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Chapitre 1

Mon père me pousse sur la balançoire pendant que je regarde le ciel se rapprocher de moi. Parfois, j'ai l'impression que je peux le toucher quand je suis sur la balançoire. Mais pour moi, le ciel est quelque chose d'inaccessible et de mystérieux, il a des secrets cachés que personne ne soupçonne - sauf moi évidemment. Je m'imagine souvent des histoires avec des anges du ciel et dans mes histoires, il y a aussi des démons - il faut toujours des méchants - et des fois, des fées.

"Papa ?

- Oui, Sarah ?

- C'est quoi les nuages ?

- Les nuages, c'est ce qui fait la pluie, rien de plus.

- Tu es sûr ? j'insiste.

- Oui, ma chérie.

- Le dîner est prêt ! hurle ma mère."

Je regarde le ciel une dernière fois et je cours vers la maison.

"J'arrive !"

Je me réveille en sursaut. Encore ce rêve. Je sais mon père a détruit mon monde ce jour-là, et alors ? Il avait raison, de toute façon, tous mes jeux étaient des fausses histoires ! Ça, je me le répète à longueur de journées mais je me prends toujours à espérer que finalement, il y a vraiment quelque chose de magique dans le ciel.

Je consulte mon réveil, dans l'espoir absurde qu'il me reste encore quelques minutes avant que je doive me lever. Malheureusement, il est déjà l'heure. Je me mets debout en grimaçant. J'ai toujours très mal à la tête lorsque je me redresse trop rapidement.

J'enfile un jean noir et un T-Shirt blanc que je recouvre d'un sweat gris - ma tenue habituelle - et je descends au salon. Ma mère est déjà partie et mon père dort. Je me précipite à la salle de bain et regarde mon reflet en poussant un petit soupir. La même question chaque jour : comment dompter cette impossible chevelure châtain ? Je les brosse simplement et me les attache. Je me rends à la cuisine et j'ouvre le frigo. Il est vide... cette journée commence mal.

Je me mets à chercher frénétiquement un Post-It pour rappeler à mon père de bien faire les courses avant mon retour. Au final, je prends du retard et je ne trouve pas, alors j'envoie un SMS dans lequel j'explique la situation à mon père.

J'attrape mon sac à dos à toute vitesse et je m'en vais.

J'arrive au lycée pile à l'heure. Je file directement dans le rang.

Les minutes s'égrènent avec une lenteur pas possible. Peut-être est-ce mon ventre gargouillant qui me donne cette impression... Je dois le tenir pour être sûre que ça ne s'entende pas. J'espère vraiment que mon père aura fait les courses. Pourtant, une voix au fond de ma tête me souffle qu'il n'en aura rien fait.

Lorsque je rentre à la maison, mon père est concentré sur son ordinateur et le frigo est vide. Je pouvais m'y attendre, non ? Je jette un coup d'œil à ma montre. 12 heures 47. On a plus le temps d'aller à Intermarché, en plus, le magasin est fermé !

Je me tourne vers mon père.

"C'était si dur que ça de faire les courses ? grognai-je.

- Quelles courses ? répond-il sans même lever les yeux de son ordinateur."

J'insiste :

"Tu sais, je t'avais envoyé un message pour te prévenir qu'on avait plus rien à manger.

- Ah bon ?! J'ai rien reçu."

Je renonce. Discuter avec lui se résume à se heurter à une coquille vide lorsqu'il est derrière son ordinateur.

Tant pis, je remets mon écharpe et je sors. Je vais sonner à la maison du voisin. Un garçon de mon âge ouvre. Il a les cheveux châtains clairs et les yeux verts avec des nuances marrons. Je me plonge dans ses yeux, ils sont si beaux... Mais il est nouveau. Je ne l'ai jamais vu dans le coin.

"Tu veux quoi ? demanda t-il.

- Euh... Tu peux pas me prêter un peu de nourriture ? J'ai plus rien, chez moi."

On dirait une SDF. Non mais imaginez-vous sortir de chez vous, aller chez le voisin et lui demander à manger ?! Bah, c'est tout à fait ridicule et c'est exactement ce que je suis en train de faire !

"Oui, j'en ai. Mais c'est pas pour toi."

Il rigole. C'est qu'il se croit trop drôle, en plus !

"S'il-te-plaît... C'est vraiment un cas d'urgence !

- Donne-moi une raison de te passer de la bouffe.

- Mais je vais mourir de faim, sinon ! m'indignai-je."

Mais c'est qu'en plus, ça a l'air de lui faire plaisir de se moquer de moi ! Il aurait pas pu aller acheter de la nourriture, mon père ?!

"Vas-y, entre."

Il ouvre la porte en grand et me laisse passer.

"Tu veux quoi ? répète t-il. Je veux dire, comme nourriture."

Il ouvre son frigo. Il a des réserves pour au moins un an ! Il compte hiberner ou quoi ?! C'est là que je commence à me faire des films : des gens qui se mettent à hiberner chez eux, qui dorment tout le temps, avec le paquet de pop-corn à portée de main...

"Des pâtes ? Une pizza ? insiste t-il en voyant mon air ébahi.

- Euh... Une pizza ? dis-je lentement en sortant de mes pensées."

Il m'en tend une et me dit :

"T'as une sale mine, ça se voit que t'as pas bien dormi !

- Ouais, j'ai fait un rêve...

- T'as rêvé de quoi ? s'enquit-il curieux.

- Un truc quand j'étais petite... Je posais des questions à mon père sur les nuages..."

Mais pourquoi je lui raconte ?! Je ne le connais même pas !

"Bon, faut que j'y aille, annonçai-je en regardant ma montre. Merci pour tout, en tout cas."

Son salon est rempli de cartons. J'en déduis qu'il vient d'emménager ici. Ah, la bonne vieille logique !

"Ils sont où, tes parents ? demandai-je.

- Partis travailler sur Paris.

- Ah, au revoir."

Et je m'en vais. Il est bizarre, ce type. Qui vous demande qu'est-ce que vous avez fait comme rêve ? Au moins, maintenant j'ai à manger.