1

7.4K 343 81
                                    

L'homme assis devant toi continue de te dévisager. Il se frotte délicatement le front, de son pouce et du bout de son stylo. Il semble perturbé, un peu trop même, pour un psychologue qui verrait des gens en ton genre à tous les jours. Ses sourcils froncés et son semblant de grimace camouflé derrière son épaisse moustache commencent à te faire angoisser.

- Et donc, poursuit-il après un autre long silence, vous voyez ce genre de ... choses fréquemment?

- Oui, tu réponds pour la deuxième fois. Enfin... pas si souvent. Environ une fois par semaine je dirais. Surtout depuis les derniers mois.

Il commence une expiration, qu'il interrompt aussitôt, comme s'il avait peur de respirer le même air que toi. Son attitude commence franchement à te déplaire. À quoi joue-t-il? N'est-il pas supposer de t'offrir de l'aide? Tu commences à douter de la raison de ta venue. Il semble dépourvu de moyen ce psychologue, de toute façon. À quoi bon rester ici si c'est seulement pour subir ses soupirs subtils et ses mouvements de sourcils accusateurs?

Comme s'il commençait à lire tes pensées, il coupe ton tourbillon de réflexion :

- Pourquoi être venue maintenant? Pourquoi pas avant, c'est-à-dire?

« Pourquoi effectivement », tu te réponds à toi-même en marmonnant.

- Comment? Insista-t-il.

- Je ne suis pas venue par moi-même, finis-tu par rétorquer. C'est mon frère qui m'y a amené.

- Vous lui en avez parlé?

Si tu avais eu le choix, tu ne lui aurais probablement rien dit à ton frère. À ce psychologue non plus d'ailleurs. Sauf que récemment, les choses commencent à prendre un peu trop d'ampleur. Il devient difficile pour toi de les camoufler, et de tout garder ça pour toi. Ça fait plusieurs années, bien sûr, que tu subis ce cauchemars, mais, récemment, tu sens que tu perds le contrôle. Si c'était plus évident, avant, de distinguer le vrai du faux, ce n'est plus aussi évident aujourd'hui.

- On peut dire ça, rétorques-tu.

L'homme moustachu se met à gribouiller dans son carnet, un air de poisson perdu accroché à son visage. Le son de son crayon sur la feuille t'irrites, tu te prends à vouloir lui arracher son matériel de ses mains. Mais qu'écris-t-il donc sur ces pages? Et pourquoi est-ce si long avant qu'il reprenne avec ses questions ridicules? Il écrit peut-être « folle, folle, folle » à répétition, jusqu'à ce que ça couvre sa page en entier. À puis tant pis, t'as plus envie d'être ici.

Alors que tu te redresse sur ta chaise, prête à partir, le monsieur ouvre sa molle bouche et y sort une question qui arrête subitement ton élan.

- De quoi avez-vous plus peur, ma chère, la douleur... ou la mort?

Mais qu'elle étrange question. Elle déclenche chez toi une vague de frisson. Et quel étrange sourire qu'il aborde en la posant. Ton cœur se sert, pourquoi cet homme te rend aussi inconfortable? Est-ce toujours ainsi, les rendez-vous avec des psychologues? Tu n'en sais rien, c'est bien la toute première fois que tu te retrouves dans ce genre de situation. Ce qui te parais étrange aussi, c'est ton envie de répondre à la question, d'y répondre sérieusement. Tu as envie, peut-être, d'y trouver la réponse, mais surtout, de voir la réaction de l'homme au carnet. Va-t-il encore soupirer, ou y aurait-il enfin une nouvelle réaction? Une réaction inattendue peut-être, tout comme ce sourire imprévu, presque aussi inconfortable qu'apaisant.

Plus tu regardes l'homme et plus son sourire s'apaise. Mais il attend très clairement encore une réponse, te défigurant que de son regard inquisiteur.

- « La douleur », tu réponds enfin. (Chapitre 2)

- « La mort », tu rétorques, curieuse de la réaction qui t'attend. (Chapitre 3)

- Tu te lèves et quitte le rendez-vous, ce psychologue est très clairement incompétent – et peut-être même effrayant? (Chapitre 38)


La mort à vos trousses- l'histoire dont VOUS êtes l'héros (en correction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant