VI

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Lorsqu'on est en colère, c'est toujours commode de pouvoir s'en prendre à quelqu'un d'autre, de se passer les nerfs sur celui ou celle qui est à l'origine de notre rage. Mais c'est plus compliqué quand on  ne peut blâmer personne d'autre que soi.

Je sais bien que je suis la seule fautive. Justin est un vrai salaud, un pauvre type, mais il a raison sur  un point : il ne m'a pas forcée. C'est moi qui me suis laissée prendre à son jeu de séduction minable,  moi qui suis venue le voir au Downtown. Et c'est vrai que je n'ai pas beaucoup résisté... en vérité, j'ai  répondu à son baiser sans me poser de questions. Si ce type n'était pas entré dans le local, je sais très  bien comment tout ça aurait fini... j'aurais couché avec Justin, c'est certain, et à l'heure qu'il est je  me sentirais encore plus mal.

La journée du dimanche, qui devait être agréable, se révèle un véritable supplice. Oliver et moi allons  nous promener dans les collines, à quelques kilomètres de la maison. Je suis obligée de feindre la joie et l'insouciance, alors que j'ai le coeur et l'âme en charpie. Je ne pensais pas être capable d'une  telle chose. Je ne pensais pas me transformer un jour en une femme infidèle, dépourvue de sens  moral. Non seulement j'ai trahi Oliver, mais en plus, avec son propre frère. C'est abject, je le sais. Je n'ose imaginer ce qui se passerait si Oliver l'apprenait. Évidemment, il voudrait annuler le mariage et  ça, pour moi, c'est impossible. J'ai beau ne pas le mériter, je l'aime et je tiens à devenir sa femme. Je  n'ai donc pas d'autre choix que de lui mentir, bien que cela soit un crève-coeur. Jusqu'à aujourd'hui,  nous n'avions pas de secret l'un pour l'autre. À cause de moi, le mensonge et la dissimulation se sont  insinués entre nous comme un poison. Malgré le soleil radieux, la beauté de la campagne sous le ciel  printanier, je ne parviens pas à me détendre. Chaque baiser d'Oliver, chacun de ses gestes tendres me rappellent cruellement mes fautes. C'est si dur de ne rien pouvoir dire, de faire semblant en permanence. Je voudrais que tout ça ne soit jamais arrivé, revenir en arrière et effacer mes conneries  d'un simple coup de chiffon. Dommage que la vie ne soit pas si simple ! Parler à Sally me ferait sans doute du bien, mais j'ai tellement honte de ce que j'ai fait que j'hésite à me confier à elle. Certaines  choses sont pénibles à avouer, même à sa meilleure amie.

Le soir venu, Oliver m'emmène dîner à la pizzeria Delfino, dans le centre de Maytown. Quand nous étions au lycée, nous adorions cet endroit. Nous y venions pour fêter les bons événements ou  décompresser après une journée difficile. Au fil des ans, nous avons conservé ce rituel. Dès que nous  franchissons la porte de la pizzeria, nous retrouvons l'insouciance de notre adolescence. Enfin,  d'habitude... cette fois-ci, je suis tellement nerveuse que je dois me forcer pour manger. Le délicieux  vin rouge que nous sert Pietro Delfino, le patron de la pizzeria, ne m'est pas non plus d'un grand secours.


— J'ai appris, pour votre mariage. Félicitations !


J'adresse à Pietro un sourire incertain. Il a assisté aux débuts de notre relation, à l'évolution de notre histoire, et se comporte envers nous un peu comme un père. Après qu'il se soit éloigné, Oliver se  penche vers moi.


— Est-ce que tout va bien ? Tu as l'air un peu... ailleurs, dans la lune.

— Non, tout va bien ! Je suis simplement préoccupée par le mariage. Toutes ces choses à organiser, c'est...

— Rassure-moi : tu as toujours envie de te marier ?

— Bien sûr ! Évidemment que je veux t'épouser.


Pour la première fois depuis le début de la journée, je suis parfaitement sincère.

Satisfait de ma réponse, Oliver boit une gorgée de vin qu'il savoure lentement. Son portable sonne, interrompant la dégustation. Voyant qu'Oliver fronce les sourcils en lisant le message qu'il vient de recevoir, je suis assaillie par une bouffée d'inquiétude. Et si Justin lui avait tout raconté ? Je suis  certaine qu'il en serait capable. Ce mec est nuisible, sûrement malveillant. Alors que je crispe ma main sur le rebord de la table, Oliver m'adresse un sourire radieux qui dissipe toutes mes craintes.

Bad GuyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant