Prologue

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Le visage que Jeremiah Hamilton montre au monde n'est pas représentatif de sa véritable personnalité. Il croit être maître à bord, il estime contrôler sa vie. Mais que se passe-t-il lorsqu'on lui retire ce qu'il a de plus précieux sur terre, la seule personne ayant le pouvoir de réduire à néant tout son univers? Ce chapitre relate les événements ayant suivi la dernière rencontre entre Lucy et Jeremiah. Ce dernier commence à comprendre que nul homme n'est une île, et que tous les remparts sont susceptibles d'être renversés par celui qui possède le don pour le faire.


- Je vous aime.

Trois petits mots de rien du tout, mais ils avaient eu le pouvoir d'arrêter la course du monde.

- Non!

Il n'avait pas un l'intention de crier cela aussi brutalement. Il senti Lucy se raidir contre lui et observa son visage tandis qu'elle s'efforçait de dire quelque chose. Allongé sous elle, il gardait le silence tout en réfléchissant à un moyen de sauver la situation. Il n'en trouva pas.

Comment en étaient-ils arrivés là? 

Refermant ses mains autour de la taille de Lucy, il la souleva, aussi légèrement que si c'était une plume, afin de pouvoir s'asseoir. Un vacarme, plus q'une pensée précise, se déchaîna soudain dans son esprit. Prêt à bondir, il sentait que tous ses muscles étaient tendus. Pourtant, il ne parvenait pas à bouger, c'était comme s'il était collé à ce lit.

- Pourquoi?

Jeremiah ferma les yeux. La voix brisée dans son dos lui rappela qu'il n'était pas seul. Comment aurait-il pu l'oublier, de toute façon? Un instant, le contact de leurs peaux se maintint, puis Lucy s'écarta et ramena les draps sur elle. Cette séparation lui fit l'effet d'une lance qu'on aurait plantée dans son ventre. Il se mit à trembler.

Incapable de répondre à la question, il se leva, rassembla ses vêtements et les enfila à la va-vite. Boutonner sa chemise exigea deux fois plus de temps que d'ordinaire tant ses doigts tremblaient. Il mit son pantalon, laissa de côté ses chaussettes et se borna à ramasser ses chaussures.

Il ne daigna regarder la femme dans le lit qu'après avoir bouclé son ceinturon. A ce moment-là, il avait réussi à retrouver sa contenance. A grand-peine, cependant.

La détresse qui se lisait sur les traits de Lucy menaça d'abattre ses défenses. Le tumulte intérieur dans son cerveau augmenta crescendo jusqu'à devenir des hurlements intolérables, mais il ne s'autorisa pas à briser son masque de pierre. Son instinct lui criait de se sauver, qu'il n'était pas en mesure de gagner cette bataille-là. La logique voulait néanmoins qu'il dise quelque chose. Pétrifié par le sens du devoir, il ne pouvait pas plus fuir maintenant que dans toute autre affaire professionnelle.

Sauf que là, il ne s'agissait pas de boulot.

Si. Dans la mesure où qualifier autrement la situation reviendrait à admettre qu'il éprouvait des sentiments qu'il refusait d'analyser.

- Je ne pense pas que...

Il s'interrompit. Les mots, en l'occurrence, étaient difficiles, certains encore plus que d'autres.

- Je préférerais que nous évitions de parler d'amour à propos de notre liaison. Pour l'instant, en tout cas.

- Pourquoi?

La question avait été formulée comme une exigence. Jeremiah avait conscience qu'elle méritait une réponse.

- Soyons raisonnables, dit-il.

tout ce qu'il voudra  Naufragée     l'intégraleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant