Brèves de Poudlard

[Maraudeurs] Le bon choix

Sirius regarda avec nostalgie la place vide en face de lui. Cinq ans qu'elle l'avait désertée et par Merlin, ce qu'elle pouvait lui manquer. Elle était la seule qui lui fasse supporter toute cette hypocrisie, ces politesses forcées et ces regards conspirateurs. En fait, les circonstances avaient rendu ces repas absolument ignobles : En premier, évidemment, le départ d'Andromeda. En second, sa répartition à Gryffondor. Et en troisième, Regulus ce crétin prétentieux qui répondait à tous les critères d'enfant « parfait » de ses parents

Sirius retourna dans la contemplation du plat raffiné que Kreatur avait préparé pour toute la famille. Il était presque sûr que l'elfe crachait dans son assiette avant de la lui donner. Cette simple pensée lui enleva le peu d'appétit qu'il avait encore.

-Mange, lui murmura doucement sa voisine de droite, Narcissa. Si tu ne manges rien ils vont se poser des questions et tu ne pourras jamais sortir de table.

Narcissa n'avait jamais été désagréable, cela était certain. Mais le problème c'est qu'elle restait indéfinissable. Tout ce qu'on pouvait en dire, c'est qu'elle se transformait en une véritable tigresse si on n'osait dire du mal de Lucius, son époux, qui était assis à sa gauche. Il ne cessait d'effleurer la main de sa femme en un geste si tendre que Sirius oubliait parfois quelle ignoble personne se cachait derrière. Lucius était un être froid et mesquin pour tout le monde, excepté pour Narcissa. Ces différentes constatations avaient confirmé Sirius dans son idée que garder ses distances avec le couple était la solution la plus sûre. Un rire faux attira l'attention de Sirius sur sa voisine de droite. Druella, mère des filles Black réagissait apparemment à une plaisanterie -sans aucun doute morbide- de son mari. Les parents du jeune homme se trouvaient quant à eux en face, en alternance homme/femme comme l'exigeait les règles de bienséance.

Le départ d'Andromeda... Un souvenir si vif qu'il semblait s'être gravé à jamais dans son esprit. La soirée qui se déroulait à merveilles. Les rires faux, les vapeurs sirupeuses d'alcool, la fumée des cigares, les parquets grinçants, la chaleur étouffante. Et l'elfe paniqué qui ne savait pas où elle se trouvait et n'avait osé accoster que Regulus en promettant de se frapper la tête contre le mur pour avoir adressé la parole à un invité... Regulus qui était parti voir Druella qui avait légèrement blêmie avant de se reprendre immédiatement pour réprimander sa fille. Elle était revenue une dizaine de minutes plus tard, avait chuchoté quelque chose à l'oreille de son mari et avait annoncé à Constantin que la jeune fille était partie chez une amie dont un parent venait de mourir et qu'elle avait laissé un mot s'excusant... Sirius y avait cru sans réserve jusqu'au moment où il avait trouvé un message dans sa chambre en rentrant de la soirée :

Sirius,

S'il y a une seule personne à qui je dois une explication dans cette famille des plus haïssable c'est bien toi. J'aurais aussi pu laisser un mot à Regulus mais il est trop jeune pour comprendre, alors tu lui expliqueras en temps voulu. Je suis partie parce que je n'avais pas le choix, rester aurait été me conformer à ce que mes parents voulaient que je devienne. Et je ne veux pas. Je veux être avec Ted et ils ne nous laisseront jamais en paix si je ne romps pas définitivement les liens. Ainsi, plutôt que de me voir avec un né-moldu, ils peuvent simplement se faire à l'idée que je ne suis plus leur fille. Cela sera sans aucun doute plus acceptable. Je répondrais à toutes tes questions à Poudlard dans à peine deux semaines. Enfin, j'espère que tu ne deviendras jamais comme l'un d'eux. Tu vaux bien mieux que ça, tu vaux bien mieux qu'un Black, parce que tu es Sirius.

Avec toute mon affection,

Andromeda Anciennement-Black.

Sirius n'avait compris cette ultime phrase que lorsqu'il avait vu les visages pincés et désapprobateurs aux premières vacances après la rentrée. Ils lui en voulaient tous de ne pas être à Serpentard comme eux. Regulus avait bien essayé de le défendre en faisant part des nombreuses qualités de la maison Gryffondor mais ça n'avait rien donné : pour eux, Sirius avait déjà fait un pas définitif hors du chemin familial. Puis, la fidélité et l'affection de Regulus s'était arrêté le jour de sa répartition à Serpentard qui avait été suivie de tant de compliments que Sirius en avait ressenti une irrémédiable jalousie et rancune pour son frère. Sirius avait décidé ce jour de quitter définitivement la voie de salut que lui proposaient ses parents et s'était éloigné de son frère de manière définitive. Regulus voulait jouer au fils prodigue ? Alors il pouvait compter sur Sirius pour être l'abominable fils que sa mère n'aurait pu imaginer, même dans ses pires cauchemars.