Chapitre cinquième

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19 décembre 2010

La musique bat son plein, les gobelets d'alcool passent de mains en mains, l'odeur de la cigarette empeste l'air et je me demande déjà comment je vais réussir à enlever cette odeur de mes fringues pour ne pas être privé de sortie pendant les 5 prochaines années à venir.

Les gars ont mis le paquet pour cette soirée.

Je me faufile entre les gens non sans manquer à plusieurs reprises de renverser des verres. Je me poste au milieu de la pièce qui autrefois ressemblait au salon des parents de Lucas et je me demande sincèrement si celui-ci arrivera à tout nettoyer avant que ceux-ci ne reviennent. Cherchant du regard Victo je me promets intérieurement de l'aider à nettoyer.

Une main se pose brutalement sur mon épaule, je me retourne vivement et reconnais celui que je cherchais. Ses yeux injectés de sang sont cernés d'une couleur violâtre, il est irrévocablement défoncé.

-          Mon Loulou ! s'écrie-t-il d'une voix éraillée, devine qui j'ai convaincu de venir !

-          Euh... J'sais pas ?

-          Aller, devine mec !

Je hausse les épaules et attrape le verre qu'il tient dans son autre main, j'en bois une gorgée. Voyant que je n'ai pas l'intention de marcher dans son jeu et de proposer des noms au hasard pendant une demi-heure, il reprend :

-          Tu nous parles d'elle sans arrêt ! La fille du cours de philo !

J'écarquille les yeux manquant de recracher ce que j'ai dans la bouche.

-          Tu as invité Camille ici ?!

-          Bah ouais...

Il semble un peu décontenancé devant ma réaction, je savais qu'il était soucieux de bien faire mais, Camille, la douce Camille du cours de philo ici, invitée à la soirée de débauche de Victorien, Lucas et indirectement de moi-même. Je peine à l'imaginer à sa place ici.

-          Elle est où ?

Il me lance un sourire en coin, et fais mine de ne pas m'entendre, portant sa main à son oreille, il la tapote du doigt.

-          Putain Victo, déconne pas, elle est où ?

-          Je l'ai vu dans le jardin tout à l'heure... Va pas trop vite hein, il dit avant de partir dans un fou rire que seul lui peut comprendre.

Je m'élance vers le jardin, connaissant par cœur la maison dans laquelle j'ai passé tant d'après-midi à jouer aux jeux vidéo avec Lucas et Victo, je m'oriente aisément malgré la quantité de gens qui semblent vouloir se fondre les uns sur les autres.

Aussitôt mon regard se fixe sur une paire d'yeux marron. Je m'avance vers elle.

Elle porte une jolie robe bleue et ses cheveux sont attachés en un chignon pas tellement chignon. Je suis presque étonné de voir un verre entre ses longs doigts fin vernies d'un bleu assorti à sa robe. Ses yeux se perdent un peu partout dans la foule, à la recherche d'un quelconque point de repère.

Comme je m'y attendais, elle semble un peu mal à l'aise. Un peu beaucoup même.

Je me glisse discrètement à côté d'elle.
-          Salut !

Son joli visage me scrute aussi vite qu'un sourire l'illumine.

-          Louis !

Je porte mes mains aux poches de mon pantalon pour me donner un semblant d'assurance face à celle qui hante mon esprit presque chaque jour depuis que je l'ai aperçu au détour d'un couloir à son arrivée au lycée.

-          C'est bien moi... (ne sachant quoi ajouter, je reprends après un instant d'hésitation) Je ne m'attendais pas à te voir ici.

Elle fronce les sourcils, et je regrette aussitôt ce que je viens de dire.

-          Il n'y a pas que toi et tes potes qui savez boire...

Pour accentuer son propos elle pose sa main libre sur sa hanche et bois une gorgée de sa boisson avant de grimacer sous la brûlure de l'alcool que je connais si bien. Je ne peux m'empêcher de sourire.

-          Je n'en doute pas le moins du monde ! Mais ne bois pas si vite, ou tu vas finir ta soirée au-dessus d'un buisson, ou des toilettes, comme tu le sens.

Je souris tandis que je vois briller dans ses yeux une lueur de défis. Elle porte à nouveau sa boisson à ses lèvres avant de la vider d'une seule gorgée. Elle toussote un peu et me tends son gobelet.

-          Les gens biens savent s'amuser aussi, elle dit d'un ton sérieux contrastant énormément après sa réaction enfantine.

J'attrape son gobelet à présent vide et je ris.

-          Les gens biens ? Je dois comprendre par-là que je suis quelqu'un de mauvais ? je demande un sourire accroché aux lèvres.

Elle hausse les épaules et souris d'un air mystérieux.

-          Peut-être bien !

-          Et tu penses que les gens bien et les gens mauvais peuvent s'assembler ? Je me rappelle sur une de tes disert' en philo, tu disais que les opposés s'assemblent bien mieux que ceux qui se ressemblent...

Elle part d'un grand éclat de rire, renversant sa tête en arrière. Son rire est aussi doux et léger qu'une douce brise, pas comme celui des pimbêches qui collent les baskets des sportifs du lycée. Malgré que je ne comprenne pas la raison de ce soudain éclat de rire, je souris comme un idiot de ce sourire que je n'arrive pas à me défaire quand elle est dans les parages.

Je souris parce que j'ai réussi à faire rire cette jolie fille face à moi, je souris parce que j'ai fait rire cette fille si sérieuse en cours de philo, je souris parce que j'ai fait rire la fille dont je viens de tomber amoureux.

Sans retourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant