Chapitre 15

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Je dépose la tasse sur la petite table. Je la regarde un instant. Je cogite. Pourquoi prend t-il soin de moi ainsi ? Pourquoi fait-il tout ça ? Après tout, il n'est pas obligé. Rien ne l'oblige à s'occuper de mon mal de tête, et de mes problèmes. Je relève doucement la tête vers lui.
- Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? Je lui demande timidement.
- Parce que tu en as besoin et j'aime ça.
- Tu aimes ça ?
- J'aime savoir que tu vas bien malgré tout.
- C'est pour ça que tu viens chez moi à nouveau lorsque que je n'étais pas là, la première fois ?
- Comment est-ce que tu peux savoir ça, Mïa ?
- Je t'ai vu tout à l'heure. Dis-je dans un murmure. C'est à peine audible.
- Pourquoi tu ne m'as pas ouvert ? Ses yeux s'arrondissent comme des billes. Il a peur ?
- Je... j'étais avec ma soeur. Je bégaye.
- Oh. Il me regarde étonné.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je comprends. Il me regarde désolé.
- Tu vas donc me dire ce qu'il y a ?
- J'en déduis que personne ne t'as jamais vu avec un homme. Tu es gênée?
- Ce n'est pas ça... je n'ai jamais été ce genre de fille.
- Tu n'as... il s'arrête. Pardon, c'est indiscret.
- Je crois que l'on a brisé le mur de l'intimité aujourd'hui. Il sourit.
- Qu'est-ce que j'ai dit pour te faire sourire ?
- Tu essayes de prendre les choses de manière détournée. Tu fais de l'humour en quelque sorte. Je ne sais pas comment m'expliquer c'est comme une protection. Tu comprends ?
- Je crois. Dis-je doucement.
- Je ne veux pas que tu penses que je fais en sorte que tu te confies à moi.
- Je te l'ai dit tout à l'heure. Je le fais parce que c'est toi.
- Je sais. Il pince ses lèvres.
- Il commence à se faire tard. Tu veux manger quelque chose, Mïa ?
Je regarde les fenêtres. Je ne vois plus le panorama de Montréal. La ville est calme et illuminée par les néons de tous ces bâtiments commerciaux, et les lampadaires dans les rues. Cette ne paraît jamais morte.
- Il est quelle heure ?
- 21h00. Me répond t-il.
- Bien.
- Je t'invite à sortir manger. Insiste t-il.
Il ne me laisse pas le choix. Je le suis sans broncher.

Il s'avance sur le petit chemin qui mène au drive de McDonald's. Il est proche de la gare centrale. Il s'arrête vers la petite cabine où il y a cet employé qui prend les commandes. Qu'est-ce que ça doit être pénible. L'employé se penche pour regarder Arthur.
- Bonsoir. Je vous écoute. L'émotion de son visage est indéchiffrable.
- Qu'est-ce que tu prends Mïa ? Je le regarde, puis je regarde l'employé. Je ne réfléchis pas et me dépêche. J'ai l'impression qu'on le dérange.
- McChicken.
- Le menu ? Frites ? Salade ?
- Frites.
- Le brevage ?
- Un coke.
- Et vous monsieur ?
- La même chose. Merci. Il me regarde et me fait un petit sourire discret.
- Vous pouvez avancer à la borne de paiement et de prise de commande.
- Bonne soirée.
Il appuie sur l'accélérateur pour partir le plus vite possible. Cet homme était désagréable. Il paye puis sort du parking de McDonald's.
- Où est-ce qu'on va ? Je lui demande timidement.
- Je ne sais pas. Je verrai bien sur la route.
- On va finir par se perdre. Dis-je amusée.
- Non. Je connais bien la ville. J'ai grandi à Montréal. Je suis ici depuis toujours et cette ville malgré sa grandeur elle n'a aucun secret pour moi.
- Pardon de vous avoir offensé M. Green. Il sourit.
- Il y a un moment que tu ne m'as plu vouvoyer et appeler par mon nom de famille.
- Oui. Je préfère l'utiliser pour l'humour. Ton nom est bien trop sérieux.
- Je n'y peux rien. Il sourit.
- Tu es en plus de ça, prétentieux !
- C'est de l'humour mademoiselle Jones.
- Un plagiat directe. Je souris.
- C'est pour la bonne cause. Il sourit.
Il y a un petit blanc. Je n'ose pas parler. Je ne peux pas rompre le silence, je ne sais pas comment m'y prendre.
- Tu es née si ? Me demande-t-il. Il a l'air gêné. Je ne sais pas.
- Je suis à Québec.
- C'est à seulement 3h d'ici.
- Je sais. Mais le paysage est différent là-bas. Je l'aimais beaucoup. Montréal est aussi joli. Mais c'est différent.
- Tu argumentes d'une belle façon les choses. Il sourit.
- Je m'exprime je dirai.
- Oui, mais si bien. Je préfère entendre quelqu'un me parler comme ça que d'entendre à longueur de journée le langage de bureau.
- Merci. Mes joues me brûlent. Heureusement qu'il fait nuit. Je suis mal à l'aise. Mes joues doivent être toutes rouges. Mon Dieu.

- Nous y voilà.
- Où tu m'emmènes ?
- Au vieux port. Il va y avoir des feux d'artifice. Et je sais que ça manque de classe de manger ça comme ça. Mais j'ai pensé que ça te changerait les idées.
- Je suis sûre que cette soirée sera géniale. C'est quelque chose qui vient de toi et totalement improvisé mais tu m'as presque dit "aller viens on sort te changer les idées tu en as besoin" et au lieu de me le dire tu as fait ça. J'aime bien ton intention. C'est vraiment gentil, Arthur.
- Je suis touché. Mange pour prendre des forces. Il sourit.
Il plante ses crocs dans la sandwich et prend une grosse bouchée. Je fais de même en essayant maintenant de ne pas m'étouffer. Il rigole. Qu'est-ce que ? Pourquoi il rigole ? Se moque t-il de moi ? Je me sens offensée. Peut-être même vexée.
- Ta bouche est trop petite pour contenir autant. Mais... c'est mignon. J'avale tout rond et court jusqu'à ma boisson. J'aspire fort sur la paille pour que le liquide coule au plus vite pour décoincer ma trachée.
- Ça va ? Me demande t-il inquiet.
- Je crois que oui. Je bois à nouveau.
- Tu crois ou tu en es sûre ? Il hausse un sourcil.
- J'en suis sûre. Cesse de t'inquiéter tout le temps. Ce sont des choses qui arrivent de avaler de travers. Tu ne dois pas t'inquiéter pour si peu. J'ai bu et s'est passé. Tu vois ?
Il me regarde accompagné d'une émotion indéchiffrable. Je ne sais pas si il est perplexe ou vexé. Je n'arrive pas à savoir. Il me perturbe réellement.
- Je suis désolé.
Une lumière tambourine le ciel et éclaire son visage. Il fait une moue triste. Le feu d'artifice qui commence empêche le silence de s'imposer entre nous deux. Il me sourit et regarde le ciel noir gribouillé de particules de lumière. Je souris discrètement. Je regarde mes pieds. La lumière d'un autre feu éclaire le ciel. Je le contemple se désintégrer dans le mer noir qui flotte au dessus de nous.

Il se rapproche de moi en s'appuyant comme je l'ai fait plutôt contre la barrière qui nous sépare de l'eau. Il plonge son regard parmi les lumières. Nos deux bras se frôlent. Il est si... proche de moi. J'essaye de planter mes yeux au creux des lumières pour ne pas y penser. Mais il ne bouge pas. Il n'essaye pas de se rapprocher un peu plus. Il contemple cet océan de lumière.

Tu ne peux pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant