Chapitre 4 : rencontre inopinée

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''Il y a des êtres dont c'est le destin de se croiser. Où qu'ils soient. Où qu'ils aillent. Un jour, ils se rencontreront'' –Claudie Galley

- Mmmh.

J'ouvris doucement les yeux et les refermai aussitôt en recevant un puissant éclat de lumière en plein visage. Très aveuglant. Trop même. Ce n'était pas normal.

Je bondis de ma chaise et jetai un regard au dehors. Le soleil était déjà haut dans le ciel.

Non !

Je fourrai tout ce qui se trouvait sur le bureau dans mon sac et me précipitai dans les escaliers.

J'étais en retard, très en retard...

Je ne répondis pas aux glapissements que me lançait ma mère d'un ton furieux et je sortis dehors sans ralentir.

Mon dieu, mon dieu. Je suis morte !

Mes talons ricochaient contre les graviers tandis que je courrais à perdre haleine vers le portail ridiculement grand qui marquait la fin de la propriété. Je poussais un long soupir de soulagement quand je me rendis compte que celle-ci était ouverte.

Mon cœur battait à cent à l'heure, ma poitrine se serra à l'idée que le bus soit déjà partit. Et ce sans moi.

Mes jambes peu habituées à être poussé autant, résistaient à grand cri.

Je dérapai sur la route et eus le temps de sauter sur le côté avant qu'une moto ne m'écrase. J'entendis alors un grand éclat de rire et je serrai les dents. La moto fit demi tour et s'arrêta à mon niveau.

- Alors, Anna. On s'est levé trop tard à que je vois. Encore trop rêvé de ton pôpô venu te secourir des vilains Wittrock ?

Je ne répondis pas mais ce que je pensais devait se retranscrire sur mon visage parce qu'il s'exclama avec un air sournois et cruel :

- Tu ne savais pas que tu parlais dans ton sommeil ? Papa vient me chercher. S'il te plait ! Ne me laisse pas seule ! Bou hou !

Je m'arrêtai net, les larmes menacer de couler. Ma bouche était devenue sèche et mon estomac se noua.

Léonardo- mais le prénom Lucifer lui convenait bien mieux- éclata d'un rire rauque comme un aboiement puis il se mit à gémir à nouveau d'une petite voix aiguë :

- J'ai peur, papa ! Maman est si méchante avec moi ! Aide moi !

- Tais-toi ! dis-je à voix basse.

- Oh, est-ce que le petit chaton serait en train de sortir ses griffes ? Tu crois peut-être que ton père va venir t'aider ?

Alors que je bondissais sur lui toutes griffes dehors, il démarra et s'éloigna dans un rugissement sonore, mélange de vrombissement de moteur et de ricanements. Une giclée de boue m'atteignit de plein fouet et je combattis de toutes mes forces la détresse qui semblait sur le point de m'anéantir. Je nettoyais du mieux que je pus les traces brunâtres de mon uniforme rapiécé avec le peu de dignité que je réussis à rassembler. Le souvenir de mon cauchemar refit surface et je le chassai vite dans un coin de ma tête.

Quand j'arrivai enfin à l'arrêt, le bus était partit déjà depuis un bon moment. Pendant, une fraction de secondes, j'envisageai de passer la journée assise sur le banc minable de l'arrêt mais je dus me résigner et je me mis en route.

Des nuages sombres commençaient à s'amasser dans le ciel et je n'étais même pas encore à la moitié du chemin.

Néanmoins, le paysage autour de moi avait nettement changé, le quartier résidentiel avait fait place à de grandes avenues bordées de tilleuls.

Tout à coup, une pétarade caractéristique résonna dans la rue et je sautai instinctivement vers la gauche.

Le moteur s'était tu et je priai pour que ce ne soit pas Léonardo qui avait décidé que c'était bien plus amusant de se moquer de moi que d'assister au cours.

- Hé ! Tu es une élève de Barthélémy, non ?

C'était une voix de garçon, mais je constatai avec soulagement que ce n'était pas celle de Lucifer. Je relevai la tête et me figeai devant mon interlocuteur.Je ne distinguai pas ses traits car il portait un casque.

- T'as avalé ta langue ou quoi ?

Je haussai les épaules, ne sachant pas quoi répondre.

- Bon, c'est déjà un bon début. Les gestes, ajouta-t-il quand il comprit que je ne voyais pas où il voulait en venir. Tu es en retard ?

J'hochai la tête.

- Aujourd'hui est ton jour de chance car je le suis également. Allez monte, je t'emmène.

Au point où j'en étais...

Je me glissai derrière lui et il démarra au moment même où mes fesses atteignaient le siège. L'accélération m'obligea à m'accrocher à la première chose que mes doigts sentirent, sa veste. Je remarquai avec étonnement un tatouage bizarre au poignet de sa main gauche. C'était une sorte d'entrelacs de lignes aux courbes élégantes mais qui à mes yeux ne représentaient rien de concret.

Bientôt, je vis le bâtiment du collège se dessiner dans l'horizon et je tapotai avec force l'épaule du conducteur. Il s'arrêta brusquement, croyant surement que j'allais tomber. Je sautai aussitôt en bas de sa moto et je m'apprêtai à continuer le chemin quand une voix, toujours la même, me fit stopper en pleine marche.

- Tu ne m'as même pas dit ton prénom !

Je me retournai étonnée. Ce n'est pas ça que j'avais imaginé sortir de sa bouche.

- Pourquoi est ce que tu m'as pris sur ta moto ? demandais-je d'une voix méfiante.

Son comportement m'échappait et j'essayai de comprendre. On m'avait toujours traité comme une moins que rien, indigne de la moindre attention. Alors pourquoi lui le faisait ?

Je me figeai soudain.

Peut-être faisait-il partit du fameux plan des jumeaux !

- Parce que je sauve toujours les jolies filles en détresse.

Jolies ?

Je le regardai avec terreur. Je me précipitai vers lui comme un boulet de canon et il eut un mouvement de recul. Mais ce n'est pas lui qui m'intéressait. Je jetai un coup d'œil au rétroviseur et grognai.

Ca n'allait pas du tout !

Je farfouillai dans mon sac et trouvai finalement ce dont j'avais besoin. J'enfournai un objet dans ma bouche avec une moue de dégout. Puis, passai une main dans mes cheveux et les ébouriffais avec application. J'ajoutai la touche finale en coinçant les branches de mes lunettes derrière mes oreilles. Je regardai à nouveau dans le rétroviseur et je pus constater que j'avais bien rattrapé le coup. Le nouveau avait assisté à toute ma transformation avec la tête d'un mec qui vient de voir un papy faire un striptease sur la place du marché. Il était à la fois fasciné et dégouté. Et sans que je ne lui laisse le temps de parler, je m'élançai vers l'entrée de l'école en rigolant intérieurement.

Voilà quelque chose qu'il ne devait pas voir tous les jours.

Mais je sentais au fond de moi une peur infantile refaire surface. A coup sûr, cet épisode allait me causer des tas de problèmes.

Et comme j'avais raison...

Le subtil chuchotement de la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant