L'ange blanc

Préparation

D'un œil expert, Ebénezer détaillait sa nouvelle possession sans se départir de son sourire étudié. Grassouillette, la peau laiteuse et une petit poitrine, sa silhouette aurait fait rêver bien des hommes si elle était née trois siècles plus tôt. La pauvre fille avait, certes, la grâce d'un sac de briques, mais rien qu'un tuteur zélé n'aurait su corriger.

Comme chaque soir, Ebénezer espérait tomber sur quelqu'un dont la conversation l'intéresserait plus de quelque minute. Hélas, les anecdotes et rêves d'une lycéenne de l'ère digitale persuadée qu'une vision cynique du monde fait office de pensée intelligente ne provoquaient en lui qu'un ennui profond. L'art de la conversation était bel et bien mort dans le courant du XIXème siècle et ce soir n'était qu'un soir comme un autre.

Pour dissimuler son ennui, Ebénezer enchaînait les platitudes en concentrant son attention sur les pulsations de la carotide de son outre à sang. Le cœur de cette dernière battait la chamade, rendant le spectacle particulièrement hypnotique. Il percevait, plus qu'il ne voyait, les va et vient rapides du précieux liquide dans ses vaisseaux sanguin.

Selon certain, le sang prenait le goût des émotions profondes, le goût de l'âme. Quel saveur sa proie du jour aurait-elle ? Elle était emplie de colère, il la sentait, flotter, non loin de la surface de sa conscience. Colère face à l'injustice du monde mais surtout, colère envers elle même. Cela promettait un mélange de saveur des plus intriguant. Des notes amer de pamplemousse peut être ? Une pointe de safran sûrement ? Il allait le découvrir très vite.

S'avançant sur le canapé, Ebénezer approcha lentement son visage de sa proie. Celle-ci dissimulait son malaise derrière un barrage de mots. Il la fit taire en posant ses lèvres sur les siennes. Elle répondit, d'abord maladroitement puis goulûment.

D'un mouvement souple, fruit d'années de pratique, il piqua sa propre lèvre d'une incision de ses canine pour faire perler son sang. Le précieux liquide, franchissant le pont de leur langue, s'insinua dans la jeune femme, scellant son emprise.

L'outre à sang était prête.