CHAPITRE 3 : "Aylee„

39 7 1
                                    

Lorsque j'arrivais chez Aylee, ma meilleure amie depuis ce qui me semblait être toujours, il devait être treize heures -j'avais donc une petite heure de retard. Je pouvais prétexter que je n'avais pas eu assez de temps pour me préparer, qu'il y avait eu des embouteillages, à la sortie de Saint Louis, ou encore que j'étais passée saluer ma mère auparavant, mais quoi que je dise, je savais qu'elle devinerait aussitôt que c'était Jimmy qui m'avait retenu au lit. Je n'avais pas pu m'empêcher de sauter de nouveau dans ses bras, si accueillants, si ouverts, si tendres...

Aylee habitait encore chez ses parents, dans une grande maison à la jolie façade de briques rouges et au jardin bien entretenu à la pelouse verte en toutes circonstances. Je m'y rendais depuis toute petite -avant, nous avions l'habitude de vendre de la limonade faite maison, sur le trottoir.

Je me garai sur une place libre, coupai le frein à main, ôtai la clé du contact, puis finis par sortir de la voiture. On ouvrit la porte d'entrée principale sans que je n'eus à sonner. Ma meilleure amie était derrière celle-ci, avec ses longs cheveux blonds foncés tressés, ses joues rondes et roses d'enfant, et des chaussons adorables.

-Une heure ! s'exclama t-elle tout d'abord.

Malgré son air faussement mécontent, un sourire se dessina sur son beau visage enfantin. Je lui embrassai amicalement la joue et elle me fit entrer dans le hall.

-Une heure, répéta t-elle en fermant la porte derrière nous. C'est la première fois que tu me fais un coup pareil, et la dernière, j'espère.

J'enlevai mon manteau en daim beige, et le déposai sur l'un des portants où étaient accrochés une multitude d'autres vêtements en tout genre. J'essuyai mes bottes fourrées sur le paillasson déjà sale, et me tournai vers mon amie :

-Désolée, vraiment. Il y a eu des embou...

-Ne raconte pas n'importe quoi, je sais que tu t'envoyais encore en l'air avec ton Jimmy.

Je gloussai calmement, elle aussi.

Quelques instants plus tard, nous étions dans son immense chambre, peinte en blanc. Des œuvres d'arts compréhensibles uniquement par mon amie étaient accrochées aux murs, et sur les commodes s'empilaient des tas et des tas de vieux disques de groupes de rock inconnus. Un enfoncement avaient permis un petit dressing que j'aurais beaucoup souhaité posséder.

Je vins m'assoir sur une petite banquette en velour rouge, disposée juste devant le large lit. Elle, le dos contre le porte, me dit :

-C'est toujours pas fini, avec lui ? Tu dois tellement t'ennuyer, à la fin...

Je haussai les épaules et la regardai se déplacer vers son dressing.

-Ca te fait quoi, de coucher tout le temps avec la même personne ?

-Pas grand chose. Je n'ai connu que lui au lit.

-Ah oui, c'est vrai (elle pivota sur ses talons, me fit un sourire taquin). Je suis sûre que tu t'achètes des putes.

-Aylee ! fis-je, indignée mais amusée.

Elle éclata de rire en rejetant la tête en arrière, les yeux à demis-clos. Elle fouillait dans ses portants avec une énergie non dissimulée. La veille, elle m'avait envoyé un message, me déclarant qu'elle avait rencontré l'homme de sa vie et qu'elle comptait le séduire lors d'un rancard.

-Bah quoi, c'est vrai. Trois ans, c'est beaucoup. Vous ne pensez pas au mariage, aux bébés ?

-Nous n'avons que 17 ans.

Elle eut une sorte de petite moue déçue, mais ses pensées furent vite comblées par la magnifique robe qu'elle me présenta ensuite.

-C'est elle que je veux mettre ce soir.

C'était l'une de ces robes qui ne passent pas inaperçues, quand on les voit dans des magasins de luxe ou sur des magazines, mais que l'on se refuse à acheter -à cause de leur prix, de leur rareté, ou de leur extravagance à couper le souffle. La sienne était d'un rose bonbon voyant, avec un bustier qui devait mettre en valeur la poitrine, des volants en tulle, et une matière grandiose telle que la soie.

-Oh, mon Dieu, lâchai-je, impressionnée par ce vêtement qu'aurait bien pu porter une princesse. C'est incroyable, Aylee.

-Je sais, fanfaronna t-elle, toute joyeuse. Je l'ai déniché dans une friperie vintage.

Elle se tourna vers son grand miroir, collé à la porte, et la regarda à travers celui-ci, avec une admiration sans pareille.

-Tu penses que c'est le bon, ce mec ? demandai-je en croisant mes jambes devant moi.

-C'est sûr. Tu crois vraiment que j'aurais acheté cette robe qui coute la peau du cul si je n'en étais pas persuadée ?

Les parents d'Aylee étaient d'une richesse fabuleuse, donc oui ; elle aurait pu se permettre d'acheter une telle robe sans avoir forcément rencontré le fameux prince charmant. Néanmoins, je me contins de tout commentaire, et me contentai de lui rendre de beaux sourires.

Elle virevolta sur elle même, pimpante -les fantastiques volants tournèrent avec elle. Je ne l'avais jamais vu aussi heureuse et motivée par une rencontre amoureuse, et me mis à espérer que ce mystérieux homme serait celui qui comblerait son coeur.

Aylee avait eu beaucoup de déceptions, par le passé -beaucoup de conquêtes aussi, à vrai dire. Alors que j'étais restée avec le même homme pendant si longtemps, elle empilait les coups d'un soir et les diners romantiques sans lendemain. Quelques temps plus tôt, elle m'avait dit souhaiter de la stabilité, pour une fois.

-Bref, si je t'ai fais venir, c'est 1) pour me vanter, je te l'avoue, et 2), pour te demander si cette robe ne fait pas trop... bal de promo ?

-Ne te fais pas de soucis. Si j'en avais une telle, je l'a mettrais même pour aller à la boulangerie.

Elle rit une nouvelle fois, et remis soigneusement la robe dans sa longue pochette de protection, qu'elle ré-accrocha à un cintre.

-Apprête toi à ce que mon couple vole la vedette au tien !

« you're all i have »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant