CHAPITRE 1 : "toujours„

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J'étais folle et éperdument amoureuse de Jimmy Walker depuis mes quatorze ans -plus particulièrement dès lors que nos regards s'étaient croisés. Je m'en rappellerais toujours ; nous étions en quatrième, au collège, dans la cours de récré. Il m'arrivait de le rencontrer, rapidement, dans les couloirs, mais sans y prêter une telle attention.
Un coup de foudre n'est pas exactement ce que l'on nous décrit dans les romans à l'eau de rose. La terre ne s'arrête pas de tourner, les paysages alentours ne se mettent pas à défiler au ralenti. On est juste un petit peu secouée, et on met du temps à se rendre compte que l'on vient de tomber amoureux.
Ses yeux étaient sombres, profonds, et absolument envoûtants. J'avais une envie folle de m'y perdre pendant des heures. Mais hélas, l'un de ses amis était passé devant mon champ de vision et avait commencé à discuter avec lui, brisant de ce fait le charme, à mon grand désespoir.
Nous nous étions parlé pour la première fois la semaine suivante, à la sortie du bahut. Je portais encore mes affaires de sport collantes de sueur de l'heure passée, mes cheveux bruns étaient gras, et mon maquillage totalement délavé ; bref, il s'agissait du mauvais moment pour tenter de séduire quelqu'un. Pourtant, il me regardait avec un mélange d'inquiétude et d'attention lorsqu'il m'avait demandé l'heure.
C'est à ce moment là que notre fabuleuse histoire d'amour a réellement commencé. Il prenait le même chemin que moi pour rentrer chez lui, et il ne pouvait pas arrêter de me jeter des oeillades inquisitrices. Plus les jours passaient, plus nous nous rapprochions.
Trois ans plus tard, nous étions toujours aussi complices et amoureux comme au premier jour.

—À quoi tu penses ?
J'étais justement avec lui, dans son appartement, a Saint Louis -dans le Missouri. Allongée sur son grand canapé en cuir marron, un ordinateur portable bien posé sur mes genoux, je lui répondis, tournant mon visage gracile vers le sien :
—À rien.
Ce jour-là, il était magnifique. Ses yeux d'un marron rare étaient encore plus adoucis que d'habitude, ses cheveux bruns clairs étaient coiffés avec désinvolture et ses lèvres fines étaient réellement irrésistibles. La lumière vive envahissant son appart aux nombreuses baies vitrées donnaient des nuances incroyable à son regard.
—Tu n'as pas écrit un mot depuis dix minutes, reprit-il en passant une main dans ma tignasse emmêlée. Si tu veux gagner ce concours, il va falloir que tu finisses ta nouvelle.
Je poussai un soupir las en reportant mon regard sur l'écran de l'ordinateur. Une page Word y était ouverte, et présentait quelques maigres lignes de texte sans grand intérêt.
Ma passion, depuis mon plus jeune âge, était l'écriture. Je pouvais y passer des heures, courbée sur un cahier de brouillon ou sur un MAC -l'inspiration n'était pas ce qu'il me manquait, et de loin. Ce qu'il me manquait, c'était l'avis de grands spécialistes, de la reconnaissance, voire même de la célébrité ; c'était pour cela que je me lançais dans une dizaine de concours par ans.
—Aide moi, Jimmy, me languis-je en étirant mes jambes devant moi. J'ai déjà passé et repassé tous les thèmes de nouvelle. Donne moi des idées.
Il suspendit son activité -c'est à dire, jouer à GTA- et se mordit les lèvres, l'air soudain pensif et hésitant.
—Tu pourrais faire un truc un petit peu plus sombre, décréta t-il enfin en hochant les épaules. Tu écris toujours des histoires d'amour ou de trahison. Fais moi frissonner.
J'avais toujours su Jimmy un petit peu glauque, décalé du reste de la population actuelle. L'un de ses nombreux amis d'enfance, Christian, m'avait une fois conté que, beaucoup plus jeune, mon petit ami tuait une multitude d'insectes pour en faire un cimetière. Il traçait ensuite, du bout des doigts, sur la terre, un contour de tombe, et invitait toute sa classe à admirer ses chefs d'oeuvres. Je pensais que ce n'était que des conneries d'enfants, comme l'on en fait tous.
—Je ne suis pas douée pour ça, grommelai-je une nouvelle fois, avant de bailler négligemment.
—Tu ne pourrais même pas faire un mélange ?
Je fis claquer mes lèvres, hésitantz et subitement démotivée, puis abaissai ma tête sur l'une des épaules de Jimmy. Tout était au beau fixe, mais notre train train quotidien et parfait allait changer du tout au tout.

« you're all i have »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant