Chapitre 1 : Chez Fantin

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    La boulangerie-pâtisserie chez Fantin était très accueillante. Drôle de nom pour une boulangerie n'est-ce pas ? C'est plutôt le genre de nom que l'on donnerait à un bar-restaurant. Pourtant, lorsqu'on entrait dans cet établissement entièrement peint en rose, tout semblait vouloir nous dire : alors surpris ? Chez Fantin était aussi une pâtisserie. Des desserts et des confiseries trônaient sur l'installation en demi-cercle. Il y avait les classiques comme dans tous les autres établissements de ce genre mais sur demande ; en particulier pour les anniversaires et autres soirées à thème, ils acceptaient de sortir du cadre.

Je me souviendrai sans doute toujours de cette fois où les simpsons étaient à l'honneur et au cours de laquelle les invités avaient pu goûter à des mets à l'effigie des personnages de la série.

Le couple de patrons travaillait beaucoup et était prêt à tout pour fidéliser sa clientèle. Ils avaient bonne réputation dans le village et ses alentours mais les commères infatigables et médisantes prenaient un plaisir sournois à diffuser une rumeur à leur propos.

La femme du pâtissier-une quadra alsacienne, blonde aux yeux bleus qui coiffait toujours ses cheveux dans une tresse qui retombait sur l'une de ses épaules- aurait trompé son mari avec un autre commerçant de la commune. Plusieurs noms avaient été évoqués mais nous n'avons jamais su le fin mot de l'histoire.

Ce jour là, un dimanche, j'avais décidé de trouver un travail en complément de mon cursus d'audiovisuel. C'est vrai que ça ne dépendait pas vraiment de moi d'être prise à l'essai mais je n'ai jamais supporté l'idée d'entreprendre quelque chose sans que ça n'aboutisse. C'était ma façon de me motiver si vous préférez.

C'est terrible à quel point j'ai pu bafouiller en me présentant à la patronne. Pourtant, je m'étais entraînée un nombre incalculable de fois devant mon miroir à tel point que j'avais cru devenir schizophrène.

Devant le comptoir, je m'y suis reprise trois fois avant d'énoncer des propos intelligibles. A chaque fois, mon interlocutrice a froncé les sourcils, me donnant l'impression d'être la pire des énergumènes. Ce genre de réaction silencieusement criante aide rarement à reprendre une contenance.

Je me rappelle avoir soupiré en baissant la tête vers mes pieds après ma deuxième tentative. Quelques secondes après j'ai souris en entendant un fracas monstrueux accompagné d'un juron spectaculaire. Parfois ce sont les trucs idiots qui vous détendent le plus. Quand j'ai relevé la tête, le sourire ne m'avait pas quitté et j'ai énoncé mon petit speech à la perfection. La femme qui me faisait face n'avait plus cet air perplexe au moment où je lui ai tendu une pochette avec mon CV et une lettre de motivation. Elle me regardait soudain d'une façon bizarrement prononcée. Elle a finit par me dire avec son drôle d'accent alsacien :

-Peut-être que quelqu'un vous rappellera.

Encourageant me suis-je dit et puis je suis repartie sans demander mon reste.

Nataya Où les histoires vivent. Découvrez maintenant