Complainte d'un temps perdu.

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Une odeur de café moulu, le craquement d'une baguette, des conversations sans queue ni tête passées trois heures du matin.

Les voix insupportables de mes cousins, des teq-pafs à l'orange - car nous sommes certes des alcooliques, mais des alcooliques soucieux de la nature ; des cigarettes magiques partagées devant le Conquérant.

Le crissement des graviers sous nos talons, la voix grinçante de Coco qui nous reproche milles inepties, des projets stupides avec les gens les plus fous de Normandie.

Se perdre dans la plus petite ville que l'on connaisse et dans laquelle on vit depuis toujours, refaire le monde en cours de maths, rêver par-delà leurs limites.

Rire aux élucubrations machistes de Vincent, ne pas supporter les amis de Jeanne, pleurer de joie avec Margot.

Rester debout toute la nuit et réveiller Laura à l'heure du café, regarder le lever de soleil au matin du bal de promo enveloppée dans un duvet avec Antoine et Hippolyte ; et ces chansons qui nous poussent à nous adresser des regards complices.

Crier " Je connais pas les paroles " avec Margaux, bien qu'on les connaisse, depuis le temps ; jouer au jeu des bisous dans le grenier de Clémentine, et avoir peur que le plancher s'effondre sous le poids des corps lourdement jetés au sol ; tenter de dormir sur les matelas si poussiéreux qu'on s'étouffe, que nos yeux brûlent.

La folie d'Inouk, les éclats de voix lorsque je rentre chez moi, la sensation que le futur n'attend que nous.

La main de Xavier qui se tend vers moi aux premières notes d'un bon morceau, et qui m'entraîne dans un rock endiablé ; insulter le chat obèse de Mathieu lorsqu'il se faufile entre nos pieds quand on essaie de descendre les escaliers ; une cigarette, et deux, et trois, sur la pelouse dégueulasse de la place De Gaule.

Et dire que je ne réalisais pas, sur le moment, que ces instants me manqueraient tant.

Tempêtes.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant