tout ce qu'il voudra Naufragée l'intégrale

Partie 7

Rien n'aurait pu me préparer à la ville que nous survolions.

Dubaï n'était pas totalement un mystère pour moi. J'avais lu des choses sur le Net et écouté les infos, et j'avais une vague idée de ce à quoi elle ressemblait. La réalité dépassait cependant de loin l'idée que je m'en faisais. Même la fatigue d'un vol de dix-sept heures ne réussit pas à calmer mon excitation lorsque je découvris la ville portuaire depuis le ciel. Les îles artificielles, la tour semblable à celle de Babel dont la flèche s'élançait de façon vertigineuse, tout était démesuré, époustouflant.

En quittant la Jamaïque, j'avais regretté d'avoir disposé d'aussi peu de temps pour visiter ou profiter du soleil. C'était la première fois que j'allais dans les Caraïbes. Malheureusement, les Hamilton étaient entièrement dédiés à leurs affaires. Au petit déjeuner, Lucas nous avait remis des passeports identiques à ceux que nous possédions. Assez bizarrement, il avait choisi de reproduire mes papiers canadiens. D'après lui, ils seraient plus avantageux dans les pays musulmans. J'eus beau convenir qu'il avait raison, je n'en étais pas moins inquiète du rôle qu'il comptait me faire jouer grâce à cela.

Cette fois, nous ne voyageâmes pas en jet privé - du moins pas durant la première partie du trajet -, mais nous eûmes droit à des sièges en première classe jusqu'à Londres, puis Londres à Dubaï. En revanche, une fois les formalités accomplies, un hélicoptère nous attendait pour nous conduire à notre hôtel.

-Est-ce qu'il est à vous? demandai-je aux Hamilton dans le casque qu'on m'avait fourni.

Lucas secoua la tête.

- Non, à notre hôte. Un cadeau de bienvenue, en quelque sorte.

Jeremiah ne dit rien, se bornant à admirer le paysage par la vitre. Je n'osais pas trop le regarder. Il ne m'avait pas adressé la parole depuis que j'avais repoussé ses avances la veille au soir. Je n'aurais su dire s'il était en colère contre moi ou contrarié par la situation, et je redoutais suffisamment la réponse pour ne pas poser la question. Quand bien même, son silence me dérangeait, et avoir conscience que je l'avais blessé me serrait le cœur.

Il faut qu'il comprenne ce qu'il a fait. Malheureusement, les principes ne pesaient pas lourd face au désir qu'il me prenne dans ses bras, qu'il me laisse enfouir mon visage dans son cou et sentir son odeur. Il était si proche de moi que j'aurais pu le toucher. Mais comme il m'ignorait, je prétendais lui rendre la pareille.

De son côté, Lucas était dans une forme éblouissante pour quelqu'un qui était resté éveillé durant tout le trajet. J'aurais pu m'irriter de ses bavardages incessantes si la description qu'il me fit de la ville n'avait pas été aussi fascinante et surprenante. Il semblait en savoir beaucoup sur Dubaï et sur le pays tout entier, et je me demandai combien de fois il s'était rendu ici.

Nous étions suffisamment haut pour distinguer les îles artificielles en forme de palmier. J'en avais déjà entendu parler, mais lorsque je vis un l'archipel qui, à seulement quelques milles de la côte, prenait la forme d'une fleur reliée au continent par une tige, j'en eus le souffle coupé. Plus petits que les îles en forme de palmier, les petits îlots qui le composait étaient aussi plus délicats. Je comptai au moins une douzaine de "pétales" encerclant un "cœur" central plus important sur lequel s'élevait une grande structure.

- Est-ce là que nous allons? demandai-je quand l'appareil vira dans cette direction.

- Oui, acquiesça Lucas. L'hôtel Almasi. Le dernier ajout de prestige à une ville déjà flamboyante.

Le bâtiment n'était pas aussi haut qu'il m'avait semblé au premier abord - une vingtaine d'étages en tout peut-être. Bien que résolument moderne, il présentait des aspects inspirés de l'architecture traditionnelle arabe. Un immense dôme en verre surplombait l'édifice, ses vitres étincelant comme des diamants sous le soleil. Un héliport avait été aménagé au sommet de la tour principale. Notre engin s'y posa et coupa ses moteurs.