VIII

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- Qu'est-ce que tu fais là ?

Négligemment appuyé contre le chambranle, Justin sourit le plus naturellement du monde, comme s'il était tout à fait normal qu'il se trouve là à cette heure-ci.

- Salut, Cassie. Tu vas bien ?

- Réponds d'abord à ma question : qu'est-ce que tu fais là ? Comment tu as su où j'étais ?

- C'est Sally qui me l'a dit. Je l'ai croisée aujourd'hui, et on a un peu discuté. Bien sûr, je ne lui ai pas avoué que je comptais te rejoindre, sinon elle n'aurait pas lâché le morceau. Donc pas la peine de l'engueuler.

- Et donc tu as fait deux heures de route pour... pour quoi, en fait ? Juste pour me parler ?

- Ben, euh... ouais...

Justin parait véritablement embarrassé, ce qui est inhabituel. Je prends soudain conscience du fait que je ne porte rien d'autre qu'une chemise de nuit vaporeuse, et me sens gênée à mon tour. Durant quelques secondes, nous restons silencieux, ne sachant que dire ni que faire. Justin finit par rompre le silence :

- Tu comptes me laisser sur le pas de la porte toute la nuit ?

- Désolée... viens, entre.

Je n'arrive pas à croire que Justin soit là, dans cette cuisine, si près de moi que ma peau sensible réagit à sa présence, se couvre de chair de poule. Dieu qu'il sent bon ! Une odeur virile, musquée, et cependant délicate, aux relents de menthe et de notes boisées. Je m'apprête à monter à l'étage afin de me rhabiller, mais Justin saisit fermement mon poignet.

- Attends, Cassie... il faut vraiment que je te parle. Là, maintenant. Sinon, je n'y arriverai pas.

Jamais je n'ai vu Justin si vulnérable, si peu sûr de lui. Est-ce une énième manœuvre de séducteur ou est-il sincère ? J'ai envie de croire qu'il l'est. De tout mon cœur. Je veux croire que ce que je ressens en ce moment n'est pas uniquement le fruit de mon imagination, que l'intensité de son regard est réellement l'expression de ses émotions intimes et non un stratagème destiné à me faire baisser la garde.
Justin s'approche de moi, pose ses larges mains sur mes hanches et me pousse doucement contre le rebord de la table. Nous sommes censés parler mais, à la place, nos lèvres s'effleurent, se frôlent dangereusement, se cherchent, avant de se rejoindre en un baiser fiévreux, presque brutal. Immédiatement, un violent désir nous embrase, une même urgence nous saisit. D'une main tremblante, j'aide Justin à ôter son t-shirt, presse mon front contre la peau douce de son torse nu et dépose une foule de baisers le long de ses épaules solides. La vue de ses tatouages, que je trouvais pourtant affreux, ne fait qu'attiser mon excitation. Impatiente, je déboutonne son jean tandis qu'il m'enlève ma chemise de nuit. Je suis entièrement nue devant lui, sans défense, à sa merci. Ça ne me déplait pas. Pas du tout. Tout ce que je veux, en cet instant, c'est lui appartenir, m'offrir à lui sans retenue. Haletant, le regard brillant de désir, Justin se débarrasse hâtivement de son pantalon et de son boxer. Ma main se referme sur son sexe durci, qui grossit davantage encore au contact de mes doigts. C'est si bon de le voir bander pour moi ! Si bon de l'entendre gémir et haleter tandis que mes mouvements se font plus rapides. M'allongeant sur la table, je l'attire vers moi et, cambrant mes reins, je tends vers lui mon ventre douloureux. J'ai besoin de lui. De sa présence en moi. J'ai le sentiment de devenir folle, oui, folle de désir, un désir d'une telle intensité qu'il se mue en souffrance. Ma peau, mon sexe, ma chair... mon être tout entier est dévoré par des flammes aussi délicieuses qu'impitoyables.

- Justin... Justin, je t'en prie...

Si l'on m'avait dit qu'un jour je supplierais ce type arrogant et désagréable... mais en cet instant je n'ai pas ce genre de pensée. En fait, je ne pense plus du tout. L'avidité de mon corps a annihilé mon esprit. Je n'ai qu'un seul but, un seul besoin, une seule envie : ne plus faire qu'un avec celui qui s'apprête à devenir mon amant.

Répondant à mes prières, Justin me pénètre enfin, se frayant un chemin en moi d'un puissant coup de reins. Nous crions en même temps, de plaisir, de soulagement, du bonheur d'avoir aboli toute distance entre nous. Adoptant un même rythme effréné, nous faisons l'amour avec un mélange de férocité, de ferveur et de tendresse. Jamais je n'ai connu un tel plaisir. Chaque va-et-vient de Justin m'entraîne vers une extase sans limite. J'ai le sentiment que sa peau est faite pour la mienne, que nos chairs respectives se fondent en une seule et même chair, en un seul et unique corps. C'est comme si nous nous connaissions depuis une éternité. Comme si nous étions destinés depuis toujours à nous rencontrer, à nous unir.

La jouissance me submerge comme une vague, me laissant ensuite épuisée, à bout de souffle. Lorsque Justin vient à son tour, j'empoigne ses épais cheveux dorés et attire sa tête contre la mienne.

- Mon Dieu, Cassie... murmure-t-il d'une voix rauque, frissonnant violemment sous l'effet du plaisir ultime.

Nous restons longtemps enlacés, mêlant nos souffles brûlants. Puis, me soulevant dans ses bras, Justin m'emporte vers la chambre.

Étendus l'un à côté de l'autre, nous ne prononçons pas un mot. J'ai peur qu'en brisant le silence, nous brisions aussi le voile qui, pour le moment, maintient la réalité à l'écart. Dans la pénombre, je contemple son beau visage, suit du bout des doigts les contours de sa bouche. Justin attrape ma main, interrompant mon geste ; puis, se soulevant sur un coude, il m'embrasse longuement. Tendrement. Ce baiser ravive mon désir, et nous faisons l'amour à nouveau, moins précipitamment cette fois. Nous prenons le temps de nous découvrir, de nous explorer. Entre les bras puissants de Justin, j'expérimente des sensations nouvelles, d'une intensité inouïe. C'est horrible de dire une telle chose, mais Oliver ne m'a jamais fait jouir de cette façon. Justin me donne tant de plaisir que je m'endors immédiatement après l'amour, épuisée, comblée, murmurant le nom de mon amant tandis que je glisse dans le sommeil...

Le lendemain matin, à mon réveil, je tends la main vers l'autre côté du lit... et ne rencontre rien d'autre que la fraîcheur des draps.

- Justin ?

J'enfile rapidement une culotte et un t-shirt et me rends dans la salle de bain, mais Justi, ne s'y trouve pas. Il n'est pas non plus dans la cuisine. Ma chemise de nuit, que j'ai ôtée à la hâte, git toujours sur le sol. En revanche, les vêtements de Justin ont disparu. Un coup d'oeil par la fenêtre confirme ce que je craignais : sa voiture n'est plus là, il est parti. Sans même me dire au revoir. Sans même me laisser un mot.

Je consulte mon téléphone, espérant qu'il m'aura envoyé un sms entretemps, ou essayé de m'appeler... mais non, rien.

Une violente déception me broie la poitrine. Je suis vraiment idiote ! La dernière des connes. Justin s'est simplement servi de moi. Il a joué les grands romantiques, parcouru deux cents kilomètres pour venir me voir, a feint la sincérité, tout ça pour coucher avec moi. Coucher avec la fiancée de son frère doit lui paraître excitant. Ce type est profondément malveillant, bien plus que je ne le pensais.

Une pensée terrifiante me traverse : et s'il allait tout répéter à son frère ? Dans ce cas, c'est sûr, Oliver me quittera. Mais est-ce que je l'aime encore ? Est-ce que j'ai vraiment envie de l'épouser ? Je ne sais plus. Je suis complètement paumée. Une tempête se déchaîne dans ma tête, ne laissant sur son passage que chaos et incertitudes.

Pendant les deux jours qui suivent, je n'ai aucune nouvelle de Justin. Ce salaud doit bien se marrer en pensant à moi ! Je me suis offerte à lui sans retenue, naïvement. Le pire, c'est que j'ai joui comme jamais, connu une extase que je ne soupçonnais pas. Justin me dégoûte, mais je me dégoûte aussi.

Oliver m'envoie de gentils messages, ce qui prouve que Justin ne lui a rien raconté - pour le moment, en tout cas. Je lui réponds toujours, même si le coeur n'y est pas. Je ne comprends rien à ce qui m'arrive. Pendant des années, Oliver a représenté le centre de mon univers. Pourquoi suis-je si détachée de lui, à présent ? Je ne suis même pas certaine qu'il me manque. Je voudrais que tout redevienne comme avant, mais je doute que ce soit possible. Quelque chose a changé, irrémédiablement. Quelque chose en moi s'est brisé, et je ne sais absolument pas comment le réparer.

Bad GuyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant