CHAPITRE 4 : "puis tout changea„

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Je rentrai chez moi (et non chez Jimmy, que j'avais décidé de laisser seul lors de cette soirée), à seize heure tout rond. Je m'étais réellement attardée, aux côtés d'Aylee -nous essayions la splendide robe chacune notre tour (elle lui allait beaucoup mieux qu'à moi ; elle faisait ressortir mes formes disgracieuses), elle prévoyait l'avenir de son futur couple avec l'homme de ses rêves, nous rigolions comme des baleines, nous faisant de ce fait presque mal au ventre. C'était agréable et bon de nous retrouver comme cela, seule toute les deux.

Ma famille habitait au coeur de Saint-Louis, dans un appartement lumineux et tout simplement immense. C'était un immeuble luxueux, aux murs de briques rouges typiques de notre région, et à la petite cour intérieur jolie et fleurie. Nos grandes fenêtres donnaient sur l'entrée de l'Université de Saint Louis -dans laquelle je devais entrer d'ici quelques mois.

J'habitai avec mes deux parents, mariés et heureux, ainsi que mon petit frère, Bill. Ma mère était la cuisinière d'un restaurant chic, mon père y était sommelier. Quant à mon frère, il avait 8 ans, et nous nous étions toujours merveilleusement bien entendus. En somme, toute ma famille était au beau fixe.

Lorsque j'entrai dans le hall d'entrée méticuleusement rangé, je sentis aussitôt que quelque chose ne tournait pas rond. Ce n'était pas une odeur, ni un bruit, mais plutôt une atmosphère et une simple impression, qui me faisaient penser cela. Quelque chose venait de changer chez moi.

Je poussai la porte menant au salon, dans lequel régnait une télé écran plat, et des consoles de jeux derniers cris. Une bibliothèque occupait également un grand pan de mur.

Mes parents n'étaient pas là, bien entendu ; ils devaient très certainement encore travailler, ils était très occupés, tout les soirs. Néanmoins, nous parvenions à garder un bon rythme de vie.

-Bill ? fis-je en déposant mes clés de voiture sur un petit meuble dévoué à cet effet.

Le silence régna, pur et étonnement terrifiant. Je me déplaçai vers l'étroit couloir menant aux chambres. D'un côté, la porte de la mienne (qui était assez petite ; j'avais laissé la plus grande à mon cher petit frère, mais assez jolie et bien organisée), de l'autre, celle de mes parents. Puis celle de Bill, à demie ouverte.

Je répétai le nom de mon frangin, l'inquiétude commençant peu à peu à me submerger. De nouveau aucune réponse. Décidée à me rassurer, à découvrir mon frère, trop plongé dans une lecture quelconque pour me répondre, je fis un pas dans la chambre familière.

Ce que je vis alors était digne du pire cauchemar que quiconque puisse jamais faire. Mon frère adoré et chéri, avec ses cheveux bruns, de la même couleur que les miens, jaillissait sur le sol, les yeux plissés au maximum, mais pas complètement clos. Ses mains pendaient immobiles, il était blanc comme un linge, et aucune respiration ne soulevait sa poitrine maigre d'enfant. Ce n'était pas le pire. Le pire, c'est qu'il nageait dans une mare de sang.

Je poussai un hurlement de terreur, ne sachant que faire d'autre. Puis je remarquai une autre présence, dans la chambre. Jimmy me regardait droit dans les yeux, près du corps livide, les sourcils froncés de tristesse mais le reste du visage inexpressif.

-Jimmy, chuchotai-je, et ma voix n'était plus qu'un souffle faible et ridicule. Qu'est ce qu'il s'est passé ?

Ses lèvres autrefois si irrésistibles demeuraient fermées. Son beau regard se baissa vers mon frère, bel et bien mort en cette journée.

-Jimmy, mon amour, répétai-je en m'avançant d'un pas.

Des grosses larmes, rondes, salées et silencieuses, coulaient sur mon visage, le picotant de toutes parts. J'allais me réveiller de ce mauvais rêve. C'était une obligation.

-J'appelle le samu.

Il ne disait toujours mot, impassible. J'avais tellement peur. Une horrible peur, mélangée à une tristesse débordante. J'aurais voulu que Jimmy vienne, me serrer dans les bras, me dise que tout aller bien se passer. Que mon frère allait survivre. Que ce n'était pas ce que je pensais.

Je trifouillai nerveusement dans mon sac à main Longchamp (un cadeau), et en extirpai mon portable tactile. J'appuyai en tremblant comme une feuille sur le bouton "appel d'urgence", et j'appelai. Quelques secondes plus tard, des aides étaient en route.

Je n'osai même pas regarder vers le sol. Mon frère, mon "mini-moi", comme je m'amusais à le nommer, était en train de se vider de son sang, et je ne pouvais rien faire. J'avais trop peur que ce soit réel. J'avais peur de voir son sang sur mes mains et sous mes ongles, en plein refroidissement.

Des troupes de sauveteur arrivèrent, des équipements professionnels avec eux. Ils me bousculèrent, m'adressèrent quelques mots inutiles. Ils emmenèrent mon petit frère dans un brancard sordide. La police et mes parents furent prévenus. J'avais l'impression de flotter, de ne pas être réellement là.

A un certain moment, je me rappelle avoir remarqué un objet, dans la main de Jimmy. Un objet brillant à la lumière, avec une lame aiguisée et un manche noir.

-Jimmy, mais qu'as-tu fais ? avais-je chuchoté.

Il m'avait lancé un regard que je n'étais pas parvenue à cerner.

J'avais pincé fort mon bras gauche, aussi fort que possible. Je ne rêvais pas.

Dans cette histoire, ce drame-ci n'est que l'élement perturbateur. Les péripéties qui allaient venir n'étaient pas à oublier.


« you're all i have »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant