Chapitre troisième

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30 juin 2012


Jamais je n'ai ressenti un trac si intense que celui-ci, il me perfore de toute part. Chaque muscle de mon corps est tendu au maximum. Ma gorge est nouée si bien que je simule des maux de gorge aux personnes qui s'inquiète pour moi. J'essuie mes mains moites sur mon pantalon d'une manière mécanique et régulière.

Je me suis habillé correctement aujourd'hui, peine que je n'avais plus prise depuis la fin de The Voice, j'étais très peu sorti et je n'en avais plus vu l'intérêt. Je porte un tee-shirt à l'effigie des Beatles, un pantalon beige et une veste assorti. Mais surtout cette boucle d'oreille qu'elle m'a offerte il y a de ça si longtemps à présent, mais que très rarement j'ai retiré depuis ce jour.

Dove Attia se tient en face de moi et me détaille de long en large chaque membre de sa troupe chérie. Il n'a de cesse de me répéter qu'il regrette Matthieu mais qu'il est heureux de m'avoir dans sa troupe et qu'après tout ce dernier change juste de rôle, je réponds par de vague hochement de tête ayant peur de bafouiller comme un idiot devant lui.

Jamais je n'aurais cru intégrer une comédie musicale. Roméo et Juliette ? Très peu pour moi ! Encore moins alors que la troupe de celle-ci était déjà formée auparavant, c'est comme arriver dans un lycée en cours d'année et avoir peur que tout le monde vous rejette sous prétexte que vous n'êtes pas arrivé en même temps qu'eux, un trac d'adolescent, exactement.

- Ils ont eu du mal à digérer le fait que Matthieu ne puisse plus assurer le rôle de l'amant, depuis ils n'arrêtent pas de demander des renseignements à ton sujet ! Je n'ai rien lâché comme tu l'as demandé, après tout ça va leur faire du bien un peu de nouveautés, j'ai remarqué un coup de mou ces temps si... C'est une troupe très énergique pourtant, ils s'entendant à merveille ! Je ne me fais pas de soucis quant à ton intégration, je suis sûr que ça ira parfaitement, ils sont vraiment adorables...

Il parle sans discontinuer de sa troupe comme un jeune papa expliquant avec précision l'orientation des pieds de son petit garçon lors de ses premiers pas, je suis largué depuis un moment déjà mais je hoche toujours la tête de temps en temps comme un idiot, ne sachant pas quoi faire d'autre.

Après tout, l'intégration risque d'être plus difficile qu'il ne le pense.

Je sais déjà tout, je connais chaque membre de cette troupe, j'ai vu et revu chaque nom depuis qu'intégrer cette troupe était devenu la seule solution pour que je puisse de nouveau la revoir. Je connais chaque détails de leur vie parfois ennuyeuse et sans intérêts, chacun des traits de leur caractère, jusqu'aux fossettes lorsqu'ils sourient, chaque vice caché au fond d'eux. Je dois tout savoir comme une leçon apprise par cœur. Et je la sais sur le bout des doigts, aussi bien que ma propre vie, je les connais, eux qui m'importe tellement peu, je dois être prêt. Et je le suis, je suis absolument prêt à les rencontrer.

Pas elle.

- Les voilà !

Tous les regards se tournent vers la porte d'entrée, je les imite, parvenant difficilement à garder un souffle correct lorsque, un à un ils entrent dans la pièce. Je les reconnais aussitôt.

D'abord une jolie blonde qui capte aussitôt mon regard et qui m'offre un énorme sourire, Roxane. Ensuite un jeune homme aux cheveux bruns qui semble me reconnaitre, lui aussi m'offre un sourire, quoi que moins explicite que la blonde d'avant, surement Sébastien.

Ensuite, elle.

Elle entre, d'un pas un peu hésitant. Je ne tiens plus le compte des personnes qui entrent à sa suite. Elle se met à me chercher du regard, ses yeux cherchant un point de repère, une ancre ; comme une enfant qui a perdu ses parents de vue dans un grand magasin de jouets. Un peu en retrait je m'avance d'un pas vers eux, poussé par la main de Dove exerçant une légère pression dans mon dos.


- Notre nouvel amant de la Bastille, Louis Delort, finaliste de The Voice ! lance gaiement celui-ci.

Tout se passe un peu trop vite à mon goût, j'essaie d'enregistrer chaque réaction, chaque mouvement, chaque sourire.

Ils applaudissent tous sans exception. Sauf peut-être elle.

Ses yeux noisette sont écarquillés de stupeur, plantés dans les miens. Ils expriment une profonde incrédulité. Son visage peine à recouvrir un masque impassible, elle lutte avec force contre les émotions qui l'asseyent. Je l'en admire d'autant plus, elle est belle, belle et forte, elle tient le coup. A sa place j'aurais été liquéfié de stupeur. Ses joues rosies par la surprise lui donne un air enfantin et ses cheveux bruns ceux d'une princesse. Princesse déchu par la lueur de tristesse brillant dans ses yeux.

Comme elle a changé en un an. Elle a grandi, elle a muri elle n'a plus ce petit côté naïf que j'appréciais autrefois, ou alors peut-être bien enfoui sous des nuits bercés de larmes et de mon souvenir.

Son visage disparait sous les mouvements d'une touffe de cheveux brune qui se plante face à moi et qui commence à engager la conversation, m'éloignant à nouveau de mon amour.Je l'ai vu l'espace d'une petite minute ou peut-être plus, j'ai rapidement perdu le fil du temps, il m'a de toute façon paru si court. Mais j'en suis à nouveau sûr, je serai prêt à tout pour elle.

Elle est belle à mourir, belle à foutre une vie en l'air.

Sans retourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant