Mon entourage se serait buter à l'inutile. Comment peut-on penser une seconde à aider quelqu'un alors que son but est de soulager sa conscience ? Je voudrais soulager mes maux, je ne veux pas que quelqu'un se soulage à ma place d'une telle façon. C'est une manière détournée pour soulager sa propre conscience, le fait d'avoir fait quelque chose pour, mais qui au final, ne sert à rien. Il y a certaines blessures qui sont faites pour exister pour toujours, qui ne se soignent pas, mais qui s'estompe. La douleur s'estompe. Avec le temps on s'habitue à tout. Je préfère vivre avec une douleur qui s'estompe qu'une haine constante qui gonfle toujours un peu plus. Certaines choses sont faites pour ne pouvoir rien y faire. Il faut accepter tout ce qui nous arrive.

- Rien, Margot. Ne t'inquiète pas. Je souris.
- Tu ne me feras jamais avaler ça.
- Il le faudra bien. Je n'ai rien d'autre à dire. Dis-je sèchement.
- Ne sois pas sur la défensive. Je ne voulais pas t'offenser. Dit-elle à mi voix.
- Je ne suis pas offensée. C'est ton choix de me croire, ou bien le contraire. Je ne peux pas t'obliger à me croire.
- Je te crois, Mïa. Je te fais confiance, tu sais. Je pense que tu es honnête avec moi, tu n'as aucune raison de me mentir, pas vrai ?
- Je n'ai aucune raison.
- Bien. Elle sourit.
Donc tout est basé sur le mensonge. Je mens continuellement. Mais, mentir, c'est dissimuler ? Dissimuler ne veut pas forcément dire mentir mais esquiver d'une certaine manière la vérité. Je ne sais pas. C'est pour éviter les questions.
- Tu vas rentrer tard ? Dis-je doucement.
- Tu me fiches à la porte ? Me demande t-elle amusée.
- Non. Ne pense pas ça. Je lui souris.
- Je plaisantais. Ajoute t-elle.
- Tu veux manger là, ce soir ?
- C'est gentil de me le proposer, mais je vais rentrer ! M'annonce t-elle. J'ai pas mal de choses à faire, que je n'ai pas faite aujourd'hui. Reprend t-elle.
- Ne te justifie pas, Margot. Ce ne t'était qu'une simple question.
- Tant que tu ne le prends pas mal. Elle sourit discrètement.
- Tu me connais. Dis-je plus sérieusement, amusée à la fois.
Il est vrai qu'elle me connaît par coeur. C'est comme si elle faisait partie de moi. Nous avons toujours été très proche car nous n'avons pas beaucoup d'écart par rapport à notre âge.
- Par coeur. Renchérit-elle.
Je lui fais un sourire large pour exprimer un petit merci bien trop timide.

Margot est rentrée chez elle. Elle a prit la route il y a de ça, vingt bonnes minutes.
Une bière à la main, je regarde l'actualité dans le The New York times. Rien que je d'intéressant. Je m'installe devant la télé et met un film enregistré qui est passé la semaine dernière ; If you stay. Les films d'amour sont une de mes passions. J'aime toutes les histoires amour, même les plus tristes. Ce sont les meilleures, je trouve. Ils sont bien plus poignants. Qu'est-ce qui est meilleur qu'un samedi dans son canapé devant la télé ? On est tellement mieux chez soi qu'à courir partout. C'est bientôt la fin du film, et Morphée me berce dans ses bras. Mes yeux clignotent devant la télé qui fait défiler les images du film. Mes paupières sont lourdes et je ne tarde pas de massoupir.

Tu ne peux pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant