10. Deuil.

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Charlotte fut réveillée par une pluie battante. Ses vêtements collaient à sa peau et ses cheveux dégoulinaient. " Ca masquera mes larmes " pensa-t-elle. Ses mains lui brûlaient. Le sang avait séché et les plaies étaient moins violentes que ce qu'elle aurait pu imaginer.

Elle se leva avec peine et rentra. Dès qu'elle passa la porte, elle entendit les rires de sa compagne et de sa sœur. Elle se réfugia dans la salle de bains et verrouilla la porte. Elle s'appuya contre cette dernière et respira un bon coup, tentant vainement de contrôler les larmes qui lui montaient aux yeux. Elle se déshabilla et se glissa sous la douche. Son corps était envahi d'une faiblesse bien trop forte pour elle. C'était si dur à comprendre. Pourquoi la mort s'acharnait-elle contre une enfant de tout juste huit ans ? Pourquoi tout etait-il si injuste dans la vie ? Et pourquoi les gens à qui l'on avait pas montré d'affection plus tôt partaient ?

Sa sœur l'avait prévenue que l'enterrement aurait lieu deux jours plus tard. Ils voulaient faire ça au plus vite. Tant mieux. Elle serait torturée moins longtemps. Bien sûr, la mère de Lucie lui avait demandé de parler à l'enterrement. Elle hésitait. Son cœur était trop lourd de remords et de regrets pour se pointer à l'enterrement et y dire deux ou trois belles paroles qui étaient supposées rattraper les quelques cinq ans écoulés depuis sa dernière visite à ce côté là de la famille. C'était de l'égoïsme pur. Du moins, c'est ce que lui criait son cerveau. Mais son cœur lui disait d'y aller.

Ses réflexions furent interrompues par Lacey, frappant à la porte de la salle de bains.

- Chérie ouvre moi... Mon cœur...
- Lacey je... J'ai besoin d'être seule...

La brunette n'insista pas mais resta non loin de sa compagne, au cas où ca tournerait au vinaigre.

Charlotte ouvrit le tiroir de droite du meuble et en sortit un paquet de lames. Elle l'ouvrit, en choisit une, la posa doucement sur le bord du lavabo, reposa le paquet à sa place en prenant soin de le refermer et s'assit au sol. Elle entailla d'abord le haut de sa cuisse. Elle frémit mais n'eut pas mal. Puis elle s'attaqua à ses hanches et à son épaule. Tout y passait, de bas en haut, elle couvrait son corps de cicatrices absolument indolores pour la rouquine. Le sang ne coulait que très peu. Elle coagulait vite. Chanceuse qu'elle était. Elle rinça la lame, la désinfecta, la rangea dans son tiroir, cachée dans un double fond, avec tout ce qu'elle gardait précieusement. Elle pansa ses plaies, soigna sa main et sortit discrètement de la pièce pour se réfugier sous ses draps après avoir enfilé un legging et un t-shirt à manches longues et deux fois trop grand pour son corps frêle.

Elle posa la tête sur l'oreiller et s'endormit, trop fatiguée pour donner un quelconque signe de vie à Lacey et Élise. A peine eut elle un sommeil assez profond pour que puisse s'y immiscer quelques rêves que le souvenir de Lucie revint décuplé. Son esprit était torturé par des images horribles et des phrases affreuses.

Tu n'as même pas essayé de me sauver.
Tu nous as tous trahi et laissé tomber.
Tu es minable.
Tu as jamais été présente pour moi.
Tes parents ont donné naissance à un monstre.
Une fille sans cœur.
Tu es si pitoyable Charlotte.
On était bien ensembles, mais tu es partie. Évidemment.

Elle se réveilla en sursaut, transpirante et le cœur battant comme jamais. Elle tenta un long moment de calmer sa respiration. Elle appela Lacey, toujours au salon. Cette dernière arriva rapidement et prit sa compagne dans ses bras et la berça doucement. Elle caressait tendrement ses cheveux et lui murmurait des mots doux à l'oreille.

Après une longue demi heure, Charlotte se calma enfin. Elle se reposait dans les bras de Lacey et respirait enfin paisiblement.

Elles s'allongèrent collées l'une à l'autre et Charlotte fit, à la demande de la belle brune, un récit quasi complet de sa soirée. Au fond, elle aurait pu la résumer en deux mots : grosse merde. Exactement ce qu'elle pensait d'elle à ce moment précis, en somme. Qui plus est, Lacey versa une larme, elle qui savait combien sa compagne était proche de Lucie. Elle l'enlaça, la collant encore plus contre elle.

- Tu devrais aller à l'enterrement Charlotte. Ca ferait plaisir à ses parents. Et elle aurait aimé que tu y sois, j'en suis sûre.
- Je peux pas y aller sans toi Lacey. Si tu ne viens pas, je ne tiendrais pas.

La brune jouait distraitement avec quelques mèches rousses de Charlotte pendant qu'elles parlaient.

- Et bien soit, je serai là.

Charlotte jeta un regard incrédule à sa belle.

- Si tu as besoin je serai là. Je serai toujours là ! avait repris la brunette.

Leurs yeux se fermaient tout seuls. Charlotte entrelaça leurs doigts et ferma les yeux. Elle se sentait presque bien, l'étreinte de sa compagne la rassurant et la présence d'Élise dans la pièce d'a côté lui faisant du bien. Elle savait qu'elle aurait besoin des deux sœurs à ses côtés pour avancer sans Lucie dans sa vie.

~~~

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le soleil l'aveugla immédiatement. Elle chercha la brune près d'elle mais se rendit compte qu'elle était seule. Elle paniqua un court instant mais, en entendant le bruit de la douche, son cœur calma ses battements trop rapides. Elle s'assit doucement et rattacha ses cheveux plus convenablement avant de se frotter doucement les yeux pour se réveiller. Elle se leva et alla dans son dressing. Elle retira son pyjama et enfila des dessous, un jean taille haute gris, un crop top marinière et un cardigan gris. Elle enfila ses boots à talons hauts noires et sortit de la pièce en oubliant de fermer la porte, comme d'habitude.

Elle alla à la cuisine et nota le canapé replié et l'absence d'Élise. Elle ne s'en formalisa pas et se fit couler un café. Soudainement les évènements de la veille revinrent en puissance. Elle ferma les yeux et se massa les tempes, attendant de pied ferme que son café ait fini de couler.

I'm feeling lonely...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant