{ Prologue }

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2h47

Pour la énième fois je regarde l'heure sur mon réveil. Les minutes semblent s'égrener à la lenteur d'un escargot ayant trop mangé.
Cela fait des semaines que je ne dors que très peu la nuit et grappille quelques maigres minutes de sommeil par-ci par là la journée, alors par la force des choses je m'y suis habituée.
Généralement, je m'endors vers 4h du matin pour me réveiller à 6h. Au début j'avais beaucoup de mal à tenir la journée, mais, aussi étrange que cela puisse paraître, on s'y habitue avec le temps.
Seulement aujourd'hui, miracle ô grand miracle, je sens le sommeil pointer le bout de son nez en avance. Peut-être que j'arriverais à m'endormir plus tôt, pour une fois !
Je ferme mes yeux et laisse ma musique me bercer tout doucement. Dans mes écouteurs résonne Kyo - Les Vents Contraires, une chanson que j'affectionne tout particulièrement. Furtivement, je jette encore un coup d'œil à mon radio-réveil

3h02

Mes yeux se ferment tous seuls et je sens Morphée m'emporter, doucement mais sûrement, et alors pour la première fois depuis des semaines je réussis à m'endormir avant 4h

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J'étais sur une plage de sable blanc semblant infinie. Je faisais face à une étendue turquoise où se reflétaient les rayons du soleil. En me penchant j'apercevais une jeune fille aux longs cheveux châtains et aux yeux noirs envoûtants. Elle arborait un bikini bleu nuit sur un corps aux formes généreuses. Celle-ci s'observait curieuse, la fin des vagues venant lui chatouiller les pieds.
Des jeunes hommes se retournaient sur elle en passant, s'attardant sur sa vue.
Ils murmuraient entre eux, charmées.
Seulement, je savais que je rêvais car cette jeune fille n'était autre que moi, or jamais personne ne m'avait regardé de cette façon. Les hommes ne s'attardent jamais sur une femme en formes que pour une seule raison: la critiquer, la rabaisser, lui rappeler en permanence qu'elle ne correspond pas à la norme.
Alors le rêve se transforma en cauchemar. L'image se fissura tel un miroir que l'on brise d'un coup de poing, et les morceaux s'éclatèrent au sol. Une nouvelle image prit place.
Ces mêmes hommes me pointaient désormais du doigt en tant que la fille un peu grosse au visage arrondi par les kilos en trop, aux cheveux châtain ternes, aux yeux d'un noir profond et terni par la méchanceté des autres, à la bouche pulpeuse aux lèvres gercées, au teint pâle et au petit nez.
En résumé: la moche et grosse.
Puis je revoyais leurs visages. Ceux des jeunes qui ne cessaient de me le rappeler.

- La baleine est de retour !
- Alerte au Tsunami !
- Faites gaffe sa mocheté pourrait être contagieuse !
- Un corps pareil ça se cache !
- Elle n'a pas honte de se montrer comme ça ?!
- Ne le regardez pas vous risqueriez de devenir aveugles par sa laideur.

Et c'était sans fin. Les voix ne s'arrêtaient pas, elles tournaient en boucle dans ma tête. Je pressais mes mains contre mes oreilles mais rien n'y faisait: le son de leurs voix me parvenait toujours. Pire, il s'amplifiait. J'avais alors envie de leur hurler de se taire. De crier à m'en arracher la gorge, à m'en déchirer les poumons pour qu'enfin tout s'arrête. Pour avoir la paix.

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Une sonnerie résonne juste à côté de mon oreille. Dieu merci elle m'a sauvée de ce cauchemar. Je regarde mon radio-réveil

4h44

Encore quelques heures avant de devoir me lever. Ce n'est donc pas mon réveil.
Je cherche à tâtons mon portable qui est posé côté écran sur ma table de nuit et réussis enfin à le saisir. Je le retourne et la lumière de l'écran m'éblouis. Je lis alors "Meilleure" sur l'écran. Je décroche en grognant et porte le combiné à mon oreille.

~ L'Amie De ~ RÉÉCRITURE Où les histoires vivent. Découvrez maintenant