Trentieme

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Prince- Purple Rain

TYLER

"Tu te fous de moi là?" Roxanne
plante ses yeux embués dans les miens, l'air de sincèrement se demander quel est mon problème. "Tu me trompes et tu veux que je te suive à l'autre bout du pays?"

"Je ne t'ai pas trompé" murmure-t-elle.

"Ah bon?" Je ris malgré moi "Alors tu es tombé sur lui par accident? Tu ne te souviens plus? Vas y Roxanne, explique moi."

"Je... C'est parce que tu..."

"Tu n'es pas sérieusement en train de dire que c'est de ma faute? Si tu t'es envoyé ce connard, tu es la seule à blâmer!"

"Tu venais de me quitter, et Max aussi. J'étais ivre et je ne savais pas ce que je faisais."

"Une nouvelle fois tu ne peux t'en prendre qu'à toi même, Roxanne. Comment se fait-il que tu gâches toujours tout?" Ma fureur me donne les larmes aux yeux mais je refuse d'élever la voix sur elle.

"Je ne sais pas."

Je lui tourne le dos et passe la main dans mes cheveux. Entre tous les hommes avec lesquels elle aurait pu coucher, il a fallu qu'elle choisisse cet enculé de Webber. Ce mec me sort par les trous et il a bien de la chance que l'homicide soit un "crime" puni par la loi.

"Tyler, je t'aime. Je suis désolée, pardonne moi." Elle m'attrape le bras mais je la repousse doucement. Elle n'a pas conscience que je pourrais l'encastrer dans le mur si je le voulais?

"Tais toi. Pour une fois dans ta vie, ferme là"

Je peux ressentir son hésitation quant à me prendre dans ses bras, mais elle semble comprendre que ce n'est pas une bonne idée. Je meurs d'envie qu'elle me crie que tout est faux, que Webber a inventé cette histoire, que je me suis fait des films, mais son silence, le bruit de ses sanglots sont pour moi bien pire que des aveux.

Je ne peux même pas la regarder. Je ne peux pas la regarder car c'est tout bonnement impossible de le faire sans avoir envie de l'embrasser.

"C'était un pauvre type. Il t'a fait tomber pour lui et il n'était même pas là pour te rattraper. Mais le pire dans tout ça, c'est qu'il t'a fait lui faire confiance. Il t'a fait croire qu'il n'était pas comme les autres. Il avait raison. Il n'est pas comme les autres. Il est encore pire. Alors pourquoi? Pourquoi lui?"

"Pourquoi ca ressemble d'avantages à une histoire entre toi et lui qu'entre toi et moi?"

"Roxanne, je fais mon possible pour rester calme alors ne retourne pas la situation. C'est une histoire entre toi, lui et moi. Il a posé une fois de plus ses mains sur toi. Comment as-tu pu, après ce qu'il t'a fait?"

Et c'est là que je me rends compte. Une nouvelle fois, je ne suis pas énervé pour sa trahison, je suis énervé à cause du risque qu'elle a pris en retournant vers ce salopard. Quoi qu'elle fasse, je crois je ne pourrais jamais ne pas m'inquiéter pour elle.

"J'ai fait une connerie. Je ne pourrais même pas t'expliquer pourquoi. C'est con parce que, Stevens, je veux que tu saches un truc. Je t'aime. Et je t'aimais déjà avant que l'un de nous ne s'en rende compte. Je t'aimais avant de te rencontrer parce que tu étais celui que j'attendais. Je n'ai pas prévu de te laisser m'échapper malgré les épreuves qu'on aurait à affronter. Je serai toujours là et je ne veux pas que tu l'oublies. Je ne laisserai pas les erreurs, mes erreurs du passé nous séparer, et je ferai en sorte qu'on apprenne d'elles au lieu de les répéter. Je ne laisserai personne s'immiscer entre nous, je ne laisserai aucun mot impacter sur ce que je ressens pour toi. Parce que sans toi, je suis incomplète, mais avec toi, je suis comblée de joie et de bonheur. Je t'en prie, pardonne moi." Sa voix fini par se briser et je sens ses mains se poser dans mon dos.

Mon corps est soumis à un dilemme. La repousser, ou l prendre dans mes bras pour ne jamais la lâcher. "Comment je suis censé te faire confiance?"

"Je ne sais pas. Il faut juste que tu y arrives."

Je me tourne vers elle et lui dépose un petit baiser sur les lèvres. "Ca ne veut pas dire que je te pardonne."

Je saisis ma veste et les chaussures puis quitte l'appartement sans lui adresser un autre regard.

"Elle pensait vraiment que ça allait passer comme une lettre à la poste? "

Lorsque je monte dans ma voiture, Jimmy est déjà sur le siège passager et me lance un regard navré.

"Ce n'est qu'une erreur."

"Certes, c'est une erreur, mais aurait-elle réagi différemment si la situation avait été inversée?"

"C'est Roxanne, bien-sûr que sa réaction aurait été différente. " Jimmy lève les yeux au ciel, exaspéré par ma stupidité.

"Il faut que j'arrête de te parler. Tu ne la connais même pas."

"Je suis ton seul ami Ty. Tu ne peux pas faire autrement. Et tu oublies vite que je sais tout ce qu'il se passe là dedans" il pointe mon crâne de son index maigre et pâle.

À mon tour de lever les yeux au ciel. Pourquoi faut-il qu'il soit toujours là? Jimmy et moi sommes amis depuis aussi loin que je me souvienne. Il lui arrive de disparaître durant un temps, puis de revenir de nulle-part comme si de rien n'était. D'ailleurs, cette fois-ci, il était réapparu lors de ma rencontre avec Roxanne. Et au fil de ces mois, sans que j'en connaisse la raison, il est devenu plus violent, il entre chez moi sans prévenir, de préférence lorsque je suis avec Roxanne, et il refuse de partir avant que je lui raconte tout ce qu'il s'est passé dans ma journée.

"Lâche moi Jim." Je frappe sa main et démarre la voiture. 

"Ty, cette fille est trop bien pour toi."

"Je le sais, et alors?"

"Rien, je voulais te le faire remarquer, c'est tout." Le regard goguenard de Jimmy me brûla jusqu'à ce que je me gare devant chez moi.

"J'imagine que tu montes?" Je dis en détachant ma ceinture, mais à peine ai-je relevé la tête pour lui faire face, il a disparu. Il fait ca parfois. Globalement, il ne fait rien de sa vie, si bien que plusieurs fois où je n'avais pas de nouvelles, je me demandais s'il n'était pas mort, mais il vit sa vie. Sans portable, sans famille, peut être même sans domicile, il va où le vent le porte.

Je monte chez moi à pieds, je ne peux pas prendre le risque de prendre la cage qu'ils appellent "ascenseur" car je risquerais de croiser mon proprio à qui j'ai un loyer de retard. Je soupire et enfonce enfin ma clé dans ma serrure.

Mon appartement est plongé dans une pénombre apaisante. Les reflets des affiches placardées aux murs créent une lumière éphémère qui correspond à ma personnalité. Mon premier réflexe est de foncer vers le buffet. J'ouvre le premier tiroir, dans lequel j'ai soigneusement rangé la lettre de rupture que m'avait écrite Roxanne avant que je la retrouve avec son faux homo de meilleur ami en plein rencard dans un bowling. Quand je trouve qu'un moment de ma vie est particulièrement comique, voire ridicule, je la relis, pour un espèce de plaisir masochiste à enfoncer le clou.

Stevens,
Tout d'abord, pardonne ma lâcheté. Avant même de le faire, je sais que partir comme une voleuse n'est pas approprié, surtout avec quelqu'un qu'on aime.
Mais c'est pourtant la raison pour laquelle je le fais. Tyler, tu mérites une fille qui te soutienne à 100%, qui ait une vie normale, et qui ne risque pas de te briser le cœur comme le fais à présent. Je veux que tu sois heureux, qui tu écrives un album et que tu gagnes pleins de Grammy's. Je veux que tu voies à quel point tu es une personne formidable.

Peut-être un jour pourrai-je te parler de ma vie sans en omettre une partie, m'autoriser à t'aimer encore plus fort qu'aujourd'hui.
Je te promets que je t'expliquerai tout, un jour.
À bientôt.
R.S.Carmichael

Je replie le papier et le foure dans le tiroir. La voix nasale de Jimmy me parvient depuis l'entrée.

"On dirait que tu vas à New York mon pote."

Irrésistible 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant