Rêveuse.

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Toute ma vie, j'ai été une fuyarde. Il suffit que quelque chose me déplaise, ou que je m'ennuie, pour me perdre... Ou alors, peut-être suis-je juste une assoiffée de liberté. Ou bien une rêveuse, en éternelle poursuite du bonheur.

J'ai 18 ans, et aujourd'hui, j'ai changé d'amis d'innombrables fois ; je me suis tant cachée que personne ne me connaît réellement. Tout le monde possède des clés de lecture différente.

Alors, j'ai réalisé le rêve ultime de la fuyarde en moi lorsque j'ai quitté la France, pour atterrir dans un pays dont je ne connaissais rien... Qui est-ce que mon acte a surpris ?

Que sais-je faire, au fond, si ce n'est fuir ?

Est-ce que je cours vers un futur plus beau, est-ce que je me cache simplement du jugement des autres, leur interdisant l'accès à mes pensées, car je ne sais que trop bien que nos histoires ne sont qu'éphémères ?

Et puis, ça y est, j'suis là. Et le fait que je connaisse si bien la date de péremption de mes relations me rassure. Je sais que je ne vivrai dans cette maison que pour un an, que l'an prochain j'emménagerai avec Eve, que cette colocation sera peut-être renouvelable. Je sais qu'Isaiah, qui m'inspire tant, retournera chez lui le mois prochain.

Savoir quand ces mascarades prendront fin me rassure tant et si bien que j'en doute d'être parfaitement saine d'esprit. Qui m'a abîmée au point que je rêve de mon année à l'international alors que je ne vis ici que depuis deux mois et demi ? Alors que je viens tout juste d'obtenir ce nouveau départ dont je rêve depuis le collège ?

Et Alix, « Pourquoi fréquenter l'autre ? »

Et Isaiah, « To be remembered. »

Et moi, sans réponse. Pourquoi est-ce que je me tue à me lier à chacune de mes fuites, alors que je sais si bien que le jour viendra, que ce jour, d'ailleurs, n'est jamais loin, où je m'enfuirai à nouveau, et les ponts seront rares ? Pourquoi persister ?

«To be remembered », sa voix, que je n'oublierai jamais. Il a atteint son objectif.

Mais moi ?

Je n'en ai rien à faire qu'on se souvienne de moi. Je ne sais même plus qui j'étais hier. Peut-on se connaître soi-même ? L'important ; est-ce ce qu'on est, ou ce qu'on a choisi de devenir ?

«Essayez de laisser ce monde un peu meilleur qu'il ne l'était quand vous y êtes venus. », et, sans rire, c'est vrai que c'est ce que je fais, à chaque fois. Moi, et mes prétendues valeurs, que j'essaie d'inculquer à tout un chacun. Qui ai-je jamais changé ?

Est-ce que j'ai changé, personnellement ? J'ai mûri, certes. Pourtant, je sais que si j'avais ma Source sous les yeux, celle que j'ai écrite il y a près de trois ans, je verrais que j'ai toujours les mêmes aspirations. Je veux quelqu'un qui m'inspire, et qui accepte jusqu'aux recoins noirs et cachés de mon âme distordue. Je veux aller à la plage, je veux sentir le vent mordre mes joues et emmêler mes cheveux. Je veux sentir le soleil qui embrase ma peau, je veux un bouquet de marguerite, et un paquet de cigarette. Je veux m'entourer de personnes drôles, intelligentes, bienveillantes. Je veux parler de philosophie avec quelqu'un qui puisse me comprendre. Je veux remplir ma mémoire de moments et de paysages. Je veux voyager, explorer le monde entier – je pourrais, une nouvelle fois, appeler cela une fuite. Je veux reprendre un nouveau départ, encore un.

Cela cessera-t-il un jour, celui où j'aurai trouvé ma place ? Ou est-ce qu'une telle chose n'est qu'utopie ?

Tempêtes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant