Dernier pétale

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Un son strident et aigu s'échappa de la vanne que tournait Baekhyun pour remplir sa baignoire. Ce grincement s'éleva dans l'air, disparut aussitôt. Il versa un peu de savon et laissa le chaud couler à son aise pendant qu'il commençait à se déshabiller.

Il hésitait un peu, retenait ses gestes. Il avait peur. Mais il devait absolument se débarrasser de cette sueur. Il devait se laver. C'était devenu capital pour lui, il ne pouvait pas rester dans cet état. Ses vêtements découvraient son ventre d'une lenteur effarante, cherchant à retarder au maximum la découverte de son corps. Il était dos au miroir. L'écoulement ne lui parvenait qu'à peine. Il tremblait un petit peu. Il avait froid.

Son haut tomba sur le sol dans un léger froissement. Le petit blond plissait des yeux, les sourcils froncés. Ses doigts enserraient ses bras engourdis et ses épaules rejoignaient son cou. Il se retourna à contrecœur. Il fallait bien qu'il voie les dégâts à un moment ou à un autre. Son reflet s'imposa à lui comme une image irréelle, invraisemblable, cauchemardesque. Des taches coloraient sa peau presque exsangue. Elle était pire que blême, et pourtant, ces marques rouges, bleues, et parfois un mélange de mauve et de jaune venaient la recouvrir.

Il enleva fébrilement son pantalon, ses chaussettes et son sous-vêtement, sans pouvoir détacher son regard de ses ecchymoses. Il resta planté quelques instants, face à lui-même et à ses décorations qui redessinaient sa peau depuis la veille. La vapeur qui s'échappait derrière lui s'envolait dans la pièce et vint recouvrir son propre portrait, l'obligeant ainsi à se détacher de cette vue et des flashs douloureux qu'elle lui amenait.

Il s'appuya sur le contour encore un peu froid du bain et s'y glissa paresseusement, profitant de la chaleur qu'il lui apportait. Un soupir de contentement. La mousse lui arrivait à hauteur des clavicules. Il n'avait pas vraiment le cœur à s'amuser. Il s'étendit simplement, laissant ses pieds sur le rebord. Il arrivait à percevoir quelques gouttes courir le long de ses tibias, pour ensuite dévaler la courbure de ses mollets, s'échouer dans des bulles transparentes et partir à la dérive. Lui aussi, partait peu à peu.

Il s'affaissa un peu plus, courbant son dos, et sa tête se fit peu à peu submerger. Il bloqua sa respiration et plongea totalement. L'eau vint boucher des oreilles. Il n'entendait plus qu'un glougloutement sombre et incertain qui venait le conformer dans son extase amniotique. Parfois il soufflait, et l'oxygène rejeté remontait à la surface dans un bloup indiscernable. Il se sentait bien. Ses muscles crispés se détendaient au fur et à mesure que l'air lui manquait. Sa cage thoracique se comprimait douloureusement, sans que cela ne l'alarme. Ses cheveux nageaient autour de ses tempes et les caressait doucement. Ses poumons s'étant presque vidés, il n'était plus attiré vers le haut et pouvait dès à présent s'appuyer aisément sur le fond en métal qui épousait maladroitement la forme de son dos.

C'était confortable. Il aurait bien aimé rester dans ces eaux troubles, qui l'étaient tout de même un peu moins que son cerveau léthargique. Il y retrouvait cette chaleur dont il avait tellement besoin et qu'il n'avait jamais trouvée. Il se sentait presque en sécurité, à l'abri du monde extérieur. Intouchable.

Il se souleva brusquement, faisant déborder un peu la baignoire tant il gigotait, et reprit sa respiration bruyamment. Les joues rouges, un peu calmé, il se réadossa. Après avoir fixé le plafond quelques minutes, s'endormit.



Ses doigts ramollis serrèrent la poignée d'un de ses placards, décidés à s'emparer d'un peu de café. Il était sur la pointe des pieds, faute d'avoir eu le courage de se saisir d'une chaise pour pouvoir atteindre ce dont il avait besoin. Il n'aurait, de toute façon, pas su la porter, se serait recroquevillé immédiatement à cause de ses côtes douloureuses. Il tâtait à l'aveugle, palpait de peu de chose qu'il rencontrait. Le vide était presque omniprésent. Il crut reconnaître un sachet de thé. Non, pas ça. Il voulait du café. Un petit sourire illuminait son visage. Trouvé. Ses talons rejoignirent le sol alors qu'il admirait ce petit paquet déjà peu rempli. Il fit bouillir un peu d'eau, pas trop. Juste assez. Bras croisés. Yeux dans le vide. Bouche entrouverte. Absent. Un petit sifflement qui se hâte à réveiller son sens auditif. Un secouement de tête pour redescendre sur terre.

Kamala (ChanBaek)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant